Quelle réponse à la prolifération des déchets plastiques en Haïti ?

En Haïti, les villes sont débordées des déchets de toutes sortes. Cependant, les plastiques occupent une place non négligeable dans la problématique des déchets dans le pays. Suivant des recherches, tous les ans, parmi environ sept cent mille tonnes d'emballages (déchets) retrouvés dans le pays, près de cent mille sont des déchets plastiques ménagers. Parmi les différentes villes d’Haïti, Port-au-Prince et ses environs sont en tête de liste, en ce qui a trait à l'insalubrité. Viennent ensuite les grandes villes du pays. Par exemple, la ville du Cap-Haïtien. À Port-au-Prince, les déchets plastiques représentent entre 10 et 15 % des déchets solides, selon Joaneson Lacour, cite Le Nouvelliste. Mais, sachez que le phénomène de la prolifération des déchets n'est pas propre à Haïti, c'est un fléau mondial. Car selon des prévisions, d'ici 2050, il y aura plus de plastiques dans les océans que les poissons. Même si cette prévision est qualifiée d'alarmiste, mais il y a de quoi à s'inquiéter, puisque chaque année les océans reçoivent plus de 15 millions tonnes de plastiques.

Néanmoins, le problème de la prolifération des déchets n'est pas spontané, il a une histoire. D’après Marie-Véronique Henry-Wittmann, dans la Revue française d’économie, cela a surtout commencé dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, époque où les pays industrialisés commencèrent à connaître une forte croissance économique, par rapport à l'augmentation de la production industrielle. Donc, parce qu'ils produisent beaucoup plus de biens, la production des déchets a aussi augmenté. L'augmentation de la production des déchets est considérée comme le corollaire de la croissance. Elle est même perçue comme « une séquelle à la croissance » économique.

En Haïti, la prolifération grandissante des déchets a suscité beaucoup de commentaires, car elle est une source d’inquiétude pour certains. D'ailleurs, des gens s’inquiètent parce que les déchets représentent un danger tant pour l'environnement que pour la santé humaine. Mais, en dehors de la préoccupation de la population sur le danger que représentent les déchets, il y a un paradoxe dans le phénomène. Le paradoxe est que, la géographie industrielle du monde nous montre que la prolifération des déchets a une corrélation positive avec celle de l'industrie, alors qu'on n'a même pas encore un solide embryon d'industrie dans le pays.

De toute façon, il faut une solution à la problématique de la prolifération des déchets, ce qui ne reste pas indifférent plus d'un, qu'il soit des internautes, des universitaires ou le public en général. Ainsi, dans l'opinion différentes perspectives concourent, mais le recyclage reste celle-là plus priorisée. C'est-à-dire donner une valeur monétaire aux déchets. Et, de fait, des entreprises font du recyclage des déchets dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, majoritairement des plastiques. Mais, cela n'a pas réellement empêché la montée des déchets dans la région.

Dans un contexte tel, afin de trouver de meilleures solutions, il semble qu'il faut sortir de l'ordinaire et approcher la problématique des déchets autrement. En ce sens, des questions fondamentales ne nous doivent pas être étrangères. D’abord, quelles sont les véritables sources de production des déchets plastiques qui polluent les villes d’Haïti ? Ensuite, est-ce que le recyclage des plastiques est la meilleure solution aux plastiques qui polluent, ou est-ce qu'il n'y a pas d'autres solutions plus rationnelles ou complémentaires permettant de remédier à la problématique des déchets plastiques dans le pays ?

En effet, puisque généralement les déchets plastiques qui occupent l'espace public ont deux provenances principales, d'abord de l'industrie étrangère, ensuite de la petite industrie locale, seul le recyclage ne peut pas être la véritable solution. Mais, pour lutter véritablement contre la prolifération des déchets plastiques dans le pays, il faut la mobilisation de l'État à travers une politique publique. D’abord, un système de taxation doit être mis en branle. Il doit sévèrement toucher des producteurs des déchets plastiques locaux et non les entreprises locales de recyclage, en même temps réviser à la hausse les taxes sur les produits plastiques importés. Mais aussi, baisser les salaires des entreprises locales de recyclage des déchets. Dès ce moment, le recyclage peut s'en charger du reste et il sera aussi efficace. En même temps, faut-il modifier la conception des produits plastiques, c’est-à-dire prolonger la durée de vie de ces produits, comme préconisent bon nombre d'experts ?

Problématique du recyclage des déchets plastiques

D'abord, l’idée de recyclage est apparue dans un contexte où des ressources naturelles commencèrent à se faire rares. Le recyclage paraît comme une alternative à l’épuisement des matières premières. Au Zaïre, à la fin des années 60 le cobalt est parti en pénurie, en 1991 les utilisateurs avaient recours au recyclage. Au XIXe siècle, des économistes intéressés par la rareté des ressources donnèrent un fondement théorique au développement de l’économie de l'environnement afin de combler le vide que laissent certaines ressources naturelles. Pour les premiers, il s'agit de Malthus et Ricardo. Or, les économistes qui ont précédé ces deux économistes faisaient de la rareté d'un bien un élément déterminant sa valeur économique. En effet, « le recyclage se situe dans le cadre théorique de l'analyse économique, le développement du recyclage conduisant à une nouvelle approche de la notion de ressource, d'une part, des problèmes qui sont en fait ceux qui traitent les théoriciens de l’économie de l'environnement ».

En fait le recyclage des déchets, en plus de son rôle dans l'économie, il permet la préservation de l'environnement à deux niveaux. D’abord, les déchets constituent dans une certaine mesure une alternative par rapport à la rareté de quelques ressources naturelles. Donc, il permet de diminuer la pression sur l'environnement. Ensuite, il permet de protéger l'environnement par rapport à sa capacité de diminuer la quantité des déchets produits par l'activité humaine.

Néanmoins, le recyclage des déchets pose des problèmes d'ordres économique et technique.

Du point de vue économique, le recyclage a un coût exorbitant, car le coût de la collecte, du transport, du tri des matières à recycler est très élevé. Ce qui fait du recyclage une activité peu rentable, ainsi les travailleurs des industries de recyclage sont mal rémunérés. Car, le plastique recyclé se vend moins cher par rapport aux produits de premières mains.

Du point de vue technique, selon des spécialistes, « le recyclage génère une pollution qui est parfois plus mal ressentie que la pollution causée par la transformation d'une matière vierge ». Aussi, le recyclage des déchets entraîne-t-il une déperdition de la matière qui fait qu'il ne peut-être indéfiniment répété.

Ensuite, chaque catégorie et type de déchets fait l'objet d'un traitement différent. De même que les ferrailles ne peuvent pas recycler ensemble avec les verres, il n’est pas différent pour les plastiques-plastiques, parce que « le plastique n'est pas une entité ». Il y a plusieurs milliers de plastiques distincts. Parmi lesquels se trouvent le polyéthylène à haute densité (HDPE), le polyéthylène à basse densité (LDPE), PolyChlorure de Vinyle (PVC), Polyéthylène Phthalate (PP), PolyÉthylène Téréphtalate (PET), PolyStyrène (PS), PolyAmide (PA), etc. Au sein de chacun de ces types de plastique, il existe de différence de part de leurs compositions. C'est pourquoi les bouteilles PET de couleurs vertes ne peuvent pas recycler avec celles de couleurs rouges. Or, il paraît difficile pour prendre du temps afin de décanter les multiples catégories de plastique dans un arrivage en vue de les recycler. Ainsi, certains parlent du « mythe recyclé du plastique recyclable ». Néanmoins, cela ne concerne que le recyclage mécanique, parce que ce type de recyclage ne permet que de recycler des plastiques constitués d'un produit d'un seul thermoplastique.

Par contre, le recyclage chimique semble résoudre le problème. Il permet la modification des polymères que constituent les déchets afin de les transformer en une nouvelle matière première. C'est-à-dire uniformiser la matière. En terme de méthodes, on a utilisé la dépolymérisation, la dissolution et la pyrolyse. En dépit de l'utilisation de ces méthodes chimiques, on estime que les produits recyclés sont aptes au contact alimentaire. Il y a tellement de progrès en ce sens, en France, avec de programmes pilotes même les polystyrènes et les polyesters ne sont pas à l'abri du recyclage.

Cependant, en terme de conséquences, ces procédés chimiques sont énergivores et produisent des déchets ultimes, bien qu'en de faible quantité, mais nuisible. Ainsi, « les défenseurs de l'environnement craignent que ces solutions n'aient pas un trop mauvais bilan carbone ».

À propos de ces procédés, l'ECHA (Agence européenne des Produits chimiques) émet des inquiétudes. L'agence est très pessimiste sur le fait que ces procédés de recyclage chimique aient la capacité de disparaitre dans des produits recyclés les substances nocives qui préoccupent plus d'un. Pour l'ECHA, certains additifs nocifs pourraient ainsi se trouver dans les produits finaux.

L’industrie étrangère et locale dans la prolifération des déchets plastiques en Haïti

Du fait de la globalité du monde, l'activité de quelques pays a des impacts soit positifs ou négatifs sur d'autres pays. Mais, le plus souvent ce sont les pays avancés qui ont impacté les pays moins avancés et surtout de manière négative. C’est en ce sens que, dans la dynamique des échanges commerciaux, les premières vagues de plastiques retrouvées en Haïti sont issues de l'industrie étrangère. D'ailleurs, jusqu'ici l'industrie étrangère ne cesse pas d'exporter des déchets plastiques en Haïti. Ces exportations se font de deux manières. Soit qu'elle exporte des plastiques propres ou qu'elle exporte des plastiques servant d'emballages aux autres produits exportés. Cependant, il y a un troisième moyen à travers lequel des déchets plastiques sont arrivés dans le pays. C’est le cas des Haïtiens vivant à l’extérieur communément appelés la diaspora, ils embarquent aussi des objets plastiques désuets à destination d’Haïti. Par exemple, des jouets en plastiques. La troisième voie est liée à la dynamique de la pauvreté. Ainsi, les pays avancés sont des sources de production des déchets pour Haïti. Par conséquent, Haïti n'est pas seulement une société de consommation des biens consommables importés, mais aussi une société de consommation des déchets importés.

Cependant, les déchets plastiques retrouvés en Haïti ne sont pas tous issus de l'industrie étrangère. Des entreprises locales y participent. Elles produisent aussi des objets en plastiques. Certaines produisent des objets en plastiques en dehors du recyclage et d'autres recyclent des déchets plastiques pour fabriquer des objets en plastiques. Pour cela, elles sont des grandes sources de production des déchets plastiques en Haïti, parce que ce sont ces entreprises qui alimentent en partie le marché en emballages ou autres objets en plastiques, bien que je ne suis pas en mesure de dire à quelle proportion.

Par exemple, l'industrie de la brasserie qui est parmi les plus grandes propagatrices des déchets plastiques dans le pays, elle est alimentée par les producteurs de plastiques qu’ils soient locaux ou étrangers. Les usines de boissons gazeuses sont reconnues pour telles parce qu'elles utilisent généralement des emballages non réutilisables pour emballer leurs produits. Donc, à chaque boisson gazeuse consommée dans le pays, le volume des déchets plastiques tend vers la hausse. Par contre, des milliers de boissons gazeuses sont consommées chaque jour dans le pays.

Malheureusement, il y a une mauvaise compréhension sur l'industrie haïtienne de recyclage des plastiques. C’est un biais cognitif. On a tendance à croire que ces entreprises réintroduisent les plastiques dans le cycle de la matière et réduisent le volume des déchets plastiques, mais ce n'est qu'une perception, parce qu’il y a un déséquilibre entre la production des déchets et le recyclage des déchets dans le pays. En 2017, près de 900 000 tonnes métriques de déchets sont produits en Haïti. Or, seulement 90 000 tonnes métriques de déchets qui pourraient être recyclés, si l'État s'arrangeait aux côtés des entreprises de recyclage des déchets, indique Joaneson Lacour dans une conférence, rapporte Le Nouvelliste.

Dans un environnement où le rythme de recyclage des déchets plastiques n'est pas proportionnel avec celui de la production des déchets plastiques, alors que la durée de vie des objets plastiques transformés est très courte, les entreprises de recyclage sont plutôt des producteurs des déchets plastiques. En plus de cela, il y a des déchets plastiques transformés en produits utilisables par des entreprises de recyclage qui ne sont pas retournés dans le circuit du recyclage. C'est le cas de quelques emballages plastiques (les sachets plastiques). Les entreprises ne recyclent presque pas les sachets en plastiques, mais plutôt des bouteilles plastiques et d'autres objets en plastiques, or elles produisent des sachets en plastiques. Par conséquent, les entreprises de recyclage des déchets ne font qu'augmenter le volume des déchets plastiques existants au lieu de le réduire. Donc, en guise de diminuer la pollution des plastiques, les entreprises de recyclage des déchets contribuent dans la pollution des déchets plastiques dans le pays. Cependant, des mesures efficaces de l'État peuvent inverser le rôle et rendre réellement utiles ces entreprises.

Mais, les entreprises de recyclage des déchets ont quand même leurs mérites, particulièrement sur le plan socio-économique. Car, il y a des centaines d'individus exclus sur le marché du travail, en grande partie dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, les entreprises de recyclage leur procurent une activité économique à travers la filière du recyclage. Ce qui améliore la vie économique et sociale de ces exclus et démunis. D'ailleurs, les entreprises de recyclage des déchets font partie des institutions de l’économie sociale. Mais, en plus il y a des petits commerçants qui commercialisent des plastiques recyclés par ces entreprises locales sur le marché, et tirent du profit de cette activité.

Comment diminuer les déchets plastiques dans le pays

Pour tenter de réduire la pollution des déchets plastiques en Haïti, il faut augmenter les taxes sur les produits plastiques importés. C'est donc décourager la consommation de ces produits dans le pays, parce que les plastiques ne sont pas biodégradables et certains d'entre eux ne sont pas réutilisables, c'est pourquoi les déchets plastiques ne cessent d'augmenter. Cette mesure aura pour conséquence de réduire les déchets plastiques importés, mais avec le risque de diminuer les activités économiques dans le pays, car les commerçants des produits en plastiques vont voir réduire leurs chiffres de vente. Mais, puisqu'il est susceptible de réduire la production des déchets plastiques, cela peut aussi créer un équilibre entre la production des déchets plastiques et le recyclage des déchets plastiques, ce qui permettra de renforcer la production locale, car les entreprises de recyclage des déchets locales seront en de bonnes positions. En outre, une telle mesure aura encore une autre conséquence positive pour l'environnement, mais négative pour  l’économie. C'est qu'il est probable qu'une substitution de produits se réalise, alors qu'elle sera défavorable pour les entreprises de recyclage locales.

Par contre, du point de vue global, cette mesure permettra de rendre utile les entreprises locales de recyclage des déchets, dans la mesure où l'État abaisse leurs salaires (rendre disponible de l’énergie, réduction des taxes, leur facilité de prêts à un taux d'intérêt raisonnable, etc.). Parce que, cela permettra d'augmenter la capacité de recyclage de ces entreprises. En effet, toutefois la capacité de recyclage locale est augmentée et les taxes sur les produits plastiques importés sont révisées à la hausse, c’est là qu'il y a possibilité de créer l’équilibre entre la production des déchets et le recyclage des déchets dans le pays, donc le volume des déchets sera diminué.

Quant aux responsabilités des entreprises de recyclage des déchets locales, elles doivent produire des objets en plastiques réutilisables et plus durables dans le temps, c'est-à-dire sortir dans la simplification. Une fois que la durée de vie des produits est augmentée, cela aura de conséquences positives sur l'environnement. Par exemple, si une cuvette en plastique peut avoir une durée de vie au-delà de cinq ans, ce serait très favorable à l'environnement. Mais, il fera aussi ralentir  le processus de l’accumulation du capital des entreprises. C'est là le dilemme. Pour que les entreprises de recyclage des déchets puissent faire leurs siens une telle politique, l’État doit mettre de barrières empêchant les effets de modes de provoquer le jet prématuré des produits en plastiques pour les remplacer par d'autres produits en plastiques, mais également mettre en place un service de vérification de la qualité des produits recyclés.

Pour les grandes et moyennes entreprises qui utilisent des emballages en plastiques pour commercialiser leurs produits, par exemple les entreprises de la brasserie, elles doivent payer une taxe à l'État pour des potentiels dommages causés à l'environnement. Il en est de même pour les entreprises qui fabriquent des objets en plastiques sur le territoire, mais non pas celles qui recyclent des déchets plastiques. Un fond doit être créé pour recueillir ces argents. Ce fond servira à plusieurs choses :

D'abord, créer des dépotoirs modernes dans chaque région du pays ; transformer et aménager les dépotoirs sauvages des citoyens : les        transcrire en dépotoirs de transition dans les communautés ; s'ils ne posent pas de problèmes d'ordres techniques, sanitaires et autres.

Ensuite, faire de campagnes de mobilisation et de sensibilisation environnementale dans la population. Pour cela, il faut impliquer des groupes socioreligieux et éducatifs (les chrétiens, les vaudouïsants, les francs-maçons, les directeurs d’écoles, etc.) à travers leurs fédérations, confédérations, obédiences, associations et organisations dans la mobilisation pour la protection et la préservation de l'environnement. C'est donc intériorisé aux adeptes religieux et des agents de socialisation des valeurs environnementales. Ce processus aura pour conséquence de modéliser les membres de ces groupes qui à leurs tours devenir des machines de sensibilisation des communautés.

 

Conclusion

La pollution des déchets devient un sujet préoccupant pour presque tous les Haïtiens. Des solutions à la problématique s’avèrent nécessaires. Mais, en dépit des efforts déployés par des particuliers, seul l'État peut véritablement affronter le problème. D'ailleurs, les particuliers n’ont aucune responsabilité dans le fléau, la responsabilité est étatique. Donc, si la responsabilité est étatique, l'État doit être l'initiateur des projets pour la recherche de solutions. Mais, pour trouver de vraies solutions à la problématique de la prolifération des déchets plastiques, l'État ne doit pas prioriser des mesures légères et cosmétiques inspirées du populisme ou du « souflantchou », mais plutôt des mesures impopulaires et dérangeantes.

 

Lopkendy JACOB

Lopkendyjacobrne@gmail.com

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