Attendre est pénible

Ce vendredi 17 février ramène le 15e jour de la séquestration de Jean Thony Lorthé, son grand frère et cette dame qui les accompagnait. Les hommes et les femmes qui les détiennent exigent une somme faramineuse que leur famille et leurs proches ne pourront jamais réunir. Ce sont, en vérité, 15 jours de doute, de peur et d’incertitude sur leurs conditions et les traitements qui leur sont infligés.

Nous savons de toute manière qu’ils vivent l’enfer compte tenu des principes courants et des motivations du kidnapping en Haïti, ce fléau devenu, au-delà du mal infâme qu’il représente, un commerce lucratif pour ses tenants. D’autant que les hommes et les femmes qui les gardent captifs se montrent intransigeants et inaccessibles. C’est une situation qui nous inquiète au plus haut point. 

Nous en appelons donc à la clémence. Nous en appelons à la transigeance. Nous en appelons à la compréhension de celles et ceux qui en ont fait leurs otages, qui ont, entre leurs mains la vie et qui en décident à leur gré.

C’est une évidence que nous sommes exposés aux lois singulières, rugueuses d’une Haïti-jungle. C’est une évidence que nous ne pouvons pas nous en référer à l’État puisqu’il n’existe plus. C’est une évidence que les bandes armées s’établissent désormais en administration formelle sur le territoire et qu’elles s’organisent de telle sorte que la population s’y soumette comme à des autorités établies et à la loi régulière.

Alors, ce sont elles qui sont désormais l’État. Elles dirigent et imposent leurs propres règles. Elles ordonnent. Commandent. Exigent. Tuent. Pardonnent. Terrorisent selon l’humeur. Nous ne disons pas et nous ne devons pas dire qu’ils sont des gangsters ou des bandits pour ne pas les fâcher ni leur manquer de respect. Cela les enragerait et mettrait en danger la vie des nôtres, leurs esclaves.

Alors, ne nous fâchons pas.

Nous leur demandons juste de comprendre, de nous laisser le temps de vivre. Nous leur disons aussi que nous reconnaissons leur victoire sur l’État, parce que, en attendant, Haïti est l’exacte image de ce que le philosophe anglais Thomas Hobbes décrit dans son Léviathan, parlant de l’état de nature.

Naturellement, l’on entend dire souvent de la défaite de l’État qu’elle est provisoire face aux groupes armés mercenaires. La Rome antique avait bien illustré cette théorie face au valeureux Spartacus et ses soldats qui pourtant, selon certains, défendaient une cause plutôt juste. On est, cependant, très peu enclin à s’aligner dans cette approche compte tenu de ce qu’il reste d’hommes et de femmes capables ou désireux de contribuer à restaurer l’Haïti majestueuse et glorieuse dont rêvaient les Haïtiens de l’autre temps qui méritent encore nos respects.

Nous voilà donc dans une attente pénible, paniqués. Et nous voilà, l’échine courbée, à demander pardon et à supplier pour la liberté et la vie sauve des nôtres. Une attente autant décevante qu’interminable. Car, en plus d’attendre la mise en liberté de nos amis, nous attendons aussi la renaissance de la Patrie.

 

Jackson Joseph

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