Lettre au sénateur Pierre Paul Patrice Dumont

C’est avec « crainte et tremblement » que nous vous écrivons cette missive, Monsieur le Sénateur Dumont pour vous exprimer notre grande déception.

 Disons d’entrée de jeu que rétrospectivement nous préférons Pépé Dumont au sénateur Dumont, pour qui nous sommes nombreux à avoir voté. Au moins, le commentateur sportif avait-il cela de particulier qu’il plaisait à tout un peuple, tant il maîtrisait son sujet footballistique. Pépé Dumont nous a fait aimer Diego Maradona, Romario Faria, Roberto Baggio. Il nous a vanté Pelé. Avec Kesner (Roro) Pharel, il nous a fait apprendre quelques mots italiens. « In diretta da uno stadio napoletano », il nous a jetés in medias res, dès le début d’un face-à-face de tous les diables entre l’Argentine et l’Italie, à l’été 1990. À quelques jours de la Coupe du monde, on ne peut qu’être au regret que le peuple haïtien ne puisse plus vous voir exercer la fonction pour laquelle vous semblez autrement doué, celle de commentateur sportif.  Que nous étions heureux de vous entendre dire, après chaque phase de beau jeu, « bon boul » !

 

   Une démocratie ne se construit pas quand on fait deux poids deux mesures

Comment, Monsieur le Sénateur, en êtes-vous venu à dissembler aussi radicalement de ce commentateur qui avait la maîtrise de son sujet et qui forçait à la fois l’admiration de tous et l’imitation de toute une génération de journalistes sportifs ? Le sénateur ne saurait se flatter d’être notre admiration.

À l’image du monde qui s’installe, nous sommes toujours, à Haïti, en train de redéfinir les rôles ou attributions, fût-il en dehors de la Constitution. Quand cela nous arrange et qu’il ne s’agit pas de nous, nous définissons un mandat non seulement par sa durée, mais surtout par son « contenu » ou les attributions y relatives. S’agissant de notre propre mandat, nous ne nous en tenons qu’au terme de celui-ci. Si l’on aspire à la démocratie, il faudrait qu’on bannisse toute pratique visant à avoir deux poids deux mesures.

 

       Toucher des émoluments pour lesquels on ne travaille pas, est-ce autre chose qu’un détournement de fonds (publics) ?

Le rôle d’un sénateur n’est pas de partager le gâteau, que nous sachions ! Les attributions d’un sénateur ne sont-elles pas fondamentalement d’amender des projets ou des propositions de loi, donc de légiférer ? De contrôler l’action gouvernementale ? Il faut jouer le jeu, Monsieur le Sénateur ! Étant donné les circonstances occasionnées par un tweet présidentiel en date du 11 janvier 2021, êtes-vous à même d’exercer les pouvoirs que nous vous avons délégués ? Vous ne pouvez que convenir que vos attributions principales, quoique votre mandature ne soit pas expirée, ne se peuvent remplir.

Toucher des émoluments pour lesquels on ne travaille pas, est-ce autre chose qu’un détournement de fonds (publics) ? L’entêtement à percevoir un salaire au détriment des taxes et impôts du contribuable haïtien n’est rien de moins que saugrenu, s’agissant surtout de vous, qui vous alignez ainsi sur des sénateurs à la coule. Ce qui nous paraît pour le moins suspect, c’est bien votre raccommodement avec vos pairs. Aussi, n’est-il pas superflu de nous appesantir sur vos débuts au Sénat et sur les sentiments qu’ils ont fait naître chez nous. Nous avons aimé cette époque, révolue, où vous avez restitué au Trésor public les indus qui, pourtant touchés par vos collègues au Sénat, vous ont été versés aussi. Nous avons la nostalgie de cette époque, pourtant récente, où vous dénonciez comme un détournement de fonds les allocations injustifiées de logement, de Pâques (ou de « poisson »), de carnaval, de machin, touchées par vos pairs [y compris par Antonio Cheramy (Don Kato) et Jean Renel Sénatus]. Votre élection était, pour beaucoup, promesse d’un divorce d’avec la politicaillerie coutumière. C’est la preuve, s’il en est, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Vous auriez eu sujet de vous douter que la fréquentation de la pègre n’est pas sans conséquence.

Plaise à Dieu que vous puissiez recouvrer cette même conscience qui a guidé vos débuts au Sénat et que les vertus perdues de Pépé Dumont puissent regagner le sénateur Patrice Dumont !

 

          Être indûment rétribué ne constitue rien de moins qu’une forfaiture.

Nos dirigeants exploitent ou récupèrent de façon immorale l’ignorance des vraies gens, qui n’ont pas nécessairement conscience que ce sont leurs impôts et taxes qui permettent la rémunération de leurs dirigeants. En tant que contribuables, donc des gens qui contribuent au salaire des sénateurs et des ministres (Premier ou subalternes), nous avons le droit de demander la reddition ou le remboursement de tout argent pour lequel nos gouvernants ne travaillent pas. Être indûment rétribué ne constitue rien de moins qu’une forfaiture, voire même une concussion. Votre supplique à votre président Joseph Lambert pour l’inviter à démissionner nous paraît au bas mot ridicule. Comme si l’on pouvait démissionner d’une fonction imaginaire ou d’une sinécure. Il n’y a de réel dans vos fonctions parlementaires que vos énormes salaires.

Espérant que ce mot vous fera prendre conscience de ce que nos dirigeants, réputés assurés de l’impunité, ne pourront continuer à s’adonner aux prévarications de toutes sortes, et que vous partagerez cette lettre avec vos collègues concussionnaires et notamment votre président accusé de trafic de cocaïne et de gangstérisme, nous vous prions, Monsieur le Sénateur, de recevoir nos salutations patriotiques et de profiter du dernier scandale qui vous fait honnir davantage pour renoncer au salaire injustifié et injuste que vous recevez tous les jours.

 

Dr Jean Webens Jecrois

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