Dans la crise Haïtiano-Dominicaine, des produits agricoles dominicains taxés d'OGM en Haïti

Dans le monde, la problématique des OGM n'est pas nouvelle. Des organisations paysannes, des organisations médicales ou autres organisations de la société civile s’inquiètent des organismes génétiquement modifiés dans beaucoup de pays, et cela soulève constamment des débats ; les OGM font peur. En 2001 et en 2003, au Canada le groupe d'experts de la société royale et la commission d’éthique de la science et de la technologie du Québec exigent l’évaluation, la réglementation dans le processus d'approbation, le contrôle et la surveillance à long terme des OGM.

Maintenant, c'est le tour d’Haïti à ce sujet, mais c'est à un niveau différent en comparaison avec d'autres pays, parce qu'ailleurs ce sont généralement des groupes organisés qui soulèvent ces genres de débats. Constatant des produits dominicains qui n'ont pas pu écouler sur le marché haïtien sont jetés en République dominicaine, à cause de la fermeture de la frontière haïtienne à Ouanaminthe par la société civile, certains se questionnent sur la qualité de ces produits. Dans la foulée, ils ont scandé que ces produits sont de qualité inférieure et/ou des OGM qui sont faits spécifiquement pour Haïti.

Pour dire vérité, la problématique des OGM n'est pas évoquée pour la première fois en Haïti. Plus près de nous, en 2010, le Mouvement Paysan Papaye (MPP) a soulevé ce débat, mais dans un autre contexte. Après le séisme du 12 janvier 2010, des organisations non gouvernementales tentent de propager des semences génétiquement modifiées dans la paysannerie haïtienne au détriment des semences traditionnelles, le MPP se dressait contre cette stratégie de l’internationale, avec le support de la Campesina. Le Mouvement Paysan Papaye estime que les OGM sont très mauvais pour le pays.

En effet, les OGM n'ont pas joui totalement d'une bonne réputation dans le monde pour plusieurs raisons. Il s'agit des raisons culturelles, environnementales, sanitaires et économiques. Mais, c'est l'aspect sanitaire qui nous préoccupe dans cette réflexion.

 

L’inquiétude des Haïtiens sur de potentiels OGM importés de la République dominicaine, est-elle juste ?

Les OGM sont très présents en République dominicaine. Selon une étude réalisée par l’Alliance Centroaméricaine de Protection de la Biodiversité sur cinq pays de l’Amérique Central et la République dominicaine, que cite AFP en 2005, 80 % du maïs, du soja et des céréales étudiés dans ces pays sont des organismes génétiquement modifiés. C'est pourquoi l'Alliance avait demandé à ces pays de ratifier le protocole de Carthagène sur la biosécurité. Un accord international qui oblige aux pays exportateurs d'OGM de fournir des informations sur leurs produits, et les pays importateurs ont le droit d’évaluer le risque de ces produits avant de les autoriser.

 

Néanmoins, la République dominicaine est reconnue pour l'une des plus grandes productrices de bananes biologiques. Elle produit plus de 55 % des bananes biologiques dans le monde, selon la Banque Mondiale. Mais, environ 95 % de leurs bananes organiques exportées sont destinées à l'Union européenne. Donc, en dehors des OGM, la République dominicaine a une réputation pour la production des produits biologiques.\

Cependant, malgré cette réputation pour des produits bios, se questionner sur l’exportation des OGM en Haïti par la République dominicaine à l'insu des consommateurs haïtiens fait de sens. De tels faits ne seraient en aucun cas surprenants, puisque l'État haïtien est défaillant du point de vue politique, structurel et technologique. Ajouter à cela, les Dominicains se veulent pitoyablement racistes et xénophobes. Ils ont tendance à se faire passer pour supérieurs par rapport aux Haïtiens. D'ailleurs, ils se croient être blancs. Peut-être, par rapport à cette posture de raciste, ils pourraient bien penser à exporter vers Haïti des produits de qualité douteuse.

Cependant, il existe des mécanismes pour que des pays évitent d'importer des produits OGM qui risquent de poser des problèmes de santé à la population locale. D'ailleurs, c'est ce qu’établit le protocole de Carthagène auquel Haïti a signé le 24 mai 2000. Ce protocole préconise le principe de la responsabilité. Suivant ce protocole, tous les pays ont le devoir de transparence en ce qui a trait à leurs produits exportés. En plus, les pays importateurs ont le droit d’évaluer les produits importés à leur guise. Il n’est pas différent pour Haïti à l’égard des produits importés de la République dominicaine qui a, elle-même, signé ce protocole le 20 juin 2006.

Malheureusement, l’État haïtien est dépourvu de la capacité réelle afin de passer sérieusement au crible les produits dominicains, pour des raisons citées dans le paragraphe plus haut. D'abord, le pays est dépendant du point de vue alimentaire, un tel contrôle peut intensifier l’insécurité alimentaire, qui à son tour débouchera sur de mouvements insurrectionnels. Ensuite, on n'a pas un service quarantaine fort et organisé. Pour cela, la corruption organisée enfreindrait à tout prix un tel processus, la soumission des produits dominicains à de vraies évaluations. Car, selon des informations, des agents et inspecteurs de contrôles techniques et qualité attachés au service quarantaine du ministère de l'Agriculture se sont effondrés dans la corruption au niveau de la frontière Haïtiano-Dominicaine. En plus, il faudrait un laboratoire actif, innové et fonctionnel du point de vue technologique. Je ne mets pas en question la capacité technologique du laboratoire de l'État haïtien. Mais, ce serait insolite si on parvient à constater un laboratoire public qui fonctionne en dehors du régime de fonctionnement de l'État haïtien.

En ce qui a trait à la qualité des produits dominicains, les produits visionnés sur les réseaux sociaux que les Dominicains sont en train de jeter, cela peut-être référer à plusieurs causes. D'abord, plusieurs de ces types de produits (choux, bananes, tomates, etc.) sont très périssables, dès qu'ils arrivent à la maturation. C’est-à-dire leurs durées de vie sont très courtes. Cela se réfère à leurs structures biochimiques et à leurs physiologies. Par contre, la République dominicaine est une excellente productrice agricole, ses produits alimentaires n'ont pas la valeur de l'or sur le marché comme est cela sur le marché haïtien.  Puisque ces produits sont disponibles en quantité suffisante sur le marché dominicain, ceux qui destinaient au marché haïtien et qui n’ont pas pu arriver en Haïti constituent un surplus pour les Dominicains. Pour ces deux raisons, il ne pourrait avoir rien d'anormal dans ce que l'on visionne sur les réseaux sociaux, c'est plutôt normal. C'est comme à Croix-des-bossales, lorsque c’est la saison d’avocats, il devrait avoir un surplus de ce produit sur le marché, ce qui fait qu'il y a des pertes sur le marché. Mais, cela ne veut pas dire pour autant que le surplus d'avocats qui est en putréfaction sur le marché de la Croix-des-bossales ne sont pas de bonnes qualités.

Il y a une autre situation pareille et comparable à celle qui est arrivée en République dominicaine la semaine dernière, c'est ce qui se passait à l’entrée sud de la Capitale haïtienne. Un ensemble de produits agricoles périssables destinés au marché de la Capitale périssent, parce qu'il y a une situation de blocage à Martissant. En cours de route, frappés du barrage érigé par des gangs armés à l’entrée sud de la Capitale, même s’il y a peut-être de marchés dans la région sud de la Capitale qui pourraient absorber ces produits, mais il y a tellement d'efforts à faire pour changer de destination, il paraît peu intéressant parce que certains de ces produits sont périssables. En plus que beaucoup de ces produits sont périssables, mais encore à cause c’est un évènement qui efforcerait aux vendeurs de changer leur destination, les valeurs des produits pourraient être baissés sur le marché de substitution. Face à une telle situation, les commerçants laissent périr les denrées à l’endroit où ils sont bloqués. C'est ce qui arrive en République dominicaine. Les produits qui ont été récoltés destinaient au marché haïtien, or brusquement la frontière est bloquée. Parce que cela pourrait coûter trop d'efforts aux entrepreneurs dominicains pour qu'ils puissent réapproprier ces marchandises à un autre marché, alors que la durée de vies de beaucoup de ces produits agricoles qui destinaient à Haïti est très courte, ils périssent davantage. Mais, cela n'a rien de concret pour qu’on puisse affirmer que les produits dominicains destinés à Haïti sont de mauvaise qualité.

Cependant, ne faut-il pas ignorer le réel. Certains pays développent ce qu’on appelle des zones agroexportations, peut-être la République dominicaine aussi. Ce sont des espaces destinés à la production agricole, mais exclusivement pour exporter. Cela est inscrit dans la logique du capitalisme, alors que le capitaliste n'a pas état d’âme. L'objectif, c’est d'abord augmenter la productivité agricole et intensifier le processus de l'accumulation des capitaux. Donc, l’exploitant capitaliste, si c'est la rentabilité qui lui préoccupe, logiquement il s'en fou du reste. Dans ce contexte, il paraît difficile pour dire ni oui ni non, est-ce qu'il y a une portion de la production agricole dominicaine qui est néfaste pour la santé et spécifiquement destinée à Haïti, sans une enquête préalable et impartiale.

 

Pourquoi la peur des OGM en Haïti et dans le monde ?

Généralement les OGM, produits développés par Mosanto à partir des années 1990, provoquent l'utilisation de beaucoup plus d’herbicides dans les exploitations agricoles, particulièrement ceux contenant du glyosphate (produit cancérigène) lancée en 1975, admet Mosanto Papers en 2016. Et, des études montrent que des résidus de types de produits cancérigènes restent généralement dans les aliments. Dans l'alimentation, les OGM représentent particulièrement sous deux formes distinctes : les produits frais (fruits et légumes) et les produits transformés (concentré de tomates, farines, sucres, etc.). Les produits frais qui ont des gènes modifiés sont directement soumis aux enzymes digestives. Pour les produits transformés, le procédé de transformation peut dénaturer les molécules des aliments. Or, selon la biologie, les la dégradation des aliments se fait de deux manières dans le tube digestif à travers deux opérations. Une opération mécanique et une opération chimique. Qu’ils soient des OGM ou pas. Dans ce cas, c'est le procédé chimique qui nous intéresse. Sous l'effet des enzymes digestives, les aliments sont dégradés et transformés en molécules simples (acides aminés, acides nucléiques, sucres). Pour certains scientifiques, après ces transformations chimiques, il y a une fine possibilité pour qu'une molécule OGM reste fonctionnelle. Maintenant, de tests  de « survies gastriques et intestinales » paraissent importants pour être clair sur la question, alors que ces tests posent de problèmes pratiques majeurs.

En dépit de tout, des recherches doivent être réalisées sur les reins, le foie, les poumons et le cerveau humain, insistent des scientifiques, pour connaître les effets des OGM sur l’être humain.

Cependant, semblerait-il que des expériences ont déjà démontré les effets négatifs des OGM. C'est par exemple une expérience réalisée par le Professeur Gilles-Éric Séralini. On parle de l'affaire de Séralini. Le Professeur a réalisé une expérience sur des rats, il les fait nourrir de maïs génétiquement modifiés pour tolérer le glyosphate, principe actif des herbicides les plus utilisés dans le monde par les agriculteurs. En terme de résultats, les rats souffrent jusqu’à leur mort. Pour l'Agence Nationale de la Sécurité sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (HANSES) ainsi que d'autres agences, il y avait une faiblesse méthodologique dans l’expérience de Séralini. Pour ces instances, il y avait un trop faible effectif de groupes de contrôles, ce qui n'a pas permis de tirer une conclusion hâtive. Ainsi, l' HANSES recommande de conduire une expérience « vie entière » de deux ans pour les rats, en vue de répondre à la question posée par Séralini dans son expérience.

Mais, les pro OGM évoquent les avantages de ces derniers. Les organismes génétiquement modifiés permettent de lutter contre l'insécurité alimentaire dans le monde puisqu’ils donnent des variétés supérieures aux plantes normales, poussent dans des terrains inutilisables et réduisent l'utilisation des pesticides. Ils mettent aussi en avant le progrès dans la recherche médicale. Car, des médicaments produits à partir des bactéries génétiquement modifiées permettent la thérapie génique. En plus, grâce aux OGM, des provitamines A sont créées. C'est le cas de la provitamine A retrouvée dans le riz doré, très fréquent en Asie. L'adjonction est possible par la transgénèse de la provitamine A dans l'albumen du riz. Il y a tant d'autres à énumérer.

 

Le verrou de recherche sur les OGM est inquiétant

Parce qu'il y a des brevetages qui restreignent la recherche indépendante sur les OGM, il est impossible d’étudier les impacts de ces biotechniques sans l'autorisation des compagnies qui détiennent les brevets. En ce sens, le lobbying commandite des recherches et dénigre des critiques sur les OGM. Donc, puisque les résultats des recherches privées ne sont pas rendus publics, les produits OGM inquiètent de plus en plus les gens.

Dans une enquête réalisée par le journaliste français, Paul Moreira sur les OGM et leurs lobbies à travers le monde, un documentaire a été réalisé. Documentaire titré : « OGM, bientôt dans vos assiettes ». Pour ceux qui regardent la production, ils témoignent que les images de l’enquête suffisent pour s’inquiéter sur les OGM.

 

Conclusion

Enfin, s'inquiéter sur la qualité des produits importés de la République dominicaine en Haïti, par la peur des OGM, est normal. Parce que d'une part, les OGM sont présents en République dominicaine alors qu'ils ont des conséquences néfastes sur la santé humaine, croient certains scientifiques. Et, d'autre part, le regard discriminatif des Dominicains à l’égard des Haïtiens laisse encore à désirer. En plus, ne faut-il pas négliger l'incapacité de l'État haïtien à contrôler ou gérer le territoire national. Mais, en dépit de cela, on ne doit pas se laisser ancrer dans la profondeur de la diffamation. Car, ce sont seulement des évaluations qui peuvent dire effectivement est-ce que les produits agricoles dominicains importés en Haïti sont des OGM ou pas. Pour l'instant, on ignore si des vérifications révèleraient d'une telle affaire dans le pays. Cependant, le doute et la suspicion sont bons, car ils pourraient servir le point de départ d'une telle aventure, la connaissance de la réalité et couper court aux rumeurs.  Entre-temps, il reste à savoir si on a déjà légiféré sur les OGM en Haïti.

 

 

Lopkendy JACOB

Lopkendyjacobhne@gmail.com

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