Plaidoyer pour la reprise des activités scolaires en Haïti

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Nous vivons depuis quelque temps dans le pays une crise globale, aiguë et criante. Sur le plan sécuritaire, la situation ne cesse de se dégrader. Des conflits entre gangs armés paralysent presque toutes les activités dans de nombreux quartiers de la capitale et dans d’autres régions du pays. Les gangs armés tuent, violent, kidnappent, rançonnent, débusquent, la population haïtienne agonise. Cette situation de grande frayeur et de « non-perspective » fait fuir d’Haïti des jeunes universitaires, professeurs, professionnels, investisseurs et gens honnêtes vers l’inconnu incertain. Le pays plonge dans un profond désespoir. Cette crise d’insécurité affecte ainsi tous les secteurs de la vie nationale, dont celui de l’éducation haïtienne qui représente le pilier même de la société. Les écoles ferment leurs portes dans toute l’entrée sud de Port-au-Prince et à Croix-des-Bouquets. L’année académique 2022-2023 n’arrive toujours pas à être lancée dans les établissements scolaires.

Dimanche soir 11 septembre 2022, le gouvernement a annoncé une augmentation des prix des produits pétroliers qui n’a fait qu’intensifier la crise. De grandes mobilisations ont été réalisées dans le pays en vue d’exiger de l’État haïtien l’annulation des augmentations annoncées. Des politiques ont pris position et soutiennent / orientent les manifestations populaires. Nombreux sont ceux qui curieusement se positionnaient contre la réouverture des classes. Préalablement prévue pour le mois de septembre, reportée pour le 3 octobre, la réouverture officielle n’a toujours pas abouti à la reprise des activités scolaires. Par conséquent, les enfants ont déjà perdu huit (8) semaines de classe, situation qui ne fait qu’affaiblir encore plus la qualité de la scolarité de nos enfants, le niveau de nos enseignements et de nos diplômes. Les enseignants qui travaillent dans les écoles privées ne reçoivent pas de rémunérations. Les activités économiques (transport - Taxi à moto, petits commerçants ambulants, les bouquinistes, les petits commerces de quartier, les librairies, les maisons d’édition, les tailleurs et couturières, marchands de tissus …) qui dépendent en grande partie du fonctionnement des écoles se voient bloquées.

On le voit bien, en plus de sa mission première et indispensable qui est d’instruire et d’éduquer, l’école constitue un levier majeur pour le fonctionnement de bien d’autres secteurs dans la société. Par conséquent, il est d’une urgence absolue qu’une décision politique pragmatique émanant des autorités publiques soit prise pour la reprise effective et immédiate des activités scolaires dans toutes les écoles du pays.

 

L’éducation, un droit fondamental et inaliénable

Toute société dite démocratique qui aspire à construire un état de droit où prévaut la primauté du droit sur l’arbitraire, s’assure toujours que le droit à l’éducation, vecteur de transformation sociale, soit scrupuleusement respecté. Alors, l’État haïtien dans ses fonctions régaliennes a l’impérieuse obligation de rétablir la sécurité, préserver la propriété privée et publique, favoriser sans condition l’accès à l’éducation sur toute l’étendue du territoire national.

On reconnait volontiers que le droit à l’éducation, le socle sur lequel s’érigent les valeurs républicaines, est inhérent à la construction de l’État-Nation. Il constitue le principal pilier du développement durable. Ce droit, aux regards des conventions internationales, est inaliénable et imprescriptible.  

Depuis 1948, l’ONU, organisation internationale dont Haïti est membre fondateur, consacre le droit à l’éducation. Ce droit a été repris en 1989 pour être attaché spécifiquement aux enfants par la convention relative aux droits de l’enfant

 Selon l’article 28 de la convention relative aux droits de l’enfant, chaque enfant a droit à une éducation primaire gratuite, et un accès à l’éducation secondaire et supérieure. Le droit à l’éducation est fondamental et doit rester inviolable même en temps d’instabilité.

La constitution haïtienne, en son article 32-1, stipule : « L’éducation est une charge de l’État et des Collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignements des secteurs public et non public. »

 

En aucun cas, nous les membres de ANNIH, ne prêterons pas le flanc à cette classe politique corrompue, animée par des desseins politico-économiques inavouables et inavoués visant à boycotter encore une fois cette année académique 2022-2023 sous prétexte qu’elle préserve les intérêts supérieurs de la nation. ANNIH affirme en toute intelligibilité : aucune décision économique, politiquement orientée par l’international communautaire ne viendra pas obstruer le processus d’apprentissage des « PITIT SÒYÈT » déjà durement exploités. Le peuple haïtien en a marre de cette épistémophobie politique.

La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est sans conteste une violation flagrante des droits fondamentaux des enfants haïtiens. Et d’ailleurs, l’éducation est la clé qui ouvre la voie à la jouissance de tous les autres droits. C’est l’outil le plus puissant qui doit favoriser l’accès au progrès. Le développement humain et matériel ne peut en aucune manière passer outre de ce facteur.

Déjà en 2019, quand 70 % des écoles étaient fermées dans le pays, l’UNICEF et l’UNESCO ont lancé conjointement un appel à l’ouverture des écoles.  Les deux organismes de l’ONU ont souligné l’importance de l’éducation pour le progrès et l’intégration sociale. Cette année, la situation est beaucoup plus dégradée, car aucun établissement scolaire ne fonctionne. L’école haïtienne, plus d’une décennie, devient la chasse gardée des politiciens véreux et des gangs armés qui ordonnent à leur gré, son ouverture et sa fermeture sporadique. 

Dans une note conjointe publiée dans la presse en date du 28 octobre 2022, plusieurs organisations syndicales (FENATEC, LINEH, CONEHQ, CNEH, REPROH, CTSP, REEH, GIEL, CO-CFEF, ANNIH) dressent un tableau sombre de la réalité et lancent un cri pour la reprise des cours. En voici un extrait de leur note de presse :

[…] Lekòl la se poumom sosyete a. Lè lekòl la fèmen sou lobedyans estrateji batay politisyen, sosyete a pa respire byen. Nan kriz nou ye jounen jodi a la, sektè edikatif lan se youn nan pi gwo viktim yo, lè n konsidere pase 150 000 anseyan ki nan sektè prive a plis anpil lòt ki nan Leta a avèk lèt nominasyon ki pa janm touche e ki nan chomaj pase 5 mwa et mete sou 4 000 000 ti lezanj ki pa janm ka pran chimen lekòl. Sa a se yon krim kont dwa timoun nou yo. Timoun nou yo se poto mitan lespwa lavni sosyete nou an. Ann sove peyi nou an. 

Selon nos constats, confortés par l’avis de beaucoup de citoyens intervenant dans les médias, tous les autres secteurs commencent à reprendre leurs activités après le Peyi lòk, à l’exception des écoles qui restent fermées. À écouter les gens qui se plaignent dans les quartiers, dans chaque coin de rues, dans les tap-tap etc., on peut comprendre sans détours que les parents sont fatigués à garder leurs enfants à la maison, malgré leurs inquiétudes face à la situation délétère. Ils s’inquiètent pour leurs avenirs, d’autant plus qu’ils n’ont jamais cessé de croire que l’éducation de leurs enfants reste le seul et unique moyen qui peut leur permettre de changer leurs conditions de vie. D’où, malgré cette misère fabriquée, malgré cette insécurité télécommandée, malgré la cherté de la vie, la majorité de la population se dit clairement en faveur de la reprise des classes.

Sur le plan psychologique et pédagogique, les enfants perdent presque tout rapport aux activités scolaires. Les angoisses, les détresses et les désarrois s’accroissant chez beaucoup de jeunes au cours de ces derniers moments peuvent produire des errements, des aveuglements, des comportements de rejet et de haine pouvant provoquer probablement des nouveaux foyers de gangs. Et nombre d’enseignants, ne pouvant se maintenir dans la situation, commencent à s’adonner à d’autres activités n’ayant aucun rapport aux livres. C’est une grande menace qui plane sur notre société. Le métier d’enseignant est sous le risque de délitement.

Le dysfonctionnement des écoles a de graves conséquences sur d’autres activités dans l’économie nationale. Outre celles citées au début, il y a ce qu’on appelle l’Économie sociale et solidaire (les Mutuelles Solidarités) qui commence à subir les effets de cette crise de l’école : l’incapacité à cotiser et à rembourser sur les prêts cause déjà la dissolution de certaines Mutuelles ayant eu des membres exerçants seulement le métier d’enseignant.

Sur la base de ces constatations, considérations et motifs, ANNIH exige de tous les acteurs nationaux et internationaux concernés, particulièrement aux autorités étatiques de consentir tous les efforts nécessaires pour la reprise immédiate et totale des activités éducatives dans toutes les écoles de la République.

 

Pour ce faire, ANNIH propose :

  1. Au gouvernement de :
  1. Réviser à la baisse la décision sur l’augmentation de carburants ;
  2. Mettre les produits pétroliers disponibles dans toutes les stations à essence du pays;
  3. Résoudre le problème de la sécurité ;
  4. Subventionner les parents d’élèves et les écoles ;
  5. Gratifier à un montant raisonnable les professeurs des écoles privées ;
  6. Subventionner les enseignants des écoles publiques ;
  7. Nommer immédiatement tous les enseignants en attente de lettre de nomination ;
  8. Budgétiser tous les enseignants nommés, dont les 500 issus de l’ENS, ENARST ; ENGA, CFEF, etc. qui ne sont pas encore émargés sur le budget national ;
  9. Payer tous les arriérés de salaire ;
  10. Mettre à la disposition des élèves et professeurs des plats chauds au niveau de toutes les écoles de la République. ;
  11. Mettre à la disposition des écoles des psychologues et des travailleurs sociaux pour accompagner la communauté éducative.
  1. Aux acteurs politiques non étatiques et de la société civile de :
  1.  S’ouvrir au dialogue et au compromis sincère et transparent dans l’intérêt du pays ;
  2. Participer à la sensibilisation pour la reprise des activités académiques ;
  3. Contribuer à la résolution de la crise sécuritaire ;
  4. Redynamiser les structures politiques en constituant de vrais partis politiques utiles – pouvant remplir correctement les fonctions de sélection et de formation du personnel politique.
  1. Aux acteurs internationaux de :
  1. Accompagner l’État haïtien à travers des aides réelles et efficientes pour résoudre la grande crise pluridimensionnelle et particulièrement la question sécuritaire ;
  2. Aider le secteur éducatif haïtien à travers des programmes de formation pour les enseignants et des programmes de bourses d’études à l’étranger, à travers des dons de matériels et des coopérations financières saines.

 

 

LEKÒL KA SOVE AYITI, AN N SOVE LEKÒL !!!

 

 

 

Pour ANNIH :

Comité central :

  1. Ferdy RICHARD, Coordonnateur général                        ________________________
  2. Kemsly THÉODAT, Coordonnateur Adjoint           ________________________
  3. Jakson GERMAIN, Secrétaire général                 ________________________
  4. Jean Bélens VERDIEU, Secrétaire adjoint                  ________________________
  5. Manoly JASMIN, Resp. des relations publiques           ________________________
  6. Frantzy SAINT-HILAIRE, Délégué              ________________________
  7. Kerline THÉODATE, Trésorière adjointe                ________________________
  8. Jean Dijali BONHOMETRE, Trésorier Principal     ________________________
  9. Georges Grégor EXANTUS, Conseiller                       _______________________

 

Coordinations départementales :

  • Département du Centre :
  1. Antonio WILSON, secrétaire principal                ______________________
  2. Bladimy BATHALIER, secrétaire Adj             ______________________
  3. Habaccuc SIGUÉ, trésorier principal                  ______________________
  4. Ifalie LOCAN, Trésorière adjointe                            ______________________
  5. Patrick MONDÉSIR, relationiste Public.                ______________________
  6. Mackendy MOÏSE, délégué.                                            ______________________
  7. Gethro VALCIN, Conseiller                                         ______________________
  8. Frantz DORILAS, coordonnateur départemental adjoint ______________________
  9. Makenson LOCAN, coordonnateur départemental ______________________
  • Département de la Grand ’Anse                       
  1. Jacquelin CHERY, Coordonnateur Départemental           ______________________
  • Département du Sud-Est
  1. Fenès ROMY, Coordonnateur Départemental           ______________________
  • Département de l’Artibonite
  1. Lormejuste JEUNE, Membre de la Coordination  ______________________
  • Département du Nord-Est
  1. Alguy ETIENNE, Coordonnateur Départemental           _____________________
  • Département du Nord
  1. Stecker SAINT-JEAN, Coordonnateur Départemental _____________________
  • Département de l’Ouest
  1. Jocelin CASIMIR, Membre de la Coordination  _____________________
  • Quelques membres :
  1. Iskind CHOUTE                                                    _____________________
  2. Edrice SAINT HUBERT                                         _____________________
  3. Emmanuel SAINT JEAN                                   _____________________
  4. Anderson BRÉVIL                                                 _____________________
  5. Maxime FRANÇOIS                                              _____________________
  6. ELINOR ACCIDE                                                  _____________________
  7. Guary PIERRE TOUSSAINT                                    _____________________
  8. Jeune MISLET                                                       _____________________
  9. Wilner SELON                                                       _____________________
  10. Eddy SÉMÉ                                                            _____________________
  11. Evens MOLIÈRE                                                   ____________________

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