Encore un vaccin !

Une semaine après l’annonce du vaccin germano-américain dénommé BNT162b2, un autre au nom de code mRNA-1273 vient d’être présenté au public. À en croire ses promoteurs, son efficacité serait même meilleure que la première préparation.

Selon la société de biotechnologie américaine « Moderna » siégeant à Cambridge, son vaccin aurait montré une efficacité de 94,5 % dans une analyse intermédiaire. Les scientifiques sont arrivés à cette conclusion après l’avoir testé sur 30.000 personnes dont la moitié avaient reçu le vaccin et l’autre moitié, groupe témoin, un placebo. L'analyse préliminaire de l'étude « Moderna » est basée sur 95 personnes contaminées ayant reçu soit le candidat vaccin du laboratoire américain, soit un placebo. Sur ce nombre, seulement cinq de ces cobayes à qui on a administré le vaccin ont été contaminés.

Le vaccin a été administré en deux doses en l’espace de 28 jours, selon « Morderna ». Seuls des effets secondaires légers à modérés seraient apparus chez les volontaires. Cependant, une proportion importante de ces bénévoles a ressenti des douleurs plus intenses après avoir pris la deuxième dose. Beaucoup se demandent dans quelle mesure le vaccin peut prévenir la maladie. Les données à ce sujet n'existent pas encore.

« Moderna » est la deuxième grande entreprise pharmaceutique américaine à présenter des données positives d’une étude sur un vaccin contre le coronavirus. Lundi dernier, la société de biotechnologie « BioNTech », basée à Mayence (Allemagne) et son partenaire américain « Pfizer » ont été les premières firmes au monde à publier les résultats de leur étude. Elles ont, pour leur part, certifié que leur vaccination fournirait une protection de plus de 90 % contre la Covid-19.

Pour ce qui est du vaccin BNT162b2 de « Moderna », il marquerait des points non pas seulement à cause de son taux de protection plus élevé que celui de la préparation germano-américaine mais aussi grâce à sa durabilité. Par exemple, le produit « Moderna » ne nécessite pas de stockage ultra-froid et peut donc être livré plus facilement : il peut être stable pendant 30 jours à des températures normales de réfrigérateur de deux à huit degrés Celsius et peut être conservé jusqu'à six mois à moins 20 degrés Celsius. En revanche, le vaccin de « Biontech/Pfizer » doit être stocké à moins 70 degrés Celsius et ne peut être conservé que pendant cinq jours à la température normale du réfrigérateur. On apprend toutefois que « Biontech » travaille déjà à l'allongement de la durée de conservation de son vaccin à la température du réfrigérateur.

Les chercheurs indiquent en outre que les deux vaccins sont basés sur ce qu'on appelle l'ARN messager (ARNm), qui fournit aux cellules humaines les informations dont elles ont besoin pour combattre les agents pathogènes. Comme leur nom l’indique, ce type de vaccins à ARN messager se baserait, disent les scientifiques, sur l'injection d'un ARN messager synthétique. « Ils se basent sur l’injection d’une protéine, d’une toxine ou d’une particule pseudo-virale créée de toutes pièces », explique-t-on. Il s’agirait d’une version très récente des vaccins sans agent infectieux. Selon la revue scientifique « Futura-science », ceux-ci sont apparus avec le développement du génie génétique et de la biologie moléculaire. « Les caractéristiques immunogènes des ARN n’ont été découverts que dans les années 90. Les premières applications de cette technique concernaient le cancer avec le premier essai mené en 2002. Il faudra attendre 2012 pour que les premiers essais pré-cliniques soient conduits sur des agents infectieux », précise encore la revue. Il semble qu’il est possible de produire un tel vaccin à grande échelle plus rapidement que les classiques. Le seul inconvénient est qu’il nécessite également un refroidissement plus important que les autres vaccins.

Espoir permis ?

À ce jour, aucun vaccin contre le coronavirus, qui a tué plus de 1,3 million de personnes dans le monde, n'est disponible sur le marché international. On pense qu’un tel vaccin serait vital pour mettre fin à la pandémie.

Cette nouvelle a provoqué une flambée vertigineuse des actions sur les marchés boursiers : L'EuroStoxx50 a augmenté de près de 2 %. Le cours de l'action « Moderna » a augmenté de près de 16 % à certains moments avant l'introduction en bourse et a commencé à se négocier à New York avec un gain de 9 %, soit 97 dollars par action. La valeur boursière de la société américaine de biotechnologie approche ainsi pour la première fois la barre des 40 milliards de dollars et a plus que quintuplé depuis le début de l'année. En revanche, l'action BioNtech a perdu environ douze pour cent de sa valeur dans l'après-midi, après avoir gagné un bon vingt pour cent la semaine dernière (2).

Les scientifiques sont aussi optimistes. Dans leurs premiers commentaires, plusieurs scientifiques ont souligné la similitude du vaccin « Moderna » avec celui de « Pfizer » et de « Biontech ». Gerd Fätkenheuer, chef du service d'infectiologie de l'hôpital universitaire de Cologne (Allemagne), a parlé de « résultats presque identiques ». Il trouve que ce résultat indique que la nouvelle technologie des vaccins à ARNm fonctionne réellement contre l'agent pathogène Corona. Si, selon lui, les résultats de « Biontech » ont fait naître un grand espoir quant à l'efficacité des vaccins, aujourd’hui cet espoir serait « encore plus grand ».

Florian Krammer, professeur de vaccination à Icahn School of Medicine de l'hôpital Mount Sinai à New York (USA), estime que selon les données initiales le risque du vaccin est faible. « Il y a des effets secondaires transitoires, c’est-à-dire temporaires, tels que l'augmentation de la température, la fatigue, les maux de tête et la douleur au point d'injection, qui sont désagréables, mais inoffensifs », a-t-il déclaré. Aucun effet secondaire grave n'a été signalé dans les études de « BioNtech/Pfizer » ou de « Moderna ». Toutefois, les experts soulignent que « Moderna » - comme dans le cas de Biontech et Pfizer - n'est que le résultat d'une analyse préliminaire effectuée par un groupe d'experts indépendants et il n'a pas encore été publié scientifiquement.

Le célèbre immunologiste américain et expert en coronavirus, Anthony Fauci, a réagi avec enthousiasme aux données fournies par la société pharmaceutique américaine Moderna. L’ancien conseiller de Donald Trump a déclaré sur CNN que ce sont des « résultats très intéressants ». « On ne peut pas faire mieux : 94,5 %, c'est vraiment excellent ». Fauci prévoit que les premières vaccinations pour les groupes à haut risque pourront commencer dès décembre. Le reste de la population pourrait être vacciné d'ici la fin du mois d'avril.

Comme on devait s’y attendre, le président américain sortant Donald Trump s'est immédiatement attribué le succès de la recherche. Les historiens devraient se rappeler que ces grandes découvertes en matière de vaccins « ont toutes été faites sous ma supervision », a-t-il déclaré. Le gouvernement américain a soutenu un certain nombre de sociétés pharmaceutiques, dont « Moderna », avec des milliards de dollars de financement et un programme spécial pour développer des vaccins.

Le président américain élu Joe Biden, qui doit prendre ses fonctions en janvier, s'est félicité de ces progrès. En même temps, il a exhorté à la prudence. « Les nouvelles d'aujourd'hui concernant un second vaccin sont une autre raison d'être optimiste », a-t-il écrit sur Twitter. Tout en faisant l'éloge des responsables de cette « percée », il a déclaré qu'il restait encore des mois avant de vacciner une grande partie de la population. Jusque-là, les gens devaient respecter les mesures de distanciation sociale, se laver régulièrement les mains et porter des masques.

Selon « Moderna », la société devrait être prête à fournir environ 20 millions de doses de vaccins aux États-Unis d'ici la fin de l'année, si elle est approuvée. L'année prochaine, il est prévu de produire jusqu'à un milliard de doses. « Biontech » et « Pfizer » s'attendent à disposer de 50 millions de doses de vaccins d'ici la fin de l'année.

En outre, l'Agence européenne des médicaments (EMA) entame un processus dit de « rolling review » pour le vaccin de « Moderna », qui vise à obtenir une approbation relativement rapide. « Moderna » prévoit de demander une autorisation d'urgence à la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis dans les prochaines semaines. Ainsi deux vaccins contre la Corona pourraient ainsi être lancés sur le marché américain avant la fin du mois de décembre. L'entreprise prévoit également de soumettre des demandes aux autorités réglementaires dans d'autres pays. Selon l'entreprise, la Commission européenne négocie actuellement avec elle la fourniture de 160 millions de doses de vaccins. Cependant, aucun contrat n'a encore été signé.

Des pays tels que la Russie, la Chine et récemment le Bahreïn (3) ont déjà mis en circulation des vaccins et vaccinent déjà une partie de la population. Mais on ne sait pas si ces vaccins protègent réellement et quels effets secondaires ils peuvent présenter.

Huguette Hérard

N.d.l.r.
(1) Sources : nob/rb (rtr, dpa), Tagesspiegel, t-online, Futura-science.
(2) Handelsblatt, 16 novembre 2020.
(3) Une partie des essais de phase 3 du vaccin chinois de Sinopharma a été testé sur 50.000 personnes en dehors de la Chine (Maroc, Emirats, Bahreïn, Pérou, Argentine) et près 100.000 personnes en Chine, selon la presse chinoise. Des sources chinoises indiquent qu’un million de Chinois ont reçu leurs doses, non pas à titre de test mais de vaccin. Des médias chinois annoncent que plusieurs centaines de milliers de personnes ont reçu le vaccin de Sinopharm.

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