Quelle Manbo viendra sauver Haïti ?

Danse latine et caribéenne, particulièrement d’origine cubaine, qui présente un mélange des rythmes de la rumba et du swing, la mambo qui nous concerne surtout dans la présente publication fait référence à la plus haute fonction féminine ou l’équivalent du « Ougan », membre  influente et polyvalente dans l’organisation du  temple  Vodou ou dans le Lakou. De quelle Manbo viendra le secours d’Haïti, en ces temps sombres et funestes ?

Dans toute l’histoire, la contribution des « Manbo » a été souvent décisive, et ce ne sont pas les Ougan les plus puissants ni les dirigeants les plus influents, qui diront le contraire. Les « Manbo » occupent dans l’organisation de la communauté Vodou,  pratiquement toutes les fonctions dans l’organisation mystique, domestique, administrative, économique, esthétique, artistique, culturelle, sécuritaire, politique, diplomatique. Elles vont jusqu’à séduire les adversaires, les manipuler et parfois même active dans la préparation des potions magiques et l’empoisonnement des ennemies, en dehors des activités d’infiltration.

Devant toutes ces contributions oubliées et piétinées dans la mémoire collective, il est venu le moment d’encourager la création d’un monument pour honorer la mémoire et le courage de toutes ces femmes mystiques dont les contributions ont été plus que déterminantes dans l’histoire d’Haïti. De quel régime politique en Haïti, de quelle élite économique et de quelle institution culturelle et financière viendra les ressources pour la création d’un monument qui sera dédié à Cecile Fatima, Grann Giton, Victoria Montou (Tante Toya), Dédée Bazile, et toutes les autres femmes marronnes et mystiques ?

Dans l’attente de la construction de ce monument, on retiendra que la « Manbo » est décrite comme une prêtresse dans la culture et la religion Vodou en Haïti, qui assume sans aucune discrimination les mêmes fonctions que le « Ougan », et plus encore. Elles participent pratiquement dans l’ensemble des activités du temple, avant, pendant et après les cérémonies festives, religieuses, mystiques et les guerres. Les « Manbo » savent autant tracer les Vèvê, que tomber en transe et transmettre les messages des lwa. Elles vont au marché, elles dansent et chantent, et parfois manipulent certains instruments de musique comme le tambour entre autres, en dehors de leur participation active dans les sociétés secrètes, la préparation des potions, les expéditions et les défilés nocturnes. Elles se retrouvent souvent entre les deux extrêmes, lors des prises de décisions et les sanctions, pour pardonner et/ou pour punir les fautifs.

D’autres rôles majeurs et des responsabilités importantes sont retenus dans les activités des mambos au sein de la communauté Vodou en Haïti et dans la diaspora. Certaines assurent le rôle de femmes au foyer, de mères de familles, de commerçantes, tout en poursuivant leurs activités mystiques. D’autres qui assument toutes ces responsabilités et plus encore,  se présentent comme des femmes universitaires et assez bien formées. Elles sont des entrepreneurs et des professionnelles accomplies. Elles participent dans plusieurs activités et sont de plus en plus actives sur les médias sociaux.

Depuis quelques années, on assiste à une nouvelle génération de Manbo dans le Vodou haïtien. En dehors de certaines d’entre-elles qui sont beaucoup plus cosmétiques, esthétiques ou folkloriques, la nouvelle génération de ces femmes mystiques est répartie dans plusieurs catégories sociales. Ces femmes participent dans toutes les activités professionnelles, économiques et sociales. On les retrouve aussi bien dans les banques, dans les hôpitaux, dans l’administration publique et privée, dans les milieux artistiques, culturels et intellectuels et certainement dans la diplomatie et dans la politique.

Dans quel sens ces belles « Manbo » affirmées et célèbres, ou celles qui continuent de cacher leur pouvoir et  leurs relations intimes avec les Lwa, le Vodou,les Lakou et les ancêtres se diffèrent-elles des anciennes générations de femmes mobilisées au service d’Ogou, de Legba, de Bawon et d’Agwe ? Dans quel sens la génération haïtienne actuelle devrait-elle compter sur le soutien des « Manbo » pour sortir le pays dans ce carrefour historique ? Quels sont les possibles influences et impacts des « Manbo », sur la majorité des dirigeants haïtiens, des membres influents de la communauté internationale et sur les principaux chefs des groupes armés qui sèment la terreur dans le pays, qui sont tous des hommes ?  

Durant les trois principales dates historiques majeures durant la révolution haïtiennes, entre la cérémonie de Bois-Caiman (1791), jusqu’à l’aboutissement de la guerre de l’Indépendance (1803), lors de la proclamation de l’indépendance (1804), deux siècles plus tard et jusqu’à nos jours, elles sont nombreuses ces femmes qui prédisent l’avenir, qui protègent ou propulsent la majorité des hommes politiques et militaires, des figurent économiques et sécuritaires qui dirigent, décident, et divisent de nos jours le territoire national. 

Dans le carrefour difficile dans lequel évolue le pays, sous l’emprise de l’insécurité, des violences de toutes sortes qui déshumanisent les familles, les jeunes, les enfants et les couches les plus vulnérables, ce ne sont certainement pas les séances de prière, les marches et d’autres défilés portés par les autres cultes, en majorité dominée par des femmes qui vont influencer les intentions et les décisions des hommes armés qui tuent et terrorisent la population. Si dans la majorité des cas, les hommes figurent dans la liste des victimes en cascade, on retiendra qu’une grande majorité de jeunes femmes sont souvent admises dans les cercles fermés qui dirigent et divisent nos villes.

Des jeunes femmes mystiquement engagées, en particulier des « Manbo », qui disposent encore des gènes de Cecile Fatima, de Marie Jeanne, et de Grann Giton seraient capables de pénétrer ces hauts lieux pour défendre l’avenir des générations actuelles et futures. Elles seules,  disposent à la fois, des qualités naturelles, sensuelles et surnaturelles pour sensibiliser, séduire, sécuriser, socialiser, sanctionner ou pour stopper cette machine de la peur et de l’horreur, qui continue de conduire des familles au cimetière. 

De quel Lakou Vodou viendra la plus courageuse des Manbo haïtiennes ? Face à l’incapacité des hommes pour protéger les familles haïtiennes et pour projeter un minimum de bien-être dans le ciel des enfants et orphelins haïtiens, laquelle de ces courageuses mères de famille, « Manman zanfan », « Potomitan » ou  « Manbo » sera en mesure d’assumer cette nouvelle et ultime mission pour sauver la nation, et garantir l’avenir des 21 nanchon ? Quelle sera la femme martyr et mystique haïtienne qui va changer le cours de l’histoire d’Haïti dans les jours, mois et années à venir ?

 

Dominique Domerçant  

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