Quelques considérations et commentaires sur la crise haïtienne

Haïti fait face aujourd’hui assurément, à l’une des plus graves crises de son histoire. Une crise sécuritaire qui s’est notamment aggravée, après l’assassinat dramatique du président de la République, en juillet 2021. Disons les choses crûment. L’État haïtien semble aujourd’hui incapable d’assurer la sécurité des vies et des biens des citoyens sur le territoire national. Les citoyens sont donc livrés à eux-mêmes, aux mains de bandes armées, sans foi ni loi, qui règnent en maître quasi absolu, notamment dans la capitale. Les individus de toutes les classes sociales confondues, sont victimes soit de rançonnement, kidnapping, ou bien de tueries en masse, à longueur de journée, sous le regard bien souvent impuissant des forces de l’ordre. Si bien que l’État lui-même, en la personne du Premier ministre, reconnaissant son incapacité à faire face seul à la situation, a dû solliciter ouvertement l’aide de forces militaires étrangères sur le sol national pour essayer de remédier à cette situation catastrophique.

Au-delà des raisons apparentes qui sautent aux yeux de tous, quelles seraient donc, selon notre perspective, les causes lointaines, profondes et sous-jacentes de cette situation plus qu’alarmante qui mettent aujourd’hui en grand péril l’existence même de la nation haïtienne ? Nous essaierons donc, dans le cadre de cet article, de porter un regard historique sur la nation haïtienne en vertu de la logique élémentaire qui veut que si l’on doit arriver à comprendre le comportement d’un individu ou d’une collectivité nationale, il faut interroger son passé, remonter à son histoire, examiner les conditions dans lesquelles il a pris naissance, les défis et difficultés auxquels il a dû faire face, dès son plus jeune âge et durant sa croissance, et comment il les a affrontés et plus ou moins surmontés, en tout ou en partie. Ensuite, après cet examen en profondeur, autant que faire se peut, nous essaierons de poser un diagnostic et en même temps proposer des pistes de solution plus ou moins viables. À travers cette approche historique, il s’agira pour nous tout simplement d’apporter notre humble contribution citoyenne dans le seul but d’enrichir le débat national sur cette problématique qui nous concerne tous.

 

De la période révolutionnaire (1791-1804)

Haïti a dû faire face, a la veille de la création de l’État, par les héros de l’Indépendance à des circonstances exceptionnellement difficiles. En effet, de la date de la déclaration de la liberté générale des esclaves par Sonthonax en 1793, à l’indépendance en 1804, elle a dû pratiquement réaliser une double révolution anti esclavagiste et anti colonialiste pour assurer sa survie de peuple libre.

En effet, nous parlons d’un peuple dont l’immense majorité de ses membres, fraîchement sortis de l'esclavage, se retrouve du jour au lendemain,  passant de l'état de biens meubles, c'est-à-dire ne possédant même pas encore leur propre personne, puisque appartenant à un maître blanc, pour devenir en l'espace de 13 ans (1791-1804) complètement indépendants et obligés de gérer un pays, devenu Haïti sans le minimum de préparation et de formation indispensables pour la conduite des affaires privées et surtout publiques. La condition d’esclave est la pire situation qui soit au monde. Il était interdit à l’esclave, à Saint-Domingue, à de rares exceptions près, d’accéder à l’éducation même la plus sommaire ou à l’écriture.

À la veille de l’Indépendance, à regarder les choses de manière objective, Haïti n’était prête pour conquérir et surtout assumer son Indépendance que sur le seul plan militaire. En effet, les blancs et les mulâtres dans leurs luttes armées entre eux, pour la défense de leurs intérêts distincts, avaient pris pour habitude de former leurs esclaves respectifs au maniement des armes tout en leur octroyant pour ce faire un minimum de formation militaire élémentaire. De cette perche involontairement tendue par les deux classes dominantes de l’époque, sont donc sortis nos principaux héros et génies militaires qui n’attendaient que cette brèche dans l’édifice esclavagiste pour procéder, par la force des armes, à la libération de la grande masse de leurs frères qui croupissaient dans l’enfer de Saint-Domingue

Toussaint Louverture, le premier des noirs, le génie de la race, sentait parfaitement que les noirs nouveaux libres, fraîchement sortis de la condition d’esclave, n'étaient pas encore tout à fait prêts pour assumer utilement l'indépendance et accéder au progrès et au bien-être collectif de la nation en gestation. Qu'il fallait donc passer par une phase intermédiaire d’apprentissage pour une croissance lente, mais durable de la nation. D’où sa tentative donc de réaliser un deal politique avec Napoléon Bonaparte, dans sa fameuse lettre "du premier des noirs au premier des blancs", adressée à Bonaparte. Le chef d’État français de l’époque, naturellement raciste de son état, était tout à fait incapable de comprendre et d’apprécier immédiatement à sa juste valeur, la proposition de Toussaint[i].

Certes, Bonaparte, après coup, regrettera amèrement son erreur de n'avoir pas essayé de trouver une entente acceptable, ne serait-ce que provisoirement, pour les deux parties, avec Louverture. Ce qui aurait permis à la France sans doute de conserver l’importante colonie de la Louisiane. Dans ses mémoires dictés à son valet de chambre à Saint Helene, à propos de Saint-Domingue et de de Toussaint Louverture, il déclara explicitement, et nous citons :

« J’ai à me reprocher une tentative sur cette colonie lors du consulat. C’était une grande faute que d’avoir voulu la soumettre par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint. »

On voit que finalement Toussaint avait bien raison. Voilà que 200 ans plus tard nous sommes pratiquement sous une quasi-tutelle plus ou moins déguisée. On ne saute pas impunément une marche cruciale et nécessaire dans la marche vers l’évolution d’un peuple qui veut aspirer au bien-être matériel et moral. Nous sommes revenus donc, sous une forme ou sous une autre, à la case de départ.

L’idéal eut été donc pour la jeune nation, de passer par une période intermédiaire, le temps de préparer une masse critique d'individus, ayant désormais accès a l’éducation et a l’écriture, et que de cette masse désormais éduquée donc et formée, serait naturellement sortie une élite éclairée, lors même inexpérimentée, et qui aurait finalement pu finalement prendre en main résolument,  le destin de la nation pour la mener à bon port.  

Or l’état et la situation d’esclavage empêchent à ceux qui en étaient les victimes, sauf à de rares exceptions, la moindre possibilité d’accéder à l’éducation ou à une formation professionnelle élevée. À bien des égards, les peuples ne sont nullement différents des individus relativement à leur croissance et leur évolution vers le progrès. Un individu qui n'a pas eu l’opportunité de grandir sous la tutelle de ses parents (ou en leur absence d’un adulte responsable qui puisse lui servir de guide) et qui passe directement de l'état d’ignorance, sans éducation sérieuse, à l’état d'autonomie ou d’indépendance, avec pour conséquence de devoir gérer ses propres affaires, aura toutes les peines du monde à réussir dans la compétition de la vie avec les autres qui ont eux-mêmes eu l’opportunité d’une meilleure et plus longue formation. Car il aura trop de lacunes à combler en même temps, compare à ses autres compétiteurs, alors qu’il est sous la pression de devoir organiser sa vie d'adulte et se créer une famille. Et le monde ne lui fera certainement pas de cadeau.

Lors même qu’ils en ont rarement gardé de bons souvenirs, néanmoins tous les peuples dominants et qui ont réussi à s’imposer dans le monde, à un moment donné de leur histoire, sous une forme ou sous une autre, et le plus souvent par la force des choses, ont dû passer par cette étape intermédiaire d’apprentissage et de tutelle, avant de devenir pleinement indépendants et marcher vers le succès.

Un exemple parmi d’autres. Les États Unis d’Amérique du Nord, avant de devenir la première puissance mondiale dominante qu’ils sont aujourd’hui, ont dû passer par la force des choses, presque 3 siècles, sous la tutelle de la Grande Bretagne, une puissance plus ancienne et dominante dans les affaires du monde. Et encore que la grande majorité des Américains blancs n’avaient jamais connu l’esclavage et avaient donc pu bénéficier des avant l’indépendance pour la plupart, au moins d’un niveau minimum d’éducation.

 

De la gouvernance haïtienne (1804-2023)

De quoi était composé le leadership de ce nouveau projet national ? D'une part il y avait nos généraux et principaux héros de l'Indépendance dont la plupart ne savaient ni lire ni écrire, donc ne possédant pas suffisamment de connaissance, sauf sur le plan militaire, pour exercer un leadership politique éclairé et responsable, pour conduire la nation vers le bien-être. De l'autre, un petit groupe d'anciens affranchis, qui s’ils avaient eu pour la plupart la chance de bénéficier d'un certain niveau d'éducation n’étaient pas dans la situation psychologique idéale pour guider le jeune État. En effet, dans ce groupe composé d’une majorité de mulâtres[ii] en butte à une crise d'identité, puisque rejetés d'une part par leur père blanc pour n'être que des sang mêlés et réticents à s'identifier et s'associer avec leurs frères et sœurs nègres. Or, un peuple qui n'est pas guidé par une élite éclairée et solidaire aura toutes les difficultés à trouver la bonne route vers le progrès et la prospérité.

Ce n'est sans doute jamais politiquement correct de le dire, en Haïti, sous peine d’être violemment pris à partie par les nationalistes, mais il  faut reconnaître avec une certaine lucidité que c'est bien ce qui est arrivé à Haïti. Elle a sauté une étape cruciale dans sa croissance de peuple et ce déficit culturel, cette carence d’une longue maturation dans l'éducation et l’apprentissage, lui ont été préjudiciables. Ce manque d’éducation de la grande masse et d’une grande partie des élites a constitué un boulet attaché aux pieds de la jeune nation. Ce qui l’a empêché et l’empêche aujourd’hui encore, dans une large mesure de prendre son élan décisif vers le progrès[iii].

Évidemment, Haïti et les Haïtiens sont loin d'être les seuls responsables de cet état de choses dramatiques. Aussi louable que fut la tentative de Toussaint, il est évident qu’elle était pratiquement vouée à l’échec. Qui allait donc mettre en place cette tutelle[iv] soi-disant « bienfaisante » pour la jeune nation nègre, dans un monde dominé à l'époque, par le racisme et l'idéologie de la suprématie blanche ?

La France a sans doute une part de responsabilité historique dans les difficultés que connaît Haïti aujourd’hui lorsqu'elle envoya sa fameuse expédition navale pour mater la soi-disant rébellion de Toussaint Louverture. Mais selon la grande majorité des historiens, les plans secrets de Bonaparte et de Leclerc étaient, à moyen terme, de rétablir l'esclavage[v] par tous les moyens possibles dans la colonie quitte à massacrer autant de nègres et de négresses adultes qui avaient finalement pu goûter, durant quelques années, la liberté générale des esclaves décrétée, par Sonthonax, au doux fruit de la liberté donc ; autant dire toute une nation. Le rêve, le projet Louverturien avait donc échoué. Restait donc sur l'échiquier politique le seul projet viable Dessalinien : « vivre libres ou mourir. » " koupe tête, boule kay." On n’avait pas le choix. C’était, soit le grand saut vers l’Indépendance, nonobstant nos faiblesses et insuffisances du moment et les risques y attachés, ou bien l'anéantissement, le génocide d'une nation et le retour pur et simple à l’esclavage.

Nous n’avons donc absolument rien à regretter ou quoique ce soit à reprocher à Dessalines, Toussaint Louverture ou Pétion. Ils méritent tous notre gratitude et notre respect éternels pour avoir grandement contribué à nous créer une nation libre et indépendante. Ils ont fait ce qu’il fallait pour assurer notre survie dans des circonstances difficiles. À nous donc de nous élever à leur dimension et faire appel à la raison pour trouver aujourd’hui les voies et moyens, pour construire une nation viable et prospère. 

Comme il était donc prévisible, pour un peuple qui effectuait ses premiers pas en tant que nation indépendante et libre, et qui partait pratiquement de zéro, sans pouvoir bénéficier dans une mesure appréciable d’un apport culturel ou éducationnel venant d’autres peuples, devait donc pratiquement réinventer la roue en termes de gouvernance politique et trouver sa voie tout seul dans un environnement international largement hostile à ses aspirations de liberté et de prospérité. Nous avons donc pratiquement passé tout le 19e siècle dans l’instabilité chronique, quasi-totale, agrémentée de dizaines de révolutions, rébellions, coup d’État, troubles sociopolitiques en tous genres.

La plupart de nos chefs d’État, au 19e siècle, après notre Indépendance, presque tous des anciens hauts gradés militaires, à de rares exceptions, n’étaient, comme il fallait s’y attendre, nullement à la hauteur de leur tâche de leaders de la jeune nation. On sait que des hommes politiques éclairés de la dimension d’un Anténor Firmin, par exemple, pour ne citer que lui seul, malgré tous leurs efforts, n’ont jamais pu avoir l’opportunité de diriger Haïti. C’est même une constante dans notre histoire de peuple libre qu’à chaque fois qu’il faut choisir un leader, nous choisissons presque toujours le moins éclairé. Il est donc logique, et même naturel, qu’un peuple, dont la grande masse et une grande partie des élites ne sont pas suffisamment éclairés fassent presque toujours le mauvais choix.

Certes, la lourde dette de l’Indépendance que nous avons dû supporter durant plus d’un siècle n’a pas manqué d’avoir eu une incidence négative certaine sur le développement économique du pays et Haïti doit se battre jusqu’au bout pour non seulement être remboursé, mais également obtenir une réparation conséquente et substantielle pour une juste compensation pour les 250 et plus d’années de labeur gratuitement fourni par les esclaves noirs de Saint-Domingue au profit de la France. Cela dit, nous croyons honnêtement que la mauvaise gouvernance a constitué, et constitue de loin le boulet le plus lourd qui a entravé le développement et le progrès d’Haïti. Attribuer notre situation déplorable d’aujourd’hui à la seule dette d’indépendance serait non seulement contreproductif, mais également dangereux, dans la mesure où cela occulterait à nos yeux, le problème fondamental de la mauvaise gouvernance.

 

La crise démocratique

Haïti fait face à des difficultés sérieuses dans sa marche vers la démocratie[vi] à n’en plus finir depuis l’année 1986. Impossible de comptabiliser le nombre de crises, coup d’État, troubles sociopolitiques de tous genres qu’elle a connus ces dernières années. Elle a également connu 2 interventions militaires étrangères accompagnées d’une suite pratiquement infinie de missions de stabilisations en tous genres de la part des Nations Unies. Pourquoi donc toutes ces interventions militaires et missions civiles depuis 1986, alors que depuis après 1915, après la création de l’armée et certaines autres institutions, l’État haïtien semblait s’être finalement plus ou moins stabilisé durant pratiquement l’essentiel du 20e siècle ?

Il faut donc considérer un peu Haïti comme une maison construite par un simple manœuvre qui a érigé un rez-de-chaussée pour abriter sa famille avec les moyens du bord, sans l'aide d'un ingénieur ou même d'un maçon qualifié. La maison a tenu bon contre vents et marées, tant bien que mal, durant tout le 19e siècle après l'Indépendance. Évidemment avec une instabilité[vii] constante, qui a empêché tout développement véritable.

L’édifice a été plus ou moins stabilisé après l'intervention américaine en 1915, mais elle n'avait jamais eu ni fondations, ni construite avec des matériaux de qualité. Malgré tout, elle a tenu tant bien que mal. Contrairement à la dictature et l’autoritarisme, la démocratie est un système de gouvernement supérieur et beaucoup plus exigeant autant pour les gouvernants que les gouvernés. C’est comme donc construire un nouvel étage sur le rez-de-chaussée déjà instable et sans fondation aucune. Chaque fois donc qu’Haïti se met à la démocratie, le rez-de-chaussée ne peut soutenir le nouvel étage. Et les Nations Unies doivent courir au plus vite pour le stabiliser. Dès que les forces étrangères repartent, l’édifice national[viii] recommence  à s’ébranler et menace de s’effondrer comme il menace de le faire une troisième fois aujourd’hui.

Par conséquent, ceux qui sont contre une nouvelle intervention militaire étrangère dans nos affaires  du fait que celles de 1994 et de 2004 n’ont rien apporté et que les choses auraient au contraire empiré ont sans doute raison. Mais la question qu’ils devraient plutôt se demander est ce qu’il serait advenu de l’État haïtien en l’absence desdites interventions ? Peut-être que l’État haïtien aurait tout simplement déjà disparu.

 

Conclusion et propositions

Haïti, l’une des premières nations de l’Amérique, à conquérir son indépendance après les États-Unis, de la plus belle des manières, se retrouve aujourd’hui, le pays le plus pauvre et le moins avancé de l’hémisphère. Après avoir contribué à libérer du joug colonial nombre de pays de l’Amérique latine, qui nous ont aujourd’hui, dépassés en tous points, nous nous retrouvons aujourd’hui à la traîne des nations. Après avoir été parmi les premiers, Haïti est donc devenu le petit dernier de la classe qui inspire désormais pitié et compassion. Les premiers donc, seront les derniers. Plus grave, nous faisons face aujourd’hui à une crise existentielle multidimensionnelle qui menace les fondements mêmes de la nation. Il est temps que cela change.

Nous ne prétendons nullement détenir le monopole de la vérité. Notre seul but, comme annoncé, plus haut, est de verser dans les débats, une nouvelle approche, une nouvelle perspective, celle-là historiques, pour contribuer à trouver les voies et moyens pour faire de la fabuleuse expérience haïtienne, initiée le 1er janvier 1804, le succès collectif qu’elle mérite de connaître. Cette opinion vient donc s’ajouter aux nombreux courants de pensée en compétition[ix], et qui tentent d’apporter un diagnostic et une solution à la problématique haïtienne.  Il ne saurait y avoir donc d’opinion taboue, lorsqu’il s’agit de sauver notre pays. Car du train que vont les choses, deux issues à alternatives nous paraissent les plus probables. Soit que Haïti, en tant qu’État, incapable d’assurer la sécurité de ses propres citoyens tout en  leur offrant un minimum d’opportunités économiques, disparaisse, au milieu de la quasi-indifférence internationale, ou bien prise de fatigue envers un pays en crise perpétuelle, et qui constitue un problème continu, une menace sérieuse pour ses propres citoyens ou les autres nations avoisinantes, les puissances dominantes décident finalement de mettre le pays de Dessalines et de Louverture, sous tutelle internationale.

Il existe pourtant une troisième voie pour éviter à la nation, soit la disparition étatique ou l’indignité de la tutelle. Rien ne nous interdit d’ être à la fois fiers de 1804, tout en étant parfaitement lucides et conscients de nos déficits historiques à combler. D’autant plus qu’il est clair que les difficultés rencontrées par Haïti pour se développer harmonieusement ne sont nullement le fruit nullement d’une quelconque incapacité raciale ou ethnique, mais plutôt sont entièrement dues à une situation historique compliquée et dramatique à laquelle nos principaux ont dû faire face pour créer l’Etat d’Haïti. Dans cette perspective donc, cet article tient avant tout de la thérapie psychologique collective.

L’homme fort ou la nation forte n’est pas forcément celui ou celle qui refuse obstinément, tel l’autruche, de se regarder dans un miroir, de peur de se rendre compte de ses faiblesses et de ses manquements. C’est plutôt celui ou celle qui a la force morale et le courage nécessaire  pour se regarder avec lucidité et sans complaisance afin de prendre conscience de ses forces et ses faiblesses  pour prendre les décisions et mesures qui s’imposent pour remédier à la situation.

Nous craignons fort malheureusement, que la grave crise sécuritaire, au point de pourriture avancée qu’elle a déjà atteint, ne pourra être résorbée sans un appui et sans une aide extérieure militaire. Cette crise aussi grave qu’elle puisse paraître, cependant, n’est que la conséquence, le symptôme d’une crise beaucoup plus profonde de gouvernance qu’il faut résoudre une fois pour toutes. Nous devons profiter encore une fois de plus la présence inévitable, mais provisoire d’une force militaire étrangère et l’atténuation de la crise apparente pour réunir une masse critique de citoyens conscients et pragmatiques pour s’attaquer à la vraie crise en profondeur, la gouvernance, et y apporter une solution durable et définitive.

S’il nous faudra toujours être vigilant dans la défense nos intérêts nationaux, il faut admettre que le monde a beaucoup changé depuis 1804, notamment au cours de la deuxième moitié du 20e siècle. Le courant international nous est aujourd’hui beaucoup plus favorable qu’autrefois. Le racisme international, autrefois dominant, a perdu du terrain. Par exemple, Barack Obama, un noir américain, vient d’être élu en deux fois consécutivement à la plus haute magistrature de l’État le plus puissant au monde. Un État  dont la majorité de la population est blanche. Au lieu de nous morfondre dans une paranoïa[x] perpétuelle, sans tomber dans l’excès inverse, Haïti peut, et doit plutôt prendre son destin en mains et regarder vers l’avenir avec confiance et non le passé, car elle a des cartes importantes en mains.

Au lieu d’attendre donc la fatalité, soit la disparition ou la tutelle, nous pouvons adopter une attitude positive et proactive, et aller au-devant des événements et être les acteurs de notre propre histoire, pour changer positivement le cours des choses, au lieu d’ attendre passivement a en être les éternelles victimes expiatoires. Tout en respectant notre diversité d’opinions, nous pouvons néanmoins, nous unir autour de l’essentiel, objet d’un grand consensus entre nous pour négocier[xi] avec l’international (surtout la France qui a certainement une dette plus que morale envers Haïti) une sorte de plan Marshall, d’investissement[xii] massif durant 10 ou 20 années, dans des secteurs prioritaires tels l’éducation de qualité, la justice, la police, des infrastructures publiques et énergétiques, la santé publique. Ce pour sauver le pays et la geste de 1804. Car, en dépit des nombreuses et enormes difficultés auxquelles nous faisons face aujourd’hui, nous avons toujours, malgré tout, notre destin entre nos mains. Nous pouvons être une nation forte. À nous donc d’en décider.

 

Me Jude Fabre BRETOUS, Av.

Adresse Email : Fabrebretous@yahoo.com

What’s app   : 1 516-271-7302 ; 509-3-702 0784 ;                     :

 

[i] Certes, Bonaparte, après coup, regrettera amèrement sa stupidité pour n'avoir pas essayé de trouver une entente acceptable, ne serait-ce que provisoirement, pour les deux parties, avec Louverture. Ce qui aurait permis a la France sans doute de conserver l’importante colonie de la Louisiane. Dans ses mémoires dictés à son valet de chambre a Saint Helene, a propos de Saint Domingue et de de Toussaint Louverture, il déclara explicitement, et nous citons :

« J’ai à me reprocher une tentative sur cette colonie lors du consulat. C’était une grande faute que d’avoir voulu la soumettre par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint. »

Voir l’ouvrage de Pierre Jova intitulé : Toussaint Louverture, la mauvaise conscience de Napoléon Bonaparte.

[ii] La grande majorité des nègres et une minorité de mulâtres constituent la grande famille de la nation Haïtienne. Ces deux groupes ont combattu cote a cote pour faire d’Haïti une nation libre et indépendante malgré une guerre civile (la guerre du sud en 1800) entre Toussaint et Rigaud a peine 2 années avant la guerre de l’indépendance. Les mulâtres, comme les noirs ont donc mérité de la patrie.  Notre but n’est donc pas de pointer du doigt, pour attiser la haine ou accuser un groupe d’individus dans le but de diviser la nation. Il nous faut au contraire créer un climat psychologique inclusif, car il est dans l’intérêt de tous pour que tous les Haïtiens sans distinction de couleur se sentent chez eux et puissent travailler en paix pour le bienêtre et le relèvement du pays. 

[iii] . Haïti

[iv][iv] Loin de nous l’idée de vouloir faire l’apologie ou la promotion de la tutelle. D’autant plus que l’homme étant un être qui se signale principalement par son égoïsme naturel, les nations dominantes ont rarement le souci du bien-être des peuples colonisés. Ils le font le plus souvent pour leurs propres et seuls intérêts. Ce n’est nullement une situation psychologique et matérielle agréable ni enviable de la part du peuple, particulièrement des élites du peuple colonisé. Ce n’est que par la force des choses, et le contact permanent entre les deux entités que la plupart du temps, le peuple colonisé, au contact de la puissance dominatrice finit toujours par apprendre et fort souvent l’élève finit par dépasser le maitre.

[v] Voir en ce sens les écrits de :

Girard P. Philippe, « Napoléon voulait-il rétablir l’esclavage en Haïti ? Bulletin de la société d’Histoire de la Guadeloupe, mai-aout 2011

Kubiak Valerie, « Pourquoi Napoléon a-t-il rétabli l’esclavage en 1802. Publié le 21/03/19 et mis à jour le 05/05/2021

[vi] Des pays comme les Philippines, par exemple qui ont pris la voie démocratique a la même époque qu’Haïti n’ont pas connu et ne connaissent autant de difficultés que Haïti

[ix] Une tendance chez beaucoup de nos compatriotes à attribuer la cause de la crise de sécurité que connait Haïti actuellement a un complot international ourdi de toutes pièces contre Haïti en vue de la détruire ou bien faire disparaitre l’essentiel de la population. Cette thèse ne résiste pas a une analyse sérieuse. Premièrement, il n’y a aucune preuve, aucun indice sérieux pouvant appuyer cette thèse complotiste inspirée sans doute par le refus marquant chez l’Haïtien de reconnaitre ses erreurs et d’assumer ses responsabilités. L’afflux en masse de millions de refugies Haïtiens qui déborderaient leurs frontières est clairement contre les intérêts desdits pays. Il suffit de se rappeler du comportement irresponsable dans ce domaine de la plupart de nos récents présidents pour se rendre compte que nous sommes bel et bien responsables, pour l’essentiel, de ladite crise sécuritaire.

[x] La tendance à la paranoïa chez les haïtiens, surtout en ces moments de crise nationale aigue, a évidemment des racines profondes et historiques. Il est humain et un peu normal qu’un peuple qui a été maintenu presque 3 siècles en esclavage et qui au moment d’accéder a l’Etat nation indépendant, a du faire face durant longtemps a l’indifférence, voire l’hostilité des puissances dominantes de l’époque, soit plus que suspicieux des intentions de l’étranger à son égard. Le contrecoup évidemment, est qu’une forte paranoïa nous rend aveugle a la réalité et ne nous permet pas de saisir les opportunités présentes qui s’offrent à eux

[xi][xi][xi] Haïti, el pais de la eterna inestabilidad: las claves tras el magnicidio de Moyse. Redaccion El Huffpost/Agencias

[xii] Les expériences récentes de gaspillage des fonds publics par nos gouvernements respectifs, tels par exemple, les fonds du programme petro caribe, font penser qu’il faudra probablement trouver une formule inédite tripartite (bailleurs de fonds étrangers, société civile, gouvernement) impliquant notamment la société civile pour assurer une supervision efficace et prévenir le détournement et la dilapidation desdites ressources.

 

Bibliographie sommaire

Mémoires de Toussaint Louverture.

Mémoires de Napoléon Bonaparte

Rapport du PNUD sur le développement humain (Haïti 2020)

L’Amérique latine : indications bibliographiques

Girard P. Philippe, « Napoléon voulait-il rétablir l’esclavage en Haïti ? Bulletin de la société d’Histoire de la Guadeloupe, mai-aout 2011

Kubiak Valerie, « Pourquoi Napoléon a-t-il rétabli l’esclavage en 1802. Publié le 21/03/19 et mis à jour le 05/05/2021

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