Musée de la Diaspora haïtienne : exposer l’avenir des proches et descendants des anciens dirigeants d’Haïti ?

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Diriger c’est prévoir. Cette pensée composée de trois mots, est souvent malheureusement conjuguée au premier degré et au  temps présent par le plus grand nombre des acteurs, qui se partagent leurs statuts de dirigeants, de dirigeants, en dehors des critiques et des observateurs. Comment l’organisation d’une exposition sur l’avenir des proches et le devenir des descendants des anciens dirigeants haïtiens pourrait-elle influencer certains choix politiques et économiques dans ce monde réduit  de plus en plus à un village ?  

Dans la perspective de commémorer les 220 ans de l’indépendance d’Haïti, et face au renforcement des différentes communautés haïtiennes éparpillées dans le monde et les liens avec les différentes éditions du Salon haïtien de la Généalogie, il faudra porter un regard sur les traces des descendants et héritiers des hommes et des femmes qui ont dirigé Haïti. À travers la pertinence de la qualité du contenu du  dernier ouvrage de Marie Lucie Vendryes, qui porte le titre de : « Marie-Louise, Veuve Henry Christophe », des matériaux sont fournis pour initier une démarche scientifique, historique et littéraire, parmi d’autres options, autour de la généalogie des anciens dirigeants haïtiens, dont les épouses, les enfants et petits-enfants sont éparpillés aux quatre coins du monde.    

Dans quel sens, l’organisation d’une exposition nationale, et itinérante abordant la thématique de la problématique de l’avenir et du devenir des proches et des descendants des dirigeants haïtiens pourrait-elle contribuer dans l’éducation familiale, dans la formation sociale et politique des élites haïtiennes ? Quelles sont les dimensions qu’une telle proposition d’exposition devrait pouvoir mettre en avant ?

Dans toute l’histoire d’Haïti, les manuels et les journaux contemporains rapportent qu’un grand nombre des anciens dirigeants haïtiens sont partis à l’étranger, à la fin de leur mandat bouclé ou interrompu de force. Parmi les nombreux dirigeants qui se sont succédé après l’assassinat de l’empereur Jean-Jacques Dessalines, en 1806, pour arriver en 2006, avec l’ancien premier ministre Gerard Latortue, ces derniers sont partis de gré, de force et par la petite porte pour s’établir à l’étranger.

Dans le cadre de la promotion des chantiers de la mémoire et de l’histoire de la migration haïtienne tournée vers de nombreuses destinations établies aux quatre coins du monde, l’organisation d’une exposition sur la vie ou le devenir des proches et des héritiers, des enfants et des descendants des anciens dirigeants d’Haïti pourraient bien offrir des pistes d’observation, de réflexion et d’éducation pour les générations présentes et futures.

Durant la fin de la première semaine et du deuxième mois de l’année 2027, les enfants et les survivants proches de l’ancien président assassin Jovenel Moise, notamment l’ancienne première dame Martien Moise, devront certainement commémorer les souvenirs qui accompagnent la date du 7 février 2017. Que garderont-ils en héritage en dehors du capital social et politique ? Que restera-t-il en dehors des coutumes, de la cravate et des chaussures du défunt et sans oublier la célèbre robe de madame ?

Durant l’année 2024, la famille et certains de l’ancien lieutenant général Raoul Cédras, et certainement ses enfants et petits enfants vont commémorer une nouvelle décennie d’exil loin d’Haïti, en dehors de celles et ceux qui continuent de séjourner en Haïti, depuis leur départ. (1994, 2004, 2014, 2024). Comment vivent-ils loin de leurs lieux et activités en Haïti ? Quels sont les souvenirs et les sentiments que les enfants et petits-enfants garderont de la terre de leurs grands-parents ?  Comment la constitution des archives et de la documentation relatives à l’exil des proches de ces personnages politiques pourrait-elle influencer le comportement des générations actuelles ?

Dans le cas de l’ancien président à vie Jean-Claude Duvalier, les récits rapportés par la presse locale et internationale confirment les sombres moments dans la vie de ce dernier, après quelques années de gloire, de pouvoir et de luxe. Entre le divorce, les déplacements, la capitalisation, la délocalisation pour cause de dette, c’est la terre natale qui allait l’heureux fils du Dr François Duvalier, le 16 janvier 2011, avant de mourir le 4 octobre 2014, trois ans après. Que deviennent ces héritiers et comment vivent-ils ces descendants ?

Dans cette grande exposition historique qui devra obligatoirement reconstituer l’arbre généalogique des familles des anciens Chefs d’État haïtiens, il sera possible de tourner les projecteurs sur l’avenir et le devenir des enfants et des petits enfants de ces derniers. Si les recherches ne permettent pas de confirmer avec authenticité les descendants du premier des Haïtiens, cela n’empêche pas de rassembler au moins les pièces de ce grand puzzle des familles et descendants des anciens dirigeants haïtiens éparpillés aux quatre coins du monde, dans la diaspora.

De façon légitime, un grand nombre d’entre eux voudront certainement continuer à vivre paisiblement dans le silence et l’oubli les fruits et les produits recueillis dans le testament de leurs parents qui a servi la République. Toutefois, le devoir de mémoire nous obligera inévitablement à les replacer sur la trajectoire de l’histoire. Tel est le prix à payer en étant né dans une famille qui a marqué l’histoire, l’évolution et la destinée de toute une nation, et les relations internationales.    

Dumarsais Estimé, le plus célèbre et valorisé des anciens chefs d’État haïtien, qui en peu de temps, entre le 16 août 1946 et le 10 mai 1950 a marqué son temps. Et pourtant, on retiendra pratiquement deux grands drames associés à ses proches et descendants. Que deviennent les enfants et petits enfants de cet ancien avocat et enseignant devenu président de la République, parmi lesquels on retient les prénoms suivants: Jean-Robert, Philippe, Marie-Florence, Regine, Paul, Raymond, Lionel entre autres.

Dans ces anciennes ou nouvelles résidences établies hors des frontières d’Haïti, ces derniers vont certainement laisser des épouses, des compagnes, des enfants et d’autres proches qui vont continuer leur trajectoire, et parfois sans jamais pouvoir revenir en Haïti. Comment répertorier ces familles, ces parents, ces enfants et descendants de nos dirigeants à la fois aimés et détestés ? Comment vivent-ils ces derniers, dans le luxe, dans la pauvreté, dans le maquis, dans l’indignation, dans l’humiliation, dans le silence, le secret, l’espoir de revivre ou revoir le paysage de la terre natale ?  

Dans la matérialisation des chantiers du prochain musée de la Diaspora haïtienne, plusieurs professionnels et des passionnés de la recherche et de l’histoire sont déjà à pied d’œuvre pour tenter de collecter les moindres informations, pouvant aider à constituer l’arbre généalogique des différents dirigeants haïtiens qui se sont succédé. Ces derniers seront certainement fiers de voir que leurs enfants et petits enfants ne sont pas jetés dans la souffrance de l’exil, l’indifférence politique  et l’oubli historique. A travers cette future exposition, ils/elles pourraient bien profiter pour s’offrir une nouvelle chance pour réparer certaines erreurs et redresser certainement la barque.

 

Dominique Domerçant

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