Sur les cas d’impunité eu égard aux violences sexuelles en Haïti à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles

Dans sa note communicative, l’organisation Combite pour la Paix et le Développement (CPD) relève des situations extraordinairement préoccupantes sur les cas de violences sexuelles en Haïti à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, a-t-on appris.

L’impunité des agressions sexuelles est un fléau qui met à nu le système judiciaire haïtien.

L’évaluation par l’organisation Combite pour la Paix et le Développement (CPD) des réponses judiciaires suite aux plaintes portées pour agressions sexuelles dans quatre juridictions du pays a démontré une inefficacité flagrante de la chaîne pénale et la perpétuation de l’impunité des crimes basés sur le genre en Haïti. Sur 1375 plaintes enregistrées, seulement 353, soit 255 ont subi un traitement dans la chaîne pénale et 31 dossiers seulement, ont terminé leur parcours par un jugement aux premières instances, soit un pourcentage de 2.25% des plaintes totales. Il appert que le système judiciaire haïtien fait preuve de laxisme et de manque d’intérêt flagrant face aux crimes basés sur le genre et se présente comme une barrière pour la lutte contre les violences sexuelles en Haïti. Les acteurs judiciaires, la société civile ainsi que la coopération internationale doivent évaluer et repenser leurs stratégies pour que cesse l’impunité en faveur des agresseurs sexuels et que les violences liées aux genres soient définitivement éradiquées dans notre société.  

Avec le concours de ses partenaires, dont avocats sans frontière Canada et l’Ambassade de France, CPD a conduit un processus de monitoring en vue de recueillir les données sur les suivis judiciaires autour des plaintes pour violences sexuelles dans les juridictions de Jérémie, Croix des bouquets, St Marc, Hinche et bientôt, le Cap haïtien. Nos enquêteurs ont travaillé pendant trois ans de 2020 à 2023 directement avec les institutions de la chaîne pénale tels que les cellules VBG dans les commissariats de la police nationale, les parquets, les bureaux des juges d’instruction, les centres pénitenciers afin de comptabiliser les plaintes reçues, les plaintes traitées, les plaintes ignorées, les plaintes abandonnées ou classées sans suite, le nombre d’ordonnances aux cabinets d’instruction, le nombre des cas jugés au tribunal de première instance et, enfin le nombre de personnes en détention pour violences sexuelles.  

Des acteurs judiciaires inactifs

Il en résulte qu’à Jérémie, sur 524 plaintes enregistrées, 142 ont fait objet de suivi judiciaire, et, seulement 2 dossiers ont abouti à un jugement. Dans la juridiction de St-Marc, 311 plaintes sont enregistrées pour 34 dossiers traités par la justice et 18 cas terminés au tribunal. À Hinche, 104 plaintes ont été répertoriées, 37 cas suivis au cabinet d’instruction et seulement 11 dossiers sont terminés par un jugement au tribunal. À Croix des bouquets, sur 436 plaintes, 140 ont fait objet de suivi judiciaire ; le nombre de dossiers terminés est inconnu.

Dans les 4 juridictions déjà observées, un total de 1375 plaintes est enregistré pour seulement 353 suivis et 31 cas de jugements. Il appert que la réponse judiciaire est faible pour ne pas dire insignifiante, alors que la principale recommandation de l’EPU 2022 en matière de violence sexuelle est de combattre l’impunité des violences faites aux femmes et aux filles. Ce qui, déjà, présume l’irrespect flagrant d’Haïti de son engagement à combattre les violences sexuelles.

 

Une culture d’impunité dégoutante au sein de la chaîne pénale

Il en ressort de notre observation que l’impunité et le dysfonctionnement du système judiciaire agissent sur la décision des victimes de violences sexuelles. L’immunité est un système planifié qui produit le déni de justice. Elle se manifeste par les stratégies dilatoires, le népotisme et la corruption. Le dysfonctionnement du système judiciaire se manifeste par la non-productivité des acteurs et la négligence des cas de violences sexuelles. Ces négligences tiennent leur source dans la mentalité patriarcale qui ne condamne pas les violences faites aux femmes.

Pourtant, la répression des actes délictueux et criminels est un bon moyen de dissuasion. Les réponses judiciaires face aux nombreux cas de viols et agressions sexuelles dans les juridictions observées sont insuffisantes et inefficaces. Cette insuffisance du système judiciaire témoigne d’une vraie culture d’impunité au détriment de la justice.  

§  Par conséquent, à l’occasion des seize jours d’activisme autour des violences faites aux femmes et aux filles, CPD invite l’État haïtien à tout mettre en œuvre les recommandations reçues et acceptées lors de l’EPU 2022, notamment en matière de violences sexuelles.

§  Nous préconisons aux acteurs judiciaires d’être plus professionnels et proactifs dans le traitement des dossiers de plaintes pour violences sexuelles en bannissant les tabous et croyances discriminatoires envers les femmes. Nous les invitions également à travailler en synergie avec la société civile en instituant des réseaux et groupes de travail sur les violences sexuelles

§  Nous encourageons les Parquets de la République et les Doyens des TPI à nommer des substituts et des juges d’instruction sensibilisés et spécialisés aux cas de violence basée sur le genre (VBG) comme responsables des suivis.

§  Nous encourageons également les différents acteurs de la société civile d’organiser conjointement avec les commissariats de police des séances de formation sur l’accueil, l’appui psychosocial et la protection des victimes de GBV au profit des agents de police affectés aux unités VBG; de promouvoir un plaidoyer au ministère de la Justice et au conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) pour enquêter sur les cas allégations des faits de corruption des magistrats et des parquetiers.

 

Godson Lubrun

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