Prêcher et adorer autrement, c’est décoloniser les églises haïtiennes d’une évangélisation qui appauvrit et qui tue

Ce titre peut paraître hasardeux, controversé ou mal vu par certains. Mais, pour tous ceux et celles qui suivent les nouvelles alarmantes de ce pays de la Caraïbe, ils peuvent, et ceci avec aisance, comprendre le bien-fondé d'un tel titre. L'idée, ce n'est pas pour diviser davantage un pays qui est déjà en proie à toutes sortes de difficultés économique, politique et sociale, ni de blasphémer le protestantisme. Car seul le blasphémateur blasphème. Cette réflexion est plutôt d’encourager les croyants contemporains des églises protestantes haïtiennes à prendre conscience de leur état de misère et enfin sortir du stade de zombification d’un évangile de résignation qui tue l’âme, le corps physique et l’environnement.

Chercher à comprendre la religion protestante et ses adeptes, c'est surtout chercher à comprendre leurs rituels, leurs croyances, le niveau du sous-développement des fidèles, la pauvreté qui existe dans les congrégations, et la zombification des membres par des pasteurs pro-impérialistes américains. Puisque, dit: mes bien-aimés, frères et sœurs dans le Seigneur, tout est bien, c’est vraiment mal interprété Osée chapitre 4:6 où il est dit: mon peuple meurt faute de connaissance.

Cette connaissance, c’est la capacité de distinguer le bien du mal. Comme par exemple, un évangile qui fait option préférentielle pour les pauvres et celle de résignation qui ne répond pas aux moeurs et coutumes du peuple haïtien. Aujourd’hui, rien ne marche dans ce pays. Et, si certains Haïtiens font semblant de marcher la tête haute pendant qu'ils sont dans la merde jusqu'au cou, c'est par ce que tout simplement ils refusent de comprendre que le pays est dans un profond abime.

Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes (Matthieu 5: 13). Le message de résignation est un évangile sans saveur qui zombifie les fidèles.  Comme le sel est indispensable à l’organisme, donc un évangile de résignation, sans le goût,  du sel n’est pas bon pour la santé spirituelle et physique des pauvres gens dans les congrégations. Quand dans un service d’adoration, le pasteur te demande de prier ou de pardonner vos oppresseurs, c’est un évangile de soumission qui zombifie les zombies. Pour dézombifier les fidèles qui ne sont pas intéressés aux choses matérielles de ce monde, tout en mettant en veilleuse certains chants et versets qui ne répondent pas aux problèmes ou aux crises du moment, il est d’une nécessité d’ajouter beaucoup plus de sel naturel, organique, de saveur locale dans les services d’adorations.

 

L’adoration qui zombifie

L’évangile non salée ou de zombification, c’est quand un samedi ou dimanche matin, dans une congrégation surtout dans l’Haïti d’aujourd’hui, sur les ordres de l’officier qui dirige le service, l’assemblée est demandée de se mettre debout pour réciter à l’unisson le Ps. 23 à savoir: "l'Éternel est mon Berger, je ne manquerai de rien", alors que les fidèles, commençons par l’insécurité, manquent tout, donc, définitivement, il y a quelque chose qui ne marche pas dans les congrégations chrétiennes.

Oui, les fidèles manquent tout. Ils n'ont pas de sécurité pas même dans les sanctuaires ou Jésus est censé d’être présent (Matthieu 18: 20).  Mis à part du problème de l’insécurité, les fidèles vivent dans un pays ou ils n’ont pas accès à l'eau potable.  Comme Jésus n’est pas présent pour faire de la multiplication des pains et du poisson, donc de quoi manger est devenu un luxe. N’en parlons pas de logements décents, de vêtements, d’emploi, des moyens de transport, de carburant, d’électricité, de soins de santé, d'écoles primaires et secondaires aussi bien que des d’universités. Ouf, la liste est trop longue pour un si court texte de quelques paragraphes.

Quand David disait dans Ps. 23 que l’Éternel est son berger qu'il ne manquait de rien, en tant que berger, il savait de quoi il parlait. Il avait de quoi se protéger contre les attaques des bêtes sauvages. Mais vous conviendrez avec moi, en dehors des matériels pour se protéger, lui, et ses brebis, il n’ y avait pas assez de femmes ou de concubines. Dans le cas contraire, il ne ferait pas tout ce qui était contraire aux prescrits de la parole du Seigneur pour coucher avec Beth-Shéba fille d’Eliam et femme d’Urie. (2 Samuel 11.1-12.25)

De plus, s'il ne manquait de rien, pourquoi il partait en guerre contre le puissant Goliath? Pourquoi David le jeune berger était obligé de relever le défi lancé par Goliath? Aujourd’hui, qui est le Goliath en présence du peuple haïtien?  Quelle leçon les chrétiens doivent tirer du combat mortel entre David et Goliath?  Qui était avec David?  Et qui était contre Goliath? Pourquoi le Dieu d’autre fois qui était avec David a, aujourd’hui, abandonné le peuple haïtien dans ses combats au quotidien contre le Goliath de tout genre? Autant de questions pour autant de réponses.  Peu importe la réponse des uns et des autres, David était intelligent assez pour comprendre que seule la lutte libère. Oui, seule la lutte peut libérer de la chaine de l’esclavage mental, du sous-développement endémique, d’une insécurité qui banalise la vie de chaque citoyen, de la pauvreté dans toutes ses dimensions, de l’exploitation à outrance des nantis et de l’ingérence des colons du temps moderne dans les affaires politiques d’Haïti.   

    Si dans la nuit (bis) mon cœur chancelle. Avec Jésus (bis) oui tout est bien... Et mon chant s’élance vers toi, divin Roi. ... Oui mon coeur chante, mon âme est contente : Mon Jésus est tout mon bien, je ne craindrai rien !   .

    Quand, un maestro très expérimenté avec de grandes qualités artistiques et de la touche magique d’un pianiste exécute avec les fidèles le refrain de cette chanson bien huilée, "oui tout est bien, ô mon âme, ne crains rien, l’amour suprême veut ton seul bien, comment tout est bien, puisque, il y a des pasteurs, des fidèles, des prêtres, et toute une société qui ne sont pas non seulement en sécurité, mais qui pataugent dans la misère la plus abjecte?

.  Comme le service avance à sa fin, avant de présenter le missionnaire blanc américain qui doit délivrer le message du jour, on passe le micro à la sœur Léa pour une courte annonce.  En peu de mots, avec les larmes aux yeux, la servante demande à l’église de l’aider à payer le retard de sa petite maison d’une pièce située à la rue Saint-Martin prolongée.  Immédiatement, sans gêne, le Pasteur en chef de l’église prend le micro et demande à l’église de se tenir debout pour prier le Dieu qui possède tout, de sorte qu’il puisse déverser toutes sortes de bénédiction sur la servante Léa.  Comme il avait encore le micro, il profite pour inviter les fidèles à venir apporter dans les corbeilles une offrande spéciale pour sa prochaine tournée au Moyen-Orient ou il aura à visiter des lieux Saints comme: Jérusalem, Mont des Oliviers, Nazareth, Bethléem, Canaan, mer de Galilée, la rivière du Jourdain aussi bien que la tombe ou Jésus était enterré, etc.  Définitivement, ou kwè nou serye?  Non, mwen pa vle kwè sa. Nou pa kab kontinye ap fè yon pèp sa.

 

    Le dialogue qui ne résout rien   

    Après le culte, à la sortie de l’église, frère Joseph rencontre sœur Rébecca qui distribue des enveloppes pour des projets douteux de l’église.  Sœur Rébecca est la fille ainée du diacre Apolos et de la diagonèse Néhémie qui sert le Seigneur depuis des décennies. Rébecca, mère de quatre enfants, est aussi la veuve d’un ancien agent 4 tué par des bandits de Village de Dieu.  Elle habite dans une maisonnette inachevée qu’avait commencé à construire le policier sur un terrain abandonné d’un diaspora en exil. Depuis la mort de cet agent de force de l’ordre, faute de moyens financiers, les enfants ne peuvent pas aller à l’école.  Donc, comme frère Joseph connait la situation de la famille, il demande à sa bien-aimée sœur, veuve, membre de la chorale:  Kòman w ye ak timounn yo? Li repon n nou trè byen gras a Dye.

 

    Comme frère Joseph n’arrive pas à comprendre la réponse de la servante, insistant, mais pas méchant pour autant, il demande des nouvelles de son ami Malachi, le plus jeune petit frère de sœur Rébecca.  Zombifiée par un évangile de résignation, sœur Rébecca répond que son jeune frère est bien. Elle continue pour dire, quelques semaines de cela, tout en quittant le Brésil, son frère avait essayé de rentrer illégalement aux États-Unis, mais malheureusement il n’avait pas pu le faire.  Il était retourné de force en Haïti.  Et depuis lors, il vit avec maman et papa au Village Solidarite.  Pour finir, elle ajoute: mis à part de ce petit inconvénient, mon petit frère va très bien grâce à Dieu. Très bientôt il compte retourner à l’église, spécialement pour la fête d’action de grâce et de remerciement pour, avec les autres musiciens, louer Dieu pour ce qu’il avait fait pour nous, avait conclu la pauvre veuve.  Non, sœur Rébecca, dans cette condition, ou menm ak tout fanmi w pa kab byen. Si toi et ta maison, vous continuez à servir le Seigneur, men nou lwen pou nou byen.

 

Enfin...

Il est le même hier, aujourd’hui et éternellement.  Mais pourquoi il était toujours là pour intervenir pour Abraham, Jacob, Salomon, Moïse, David, en un mot pour le peuple Israël, alors que maintenant, il abandonne le diacre Apolos, la diagonèse Néhémie, le jeune Malachie sur la frontière Mexico-Texas.  C’était aussi de même pour l’agent 4 dans ses combats contre les bandits dans son Village au bicentenaire.  Lui qui est compatissant et riche en bonté,  ami des veuves et des orphelins, pourquoi il abandonne la veuve, la servante Rébecca et ses quatre enfants?  

Face à tout ce constat d’abandon, dépassée par des événements qui ne laissent entrevoir aucun espoir, cette famille, comme toute la société haïtienne, doit-elle continuer à adorer avec des couplets de chants d’espérance qui n’apportent aucun espoir matériel à un peuple qui est désespérément sans espoir? ll est désespérant de constater que tout n’est pas bien dans un pays pendant que, dans des assemblées composées de pauvres chômeurs, de veuves et des orphelins, des bergers continuent à lire des versets bibliques qui rendent les brebis plus égarées et plus dispersées.  Dans ce cas, faut-il laisser du temps au temps pour comprendre dans un temps futur que l'évangile de résignation zombifie et tue le monde protestant en Haïti ou, agir immédiatement avant qu'il soit trop tard?

 

Prof. Esau Jean-Baptiste

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