Haïti : Un camp de concentration géant de 27 000 km2 en plein air

Le 20 mars 1933, Adolphe Hitler ouvra le premier camp de concentration en Allemagne. Ces camps qui allèrent fleurir dans tous les pays européens occupés par les nazis, furent à l’origine destinés à l’internement des opposants politiques, particulièrement, les communistes. Voyant le succès des premiers camps, Hitler décida par la suite d’en augmenter le nombre pour y accueillir les juifs, les homosexuels, et les personnes supposément inférieures sur le plan racial et biologique, comme les personnes handicapées, les « Rroms ou Tsiganes », les peuples slaves, notamment les Polonais et les Russes. On estime que pas moins de 6 millions de juifs ont été exterminés par le régime nazi dans les différents camps de concentration et d’extermination, et le nombre de civils assassinés parmi les autres groupes, dits inférieurs, dépassa de loin le nombre de décès juifs. Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’Hitler et des Nazis, cela provoque l’horreur chez certains et l’excitation chez d’autres. On retient même dans les annales de l’histoire occidentale qu’Hitler aurait été le criminel le plus notoire qui ait jamais vu le jour. Avant lui, pourtant, le bien-aimé roi belge, Léopold II aurait assassiné plus de 13,5 millions de Congolais sur la même base de « l’infériorité » raciale.

 

L’écrivaine états-unienne, Isabel Wilkerson, dans son ouvrage sublime intitulé : « Caste, The Origins of our Discontents » rapporte des preuves historiques qui démontrent que les Nazis avaient emprunté leur raisonnement racial-racialisant ainsi que certaines de leurs pratiques criminelles au modèle états-unien tel qu’il a toujours été pratiqué contre les personnes de couleur noire dans ce pays. Il est même démontré qu’en termes de compassion, les Nazis s’étaient montrés plus « tendre » envers les juifs que l’ont été (et même le sont) les suprémacistes blancs états-uniens envers les personnes noires. En effet, au cours des discussions au sein l’équipe qui était responsable de décider du traitement des enfants nés de parents juifs et blancs, les Nazis voulurent s’inspirer des pratiques en vigueur aux États-Unis à l’époque sur le nombre de générations qui devaient s’écouler avant qu’un individu ayant un parent d’ascendance africaine ne soit plus considéré comme noir. En fait, suivant le principe sociojuridique de classification raciale dite « La règle de la goutte de sang », ou en anglais « one-drop rule », une personne est considérée noire si elle possède la moindre trace d'ascendance noire repérable, et ce jusqu’à un seizième. Les Nazis rejetèrent enfin la pratique états-unienne qu’ils jugèrent trop restrictive et trop discriminatoire (Caste : The Origins of Our Discountents, page 86).

À quoi ressemblaient la vie dans ces camps?

Les prisonniers gardés dans les camps de concentration des nazis furent traités avec le plus d’inhumanité possible. En effet, ils furent traités moins bien que des animaux. Les gardes qui les surveillèrent prirent l’habitude de les frapper à coup de fouets et d’autres instruments de châtiment jusqu’à ce qu’ils perdissent connaissance. Ces prisonniers furent soumis aux travaux forcés pour construire les camps de concentration, mais aussi et surtout ils furent loués à de grandes compagnies allemandes pour travailler dans des conditions exécrables avec une ration alimentaire extrêmement faible et rare. L’idée fut effectivement de précipiter la mort des prisonniers sans aucun effort de la part de leurs tortionnaires. Parmi les bourreaux les plus zélés du nazisme, l’histoire retient le nom de Theodor Eicke, nommé commandant du camp de Dachau par Heinrich Himmler en juin 1933. Dès son arrivée, Eicke instaura un système requérant l’obéissance aveugle des gardiens qui furent déjà d’une violence extrême. Ces derniers rapportèrent qu’avec Eicke, ils passèrent de la « brutalité indisciplinée à la terreur planifiée ». Les pratiques et les zèles de ce monstre impressionnèrent tellement Himmler qu’ils lui valurent des promotions impressionnantes en très peu de temps. Les gardiens durent faire montre de beaucoup de violence envers les prisonniers même pour la moindre peccadille, sous peine d’être perçus comme des lâches. En effet, selon la formule d’Olga Wormser-Migot, spécialiste de l’histoire de la déportation pendant la deuxième grande guerre européenne, tolérance est synonyme de faiblesse. Il fallut donc toujours se montrer fort et prêt à écraser les prisonniers pour ainsi faire régner la terreur.

Ressemblance ou coïncidence?

 

En effet, plus on analyse le système concentrationnaire nazi, plus on voit se profiler la silhouette du cas haïtien, et tout cela, c’est l’œuvre des États-Unis et du « core group », les seuls qui tirent ficelles pour faire jouer les marionnettes qui contrôlent les pouvoirs en Haïti depuis en 2004. À la manière d’Adolphe Hitler et des autres hauts dirigeants du système nazi, ces colons désignent et, pour le malheur des Haïtiens, donnent des ordres aux voyous qui font la mainmise sur les institutions du pays. En dessous de ceux-ci, on a les politiciens madrés et les chefs de gang qui sont l’équivalent des Theodor Eicke, c’est-à-dire des commandants de camps qui contrôlent les affaires dans le camp. De la même manière qu’il y avait des gardiens dans les camps nazis pour rançonner les pauvres prisonniers et s’assurer qu’ils se comportaient comme ils se devaient, les petits soldats qui sont des membres de gangs sévissent dans les rues et font appliquer la loi des gangs. Pour leur part, les Libanais, les Syriens, les Juifs et les mulâtres qui contrôlent l’économie du pays représentent les Allemands « blancs ». Les compagnies des industriels états-uniens qui payent un salaire de moins d’un dollar (1,00 $) par jour aux travailleurs qui crèvent dans les manufactures s’équivalent aux compagnies comme Siemens et IG Farben qui exploitaient la main-d’œuvre servile des prisonniers dans les camps de concentration nazis. Enfin, la population haïtienne dans son entièreté correspond aux prisonniers. Au nord, au Sud et à l’Ouest, elle est bien surveillée par les océans et ses requins, et à l’est, par les soldats dominicains. Voilà! Un immense camp de concentration en plein air créé par les États-Unis. Et voilà! Les carottes sont cuites, et les Haïtiens sont à la merci des gangs et de leurs chefs.

Néanmoins, certains diraient qu’il s’agit plutôt d’une coïncidence, mais cela fait près de vingt ans depuis que les États-Unis sont les seuls décideurs sur la scène politique en Haïti. Il est inconcevable de penser qu’ils ne s’attendaient pas à ces résultats. Ils nomment et révoquent les dirigeants politiques, et par complicité ou par peur de perdre leur visa, personne de cette classe politique n’ose lever un petit doigt pour dénoncer ces exactions dans le pays. Même pas les soi-disant « intellectuels » ne condamnent pas les exactions des puissances coloniales au pays. Au lendemain de l’assassinat de l’esclave Jovenel Moïse, les colons ont mis au pouvoir, en dehors des normes constitutionnelles, traditionnelles, coutumières ou autres, un cancre endurci dont la seule priorité est le pouvoir. Un pouvoir qu’il ne possède même pas sur le lopin de terre qui abrite sa propre maison. Depuis l’arrivée des soldats états-uniens en Haïti en 2004, les armes de guerre de fabrication états-unienne abondent dans le pays, et les gangs pullulent comme des champignons. On ne saurait oublier combien la fonctionnaire du Département d’État américain, à la fois représentante de l’ONU en Haïti, Helen Ruth Meagher La Lime, se félicitait de la fédération d’un groupe de gangs dans le pays. Une fédération de gangs qui, dit-on, se rapporterait directement à elle.

Quelle est la motivation des États-Unis?

Comme le démontre l’historienne états-unienne, Nell Irvin Painter, dans son fabuleux ouvrage historique intitulé « The History of White People », si la littérature sur la hiérarchie des « races » a été développée dans beaucoup de pays européens, particulièrement dans les pays à tradition coloniale, c’est aux États-Unis qu’elle a été la plus florissante. En fait, les États-Uniens sont obsédés par les questions raciales. Là, ils ont développé les théories raciales les plus folles que même un raciste notoire comme Joseph Arthur, le compte de Gobineau, avait dénoncé certains excès dans l’interprétation de sa position raciste racialisée par Josiah Nott, un pseudo-scientifique esclavagiste du sud des États-Unis (The History of White People, page 197). On sait que personne ne peut contester les motivations raciales des crimes commis par des criminels de renom comme Hitler, Léopold II ou Napoléon Bonaparte. D’ailleurs, c’est bien sûr sur la base de la hiérarchie raciale qu’Adolph Hitler est décrié dans les annales historiques occidentales, tandis que les Léopold II et Napoléon Bonaparte sont célébrés comme des héros; parce que ces derniers avaient commis leurs crimes contre des noirs. Mais ce qui est intéressant, c’est que personne n’a jamais voulu parler du rôle des propagandes racistes des pseudo-anthropologues et des politiques raciales états-uniennes dans les nettoyages raciaux à travers le monde.

Quand l’élève semble dépasser le maître

Dans un récent avertissement publié à l’endroit de ses citoyens, les autorités états-uniennes ont demandé à leurs ressortissants au « teint foncé », donc les noirs, d’éviter des voyages à Saint-Domingue au risque de se faire prendre pour des Haïtiens et subir les mêmes sorts réservés à ceux-ci par les autorités dominicaines. Pourtant, si le racisme antinoir était nécessaire pour justifier la traite négrière, ce sont bien les États-Unis qui avaient vulgarisé et faire propager ce niveau de racisme pratiqué en République dominicaine contre les « noirs ». Isabelle Wilkerson rapporte dans Caste que les soldats blancs états-uniens qui avaient participé à la deuxième Grande Guerre européenne avaient interdit aux soldats français de traiter leurs collègues afro-américains comme des personnes humaines. Même dans l’adversité, même devant la mort, les soldats blancs états-uniens avaient refusé que les Français, qui pourtant eux-mêmes étaient racistes, traitent les soldats afro-américains comme des hommes. N’est-ce pas bizarre que les États-Unis aient l’audace de publier un communiqué du genre lorsque les Afro-américains sont moins en sécurité aux États-Unis que n’importe où dans le monde?

En effet, le traitement réservé aux Haïtiens par les autorités dominicaines est ancré dans la pratique raciale antinoire qui remonte à des temps immémorables aux États-Unis. D’ailleurs, il n’y a pas longtemps, quelqu’un se serait pénétré sur le chantier d’un établissement en construction pour abriter le futur centre de l’ex-président Obama, et a laissé une corde en forme de nœud coulant, symbole des pratiques de lynchage des noirs dont le « dernier » remonte seulement à 1981, du moins officiellement. On sait que ces crimes crapuleux (contre les Afro-Américains), comme celui commis contre George Floyd en 2020, sont monnaie courante et prennent d’autres formes, surtout parmi les corps policiers, et à ce niveau, les États-Unis n’ont rien à envier à la République dominicain. En ce sens, les images des gardes frontaliers états-uniens qui montaient à cheval et pourchassaient les Haïtiens avec des cordes et qui avaient fait le tour du monde rappelaient le triste souvenir de la chasse aux esclaves noirs aux États-Unis. Comment pouvez-vous désigner des personnes pour détruire un pays, et lorsque les gens essaient de fuir le barbarisme de vos esclaves de maison pour trouver refuge chez vous, vous les poursuivez comme des bêtes? Ces gens-là veulent définitivement garder pour eux et le beurre et l’argent du beurre?

À tous ceux qui s’associent à cette mafia pour réduire mon pays natal à une jungle où les bêtes les plus féroces s’offrent en spectacle pour reproduire les mêmes pratiques que les « grandes démocraties » du monde prétendent condamner au nom des « droits de l’homme », je vous emmerde.

Wilner Predelus, PhD

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