Radiographie et proposition de l’OCNH sur la situation d’Haïti. Février 2023

Le 7 février 1986, le peuple haïtien a eu gain de cause ! La dictature féroce des Duvalier a pris fin. En cette date, exhibée comme celle de la deuxième indépendance nationale, Haïti a décidé de renouer avec la démocratie. Une nouvelle Constitution a été adoptée le 29 mars 1987, consacrant tous les droits fondamentaux proclamés par la Déclaration universelle des droits de l’homme et fixant  les attributions des trois pouvoirs de l’État. Malheureusement, plus de trente ans après, de nombreux obstacles s’opposent au développement réel et à l’évolution du pays comme un État démocratique et un État de droit.

Les trente dernières années sont identifiées comme la période la plus sombre de l’histoire d’Haïti marquée par des crises sociopolitiques provoquant des changements de régime au gré de coups d’état, de pratiques électorales controversées, de renversement et d’assassinat de présidents, etc.  Elle porte le sceau de violence systémique, affirment certains. Et comme si cela ne suffisait pas, les catastrophes naturelles dont les cyclones, les inondations, les séismes de janvier 2010 et juillet 2021, l’épidémie de choléra, la pandémie du COVID 19 ont aussi apporté leur lot de malheur. 

Laissé pour compte, le peuple haïtien qui tentait de survivre dans des conditions portant atteinte à sa dignité où les droits fondamentaux sont constamment violés, ce qui est en inadéquation avec les prescrits de la Constitution haïtienne et les engagements pris par Haïti en signant et/ou ratifiant des instruments internationaux. Aujourd’hui, le peuple fait face à l’aggravation de ses conditions d’existence. La situation de crise généralisée a apparemment atteint son paroxysme. Elle s’est étendue à toutes les composantes, toutes les franges de la société haïtienne. Les institutions républicaines, les institutions morales considérées comme des garde-fous, la famille, etc. ont été  touchées par cette crise qui aujourd'hui  sape les fondements mêmes de la société haïtienne.

Cette crise pluridimensionnelle et puriforme  est complexe. Elle a touché la vie sociale, économique et politique du pays. Ses symptômes sont nombreux. Sans être exhaustif, on peut mentionner :

•        L’absence du pouvoir législatif dont la caducité a été constatée le 13 janvier 2020 par le président Jovenel MOISE qui a été assassiné par la suite le 7 juillet 2021 ;

•        L’incapacité des autorités à réaliser des élections  depuis tantôt 6 ans alors que la Constitution prévoit qu’il y en ait chaque deux ans. 

•        La faiblesse du pouvoir judiciaire marquée, entre autres, par le dysfonctionnement du Conseil Supérieur du Pouvoir Judicaire (CSPJ) et de la Cour de cassation ;

•        La présence d’un Premier ministre de facto à la tête du pouvoir exécutif monocéphale depuis le 7 juillet 2021 ;

•        La dégradation du climat sécuritaire marquée par les assassinats, les cas d’enlèvement contre rançon et le pullulement de gangs armés qui essaiment les pourtours de la capitale et d’autres zones de la République. Ils tuent, violent et dépouillent la population en toute impunité. La Police nationale d’Haïti (PNH) semble dépassée par les évènements. Du 10 au 26 janvier 2023,   au moins 18 policiers ont été victimes d’actes attentatoires à leur vie. 

•        L’insécurité alimentaire qui en mars 2022, menaçait 4,4 millions d’Haïtiens selon le PAM, 2,6 millions d’enfants ont besoin d’une assistance vitale selon les récentes données de l’UNICEF ;

•        La crise sanitaire liée au choléra, les pénuries graves de denrées alimentaires causées par les gangs, la fermeture des écoles pendant plus de trois mois à cause des turbulences politiques, les difficultés pour acheminer l’aide humanitaire à la population qui en a grand besoin à cause des gangs, etc.

•        Depuis le début du mois janvier  2022 à décembre 2022, près de 1500 personnes ont été tuées, 1448 blessées et 1005 kidnappées, selon le rapporteur  M. Türk.

Les impacts de la crise sont nombreux. La population en pâtit le plus. Le Gouvernement haïtien est dépassé par les évènements. Pour renverser la situation, des actions urgentes doivent être entreprises par les acteurs nationaux avec le ferme soutien de la communauté internationale. Pour pérenniser l’efficacité de ces initiatives, elles doivent s’inscrire dans la logique de renforcement des institutions nationales, à commencer par la Police nationale d’Haïti (PNH). En ce sens, pour rétablir la sécurité dans le pays, la  PNH doit être équipée de matériels sophistiqués et  accompagnée d’une force étrangère multinationale suivie de la mise en place d’un système de renseignement très dynamique, car elle manque tant d’effectif que d’équipements pour rétablir la paix et la sécurité dans le pays.  Il faut donc définir un plan de sécurité global, dans une approche participative impliquant les organisations communautaires et les forces morales. Cette intervention doit avoir pour corolaire un plan de réponse humanitaire pour aider les couches les plus vulnérables de la population.

En ce qui a trait à la résolution de la crise politique, par manque de sincérité et de franchise, se souvenant des coups bas du passé, les acteurs politiques ne se font plus confiance. Or, ce manque de sincérité se pose comme un obstacle majeur à la négociation qui est une étape importante dans tout processus de résolution de conflit. Face aux impacts de la crise politique aigüe sur la population, vu que les acteurs nationaux ont perdu toute confiance entre eux  et  ne peuvent pas entamer des négociations devant accoucher à une sortie de crise ; à cette phase, la médiation politique s’impose.

La crise a eu aussi des impacts sur les institutions républicaines. Certaines ont été affaiblies, d’autres sont dysfonctionnelles ou n’existent plus. Or, elles forment un tout dont les parties sont interdépendantes. L’organisation d’élections crédibles et inclusives serait un pas dans la bonne direction pour redresser la  situation et restaurer l’autorité de l’État. Cependant, l’absence de Conseil électoral provisoire et le dysfonctionnement de la Cour de cassation où les membres du CEP doivent prêter serment, le climat d’insécurité  montrent combien la situation est  complexe. La médiation politique doit donc aboutir à un consensus entre les acteurs qui se mettront d’accord sur un accord minimal visant à permettre la mise en place des institutions vitales du pays.

L’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti -OCNH  continuera à jouer son rôle de médiateur  et reste ouverte, pour poursuivre des discussions,  en sa qualité d’organisme de la société civile afin d’apporter sa contribution dans  la résolution de la crise politique qui ronge la société haïtienne. 

 

Me Camille OCCIUS

Directeur exécutif

Email : camilleoccius0@gmail.com 

            ocnh109@gmail.com

Contact : +509 36288142 

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