Le cycle infernal !

La catastrophe du 12 janvier 2010, l’une des pires que le pays ait connues, a provoqué des dégâts considérables : 300 mille morts, 1,5 million de sans-abris, 300 mille blessés et un peu plus de 14 milliards de dollars en termes de dégâts matériels selon des données officielles.

En octobre 2016, l’ouragan Matthew a dévasté le Grand Sud, faisant un peu plus de mille morts, 1,4 million de sinistrés et les dégâts matériels ont été évalués à près de 3 milliards de dollars. En août 2021, un autre séisme majeur de 7,2 sur l’échelle de Richter a fait environ 2 200 morts, 13 mille blessés et 1,5 milliard de dollars de pertes matérielles. Des catastrophes de moindres ampleurs ont eu lieu dans l’intervalle, mais n’ont pas été prises en compte dans un souci de concision.

De ces aléas de la nature, se sont adjoints des cataclysmes humains, des accidents de parcours qui ont entraîné Haïti graduellement, mais sûrement, vers la déchéance qui s’y vit aujourd’hui en 2023. Revenons à la présidentielle de 2006 : nous avons choisi René Préval comme comique politique plutôt que Lesly François Manigat ou un autre leader. En 2010/2011, il nous a été imposé et nous avons accepté Michel Joseph Martelly, un autre comique dans son style et son genre, plutôt que Mirlande Manigat ou un autre qu’elle. Car il y avait un large éventail de choix qui aurait certainement pu faire la différence.

En 2015, nous avons bien fait de contester l’élection de Jovenel Moïse imposé par Martelly. Mais cela nous a conduits à une transition stérile et catastrophique en février 2016 avec Jocelerme Privert pour qu’ensuite nous accueillions en février 2017, avec les bras ouverts, comme si de rien n’était, l’investiture de Nèg bannann nan. Par volonté ou par naïveté, ce dernier a poursuivi la descente aux enfers du pays, transmettant le pouvoir, la veille de son assassinat, à ceux-là mêmes que l’on accuse à tort ou à raison, d’avoir ourdi le complot de son meurtre.

Puis les ténèbres se sont installées sur Haïti. Le temps de vivre haïtien s’est arrêté net dans la nuit. Et les bourreaux de la Nation se sont adjoints de fidèles alliés, jadis, opposants farouches, qui sont venus renforcer les maux et la souffrance d’un peuple misérable, infortuné et inoffensif, issu pourtant d’une longue lignée de femmes et d’hommes intrépides et révolutionnaires.

Cette débâcle s’est implémentée au fil des années par la complicité, la trahison, les crimes d’État, la corruption sans limites, la lâcheté et la passivité partagés des antagonistes et des gens du peuple. Avec cela, et au fil des ans également, des petits groupes criminels armés se sont intensifiés et multipliés dans la capitale haïtienne pour ensuite s’étendre sur le territoire national. Sponsorisés, ravitaillés en armes et munitions, entretenus par des membres du Gouvernement, du secteur privé des affaires et de certains acteurs internationaux, ces groupes criminels, manipulés, ont acquis une capacité de nuisance et de terreur sans borne qui leur permet aujourd’hui de retenir toute la population haïtienne en otage.

Le cycle infernal alors tourne et tourne encore et encore sans laisser entrevoir aucun sauvetage possible. Toutefois, il y’a un élément qui ouvre des perspectives vers d’autres horizons : l’histoire des peuples est généralement faite de ces déboires et de ces péripéties. Les monarques et les despotes ou tout autre dirigeant politique représentant un obstacle pour un secteur ou un autre qui refuse au peuple le bien-être payent toujours, d’une manière ou d’une autre : la France a décapité Louis XVI, les États-Unis ont assassiné John F.G. Kennedy; la République dominicaine, Trujillo Molina; le Pérou, Luis Miguel Sanchez. La liste est très longue et Haïti n’en serait pas à son coup d’essai.

En tout cas, il est un fait indéniable que dans ces moments historiques et cruciaux de la vie d’un peuple, c’est le peuple lui-même dans son leadership, et non ses gouvernants, qui doit se trouver sa voie et tracer sa route au travers des obstacles sans nombre. On demande toujours à voir les moyens d’une Révolution, mais les peuples indignés et révoltés ont leur conscience comme arme redoutable pour s’affranchir et rompre avec l’asservissement et les systèmes d’oppression.

Haïti se retrouve dans ce carrefour-là aujourd’hui. Y restera-t-elle encore longtemps ou choisira-t-elle de s’affranchir?


Jackson Joseph

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