Apartheid ou banditisme ?

Que la République d’Haïti ait choisi, depuis les évènements de 1986, la démocratie comme modèle de société, personne ne dira le contraire. Toutefois, trente-deux ans plus tard, il suffit d’un constat honnête et réaliste pour admettre que ce choix est devenu illusion à force que les droits fondamentaux des citoyens se rétrécissent jusqu’à peau de chagrin. La situation sécuritaire dangereusement instable inquiète et handicape les mouvements de la population.

Que la République d’Haïti ait choisi, depuis les évènements de 1986, la démocratie comme modèle de société, personne ne dira le contraire. Toutefois, trente-deux ans plus tard, il suffit d’un constat honnête et réaliste pour admettre que ce choix est devenu illusion à force que les droits fondamentaux des citoyens se rétrécissent jusqu’à peau de chagrin. La situation sécuritaire dangereusement instable inquiète et handicape les mouvements de la population.

Il est admis que ce n’est pas très populaire de défendre les intérêts des investisseurs en Haïti, mais force est de constater que depuis quelques mois tous les déplacements vers le sud du pays sont entravés et les hôtels sont en train de réduire la voilure. Et comme par magie, ce sont les employés de ces établissements et leurs petits fournisseurs qui se retrouvent, du jour au lendemain, sans revenus.

Contagion oblige, depuis ce matin, la Nationale numéro 1 vit une situation explosive à trois points différents. Un début d’émeutes a éclaté à Duvivier (quartier de cité Soleil) après une manifestation d’élèves, réclamant la présence de professeurs dans les salles, qui a mal tourné et occasionné trois blessés. Le quartier oublié de Canaan, une performance de la gestion post-séisme de 2010, est pris en otage par des gangs armés qui tuent et pillent loin des yeux et loin des préoccupations des autorités. À Montrouis, un conflit terrien a dégénéré en affrontement armé entre deux groupes.

Le risque d’isoler la région métropolitaine du pays est réel si la mollesse de l’État reste la seule réponse perceptible face à un cas d’instabilité extrême.

Il est pressant de prendre les dispositions pour changer la donne. La semaine dernière, des unités de la Police nationale d’Haïti étaient mobilisées pour reprendre le contrôle du village de Dieu, point chaud, s’il en est, de Port-au-Prince. Au demeurant, l’opération a permis de comprendre que les forces de l’ordre et les responsables politiques auront fort à faire pour ramener la paix dans les quartiers.

La Police s’est contentée de fouiller quelques dizaines de maisons et d’arrêter quelques maillons insignifiants. Et pendant ce temps, le chef de gang, tant recherché, fanfaronne à la radio, proclame haut sa toute-puissance et nie l’autorité de l’État. Comme les bidonvilles sont des lieux de concertation de chômage, d’absence de services publics et de toute la pauvreté du monde, il devient impossible de convaincre un jeune de déposer les armes pour l’amour du pays, par civisme et pour les beaux yeux du chef de la Police.

Comme si le fatalisme est inévitable à chaque fois que la question des quartiers précaires est posée en Haïti. Nous avons subi beaucoup de prises de paroles politiques et noté les promesses de sécurité, d’emploi, d’éducation et de services publics pour les quartiers défavorisés. Mais, en fin de compte, ces quartiers continuent à évoluer en territoires oubliés de la République.

Canaan, ce quartier qui n’est que l’expression cynique d’un complot contre les plus pauvres, jouxte la Nationale numéro 1. Depuis une semaine, en cercle fermé, les résidents, paisibles citoyens qui ont atterri dans ce territoire en cherchant un toit après le tremblement de terre de 2010, subissent les assauts et la loi d’assaillants sadiques. La République n’a pas encore pipé mot jusqu’à ce que la population a usé de sa témérité pour installer des barrages sur la route principale.

Il faut donc une volonté politique forte pour que ces quartiers ne soient plus considérés comme des nids de rebelles, de vivriers d’électeurs et des bras à armer pour toutes les basses oeuvres. Et les désarmer ensuite. Pour la galerie et pour les besoins d’un financement de la communauté internationale.

Il est possible d’agir. Toutefois et au préalable, l’État doit trouver la meilleure formule pour pacifier les quartiers précaires. Il en va de la sécurité de tous les Haïtiens.

Jean-Euphèle Milcé

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