Le coronavirus renforce le racisme et la discrimination

Le nouveau coronavirus frappe-t-il tout le monde de la même façon ? Faux, affirme le juriste Martin Klingst, journaliste du quotidien allemand « Zeit »(1). Au contraire, la pandémie favorise le racisme et touche plus durement les faibles, les pauvres et les marginaux.

 « Plus sera comme avant ! », prédisait-on au début de la pandémie. On disait que l'apparition de ce virus allait « rassembler les gens, créer une grande unité et rendre les sociétés plus solidaires ». On affirmait aussi que le Sars-CoV-2 touchait toutes les personnes de manière égale : riches et pauvres, Blancs et Noirs, les majorités comme les minorités. La maladie Covid-19 était vue comme le niveleur par excellence. Le grand égalisateur.

Mais ce n'est pas vrai, lâche le juriste Martin Klingst, preuves à l’appui. La pandémie touche plus les personnes âgées que les jeunes, les hommes plus que les femmes, les personnes souffrant de certaines affections préexistantes plus que celles en bonne santé. Pour montrer combien la Covid-19 est un grand discriminateur, l’auteur montre que dans de nombreux endroits, les victimes sont principalement des pauvres et des membres de minorités. Plus loin, à l’aide d’exemples, l’analyste va montrer combien la pandémie est discriminatoire et encourage la haine ethnique d’un côté, et de l’autre renforce les inégalités et les injustices flagrantes au sein des sociétés.

Premier fait que Klingst prend en exemple, c’est le racisme contre les Asiatiques. En effet, dès l'apparition de la maladie, « la xénophobie a de nouveau augmenté dans de nombreux pays, y compris en Allemagne ». Les étrangers sont menacés, en particulier les Asiatiques. À cet égard, il se réfère à un article sur l'attaque d'un couple sud-coréen dans le métro de Berlin du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung du 22 mai dernier tout en énumérant tout ce qui est arrivé aux Asiatiques dans ce pays au cours des dernières semaines dans plusieurs villes allemandes. Ces incidents sont pléthore alors que des Africains sont eux victimes de stigmatisation dans certaines villes en Chine, les autorités locales craignant une réimportation du virus (2).

Ce racisme anti-asiatique est aussi présent sur le net. Presque partout, les personnes d'origine asiatique se trouvent actuellement exposées à la haine pure et simple, même en Grande-Bretagne, en France, en Suède et bien sûr aux États-Unis, où Donald Trump parle carrément de « virus chinois ». Le président américain considère la maladie comme une attaque venue de l’étranger, notamment de la Chine. « La propagation du coronavirus fait soudain apparaître de nombreux côtés sombres de nos sociétés, des abus que nous avons oubliés ou occultés, fait remarquer le commentateur allemand. Par exemple, les conditions atroces dans les camps de réfugiés grecs. Ou encore les conditions de travail dévastatrices et les logements indignes des ramasseurs d'asperges et des travailleurs de l'industrie de la viande en Europe de l'Est. »

La Covid-19 met aussi en évidence « l'écart de prospérité flagrant entre le Nord et le Sud », estime le commentateur. Il est évident que depuis la crise sanitaire, l'Europe et l'Amérique du Nord ne s’intéressent qu’à elles-mêmes. Exemple : la fermeture des frontières et le repli sur soi. C’est seulement la semaine dernière que le secrétaire général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a tourné son attention vers le reste du monde. « Tedros Adhanom Ghebreyesus est très alarmé, affirme le chroniqueur, par le nombre croissant de cas dans l'hémisphère sud. Le nombre mondial de nouvelles infections enregistrées dans les 24 heures est plus élevé que jamais, car le virus frappe en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine. » C’est vrai que l'épidémie ne fait que progresser dans certains endroits, dont Haïti. Dans de nombreux endroits du Sud, il est beaucoup plus difficile de maîtriser la situation, en raison des difficultés économiques.

Le racisme rend malade

Un autre type de discrimination que la Covid-19 met en lumière : les inégalités sociales. « Dans de nombreux États, les victimes sont principalement des pauvres, des marginaux, des membres de minorités ethniques », constate. À titre d’illustration, le reporter se tourne sur ce qui se passe dans les États super-riches du Golfe Persique : ce sont les travailleurs venus de l'Inde, du Pakistan, du Bangladesh qui sont le plus infectés par le virus. « Ils vivent à l'étroit dans des conditions misérables et doivent travailler même lorsqu'ils sont malades. Sinon, il n'y a pas de salaire, ils sont menacés d'expulsion. »

Aux États-Unis, l’un des pays les plus riches de la planète, ce n’est pas mieux en termes d’écarts sociaux. Les chiffres montrent que le virus fait aussi une différence spectaculaire entre les riches et les pauvres, compte tenu que les conditions sociales dans ce pays pourtant prospère sont si inégales et injustes. La maladie et la mort touchent surtout les Noirs américains.

Fin avril, le New York Times Magazine a rapporté dans un reportage que dans l'État de Louisiane, « sept décès sur dix des suites du coronavirus sont des Afro-Américains, alors qu'ils ne représentent que 33 % de la population de cet État. Dans le Michigan, les Noirs ne représentent que 14 % de la population, mais 40 % des décès ; dans le Wisconsin, 7 % de la population, mais 33 % des décès par corona ; dans le Mississippi, 38 % de la population et 61 % des décès ; et à Chicago, 30 % de la population et 56 % des décès. À New York, le risque de décès est deux fois plus élevé pour les Noirs que pour les Blancs ».

Les circonstances sont sûrement dues à la malbouffe, car les Noirs américains ont plus tendance à être obèses que les Blancs et donc davantage exposés aux maladies. Mais Klingst donne une autre explication : les Afro-Américains ont des emplois où ils peuvent être infectés plus facilement. « Les Noirs travaillent comme messagers ou agents de sécurité dans des bâtiments publics et privés, comme éboueurs, chauffeurs de bus et dans le secteur des soins, énumère-t-il. Ils vivent beaucoup plus souvent que les autres dans des logements exigus et dans des zones où la pollution atmosphérique est élevée et où l'eau et le sol sont contaminés. » En outre, ils bénéficient d'une couverture d'assurance maladie plus faible et sont plus susceptibles de souffrir de conditions préexistantes qui peuvent rapidement entraîner la mort lorsqu'ils sont infectés par le Covid-19 : hypertension artérielle, maladies cardiaques, diabète, asthme et problèmes rénaux.

Ces maladies, Klingst les met sur le compte du « racisme subi quotidiennement ». Pour appuyer ses propos, il se réfère aux travaux de la chercheuse américaine Linda Villarosa (3) qui a écrit l’article dans le New York Times Magazine plus haut cité. Cette journaliste américaine a fait état plusieurs études qui, depuis 130 ans, ont à plusieurs reprises démontré une chose : « Toute personne victime de discriminations répétées dans la recherche d'un logement et d'un emploi, à l'école, au travail, par la police, c'est-à-dire dans toute la vie publique et privée, respire moins longtemps, souffre d'hypertension, tombe malade et vieillit plus vite que les autres. » Tout récemment, un homme noir américain a trouvé la mort à la suite d’une arrestation « musclée » de la police à Minneapolis; la vidéo de la scène circulant sur les réseaux sociaux a provoqué, mardi, l’indignation et la colère des habitants de cette ville de Minnesota, dans le Nord des États-Unis. Cet homme, qui n'était pas armé, s’appelait George Floyd.

Huguette Hérard

N.d.l.r.
(1) L’essai de Martin Klingst a paru dans le quotidien en ligne Zeitonline, 25 mai 2020.
(2) La Chine a promis aux dirigeants africains de faire des efforts pour lutter contre tout comportement raciste envers les Africains sur son sol.
(3) Linda Villarosa (61 ans) est journaliste américaine et auteure de plusieurs livres. Son premier roman « Passing for Black » a été nominé pour le prix littéraire Lambda en 2008. Elle prépare actuellement un livre sur la situation particulière des Afro-am

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