Louis Almagro persiste et signe !

Dans une entrevue accordée à une consœur du Miami Herald, le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Louis Almagro, soutient que l’échec du projet démocratique haïtien relève de la responsabilité partagée de forces endogènes et extérieures. Une déclaration qui heurte de plein fouet les nombreux stéréotypes sur le « pays le plus pauvre du continent américain », comme s’il s’agissait d’un atavisme insurmontable.

La grande presse internationale et certains « experts » nationaux et étrangers adorent deviser sur la fatalité haïtienne. Haïti serait donc un territoire maudit et les Haïtiens une bande d’incapables qui ne peuvent s’entendre pour sortir du bourbier de la précarité. Si ces habituels clichés captent aisément une partie de la vérité ; celle des élites économiques et politiques qui ont pendant plus de deux siècles ruiné tout projet d’État-nation au bénéfice de leurs intérêts claniques, ils se sont toujours gardés de relever la responsabilité de factions puissantes de l’International dans la descente aux enfers de ce pays.

Une autre approche tout aussi manichéenne veut que ce soient les étrangers qui sont les uniques responsables de tous nos malheurs. C’est dans un tel contexte que le communiqué de l’Organisation régionale et le « mea culpa » de sa plus haute autorité politique et administrative font du sens. Dans la mesure où aucune structure locale ou internationale impliquée dans le marasme haïtien n’est épargnée aussi bien dans le communiqué que dans l’entrevue au Miami Herald. Beaucoup de confrères et d’anciens fonctionnaires courageux de l’OEA, comme Ricardo Seteinfus, ont bien relevé pour certains, le manque de crédibilité de l’Organisation, en raison de son lourd passé d’instrument passif de la politique américaine. D’autres y voient des regrets tardifs de la part d’une personnalité qui, à leurs yeux, est un grand machinateur de nos troubles.

J’ai bien envie, pour une fois, sans contester les remarques judicieuses de nos confrères de voir le verre à moitié rempli. En saluant, pourquoi pas, le courage de ce diplomate qui cherche à rétablir une vérité historique ! En affirmant impetto, que beaucoup ici et ailleurs ont tout fait pour que ce coin de terre devienne un « shit hole ». Et la puissance de l’aveu vient du fait qu’il n’est pas de quelqu’un que l’on peut suspecter de gauchisme. Quoi de plus authentique qu’une telle déclaration de la part d’un authentique acteur des questions régionales, homme de dossiers et de couloir de la politique dans le sous-continent.

La notion de responsabilité doit être inscrite dans ce monde mondialisé. Les relations internationales ne vont pas dans un seul sens. Ce pays a connu à sa naissance aux forceps un « cordon sanitaire » mis en place pour l’empêcher d’exporter sa révolution. Des complots multiples pour le contrôle de ses douanes, des guerres civiles encouragées contre des promesses de territoire par des généraux traineurs de sabre. Dans les années 90, un embargo au nom de la démocratie, mais qui a fonctionné comme un panier percé permettait aux militaires au pouvoir de s’approvisionner via la frontière, pendant que la majorité du peuple était frappée de plein fouet par les sanctions.

Il est donc venu le temps de dire clairement les yeux dans les yeux sans recherche de culpabilité outrancière, ce qui fut réellement à l’origine du mal dont souffre ce pays. Certains l’ont fait à Washington et ailleurs, c’est de bonne guerre. Maintenant c’est aux Haïtiens d’assumer leurs responsabilités en ces terribles moments que nous vivons.

C’est se faire des illusions que de penser que nous pourrions nous en sortir seuls. Et que l’étranger n’a rien à faire dans nos affaires. Ce serait passé de la dépendance absolue et absurde à un concept de souveraineté étriqué et chimérique, surtout quand nous n’avons pas toujours les moyens de notre politique. Cependant, cette fois, il faudra définir ce que nous voulons pour notre patrie, loin des visions groupusculaires et orgueilleuses qui ne font que nous épuiser tous.

Roody Edmé

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