Ayibobo Mika !

Désormais c'est à l’autel de l'Eglise Saint-Pierre de Pétion-Ville  que Michael Benjamin, ce matin du 15 novembre 2022, un mois plus tard après le grand voyage, vient de jouir d’une nouvelle célébration, d’une dernière célébration, d’une ultime consécration éternelle.

Durant tout ce mois passé, depuis la traversée vers la Lumière, Mika est devenu pour plus d’un une légende, un symbole, un socle pour accueillir  la mort sans remords.  Comme un dernier recours, pratiquement sans détour,  tes parents, ta famille et tes amours, tes amis et d’autres proches, en dehors de tes fans dans le monde, un peu partout vont continuer à admirer ton visage, d’autres chercheront à se consoler avec ou sans les larmes aux yeux sur tes plus belles images, qui, au fil du temps, se transformeront en un mirage.

Dans ce mariage entre Michael Benjamin avec l'éternité, célèbre à l’Église Saint-Pierre de Pétion-Ville, ils étaient nombreux le beau monde qui a fait le déplacement pour saluer  la mémoire de l’homme et célébrer le génie de l’artiste. Cette cérémonie religieuse a été accompagnée des chants qui ne viennent pas de l'artiste qui se repose depuis. Mais qui portent autant de messages d’amour et de paix, comme «Entre les étoiles, Kyrie» «Méditation, Acclamation, Prière universelle/Seigneur, fais de nous, Présentation des dons/Je viens vers toi", Sanctus, Anamnèse, Agnus Dei, dans la fraction du Pain et d’autres classiques célèbres des catholiques comme: «Tiens ma lampe allumée, Chercher avec toi, Marie, parmi les chants de louange, Si la mer se déchaine et “Ta Lumière».  

Dieu seul sait pourquoi Mika est si vite lors de cette chute. Libre est son génie désormais. Mikaben dans la Lumière pourra choisir sa route et ses nouvelles voies de création, d’animation et de communication pour faire entendre sa voix.    

Diablement drôle cette vie. Même dans la mort, il existe des personnes qui ne choisissent pas de passer par la petite porte. Autant nous rappeler que la vie comme la mort sont des passages obligés.

Des pourquoi sur l’exception Mika, sur l’existence de Michael Benjamin, on n’en finira pas de chercher des réponses pour célébrer cette vie et ce vide désormais tout autour.  Pourquoi Mika, en chantant l’amour, Haïti et Ayibobo arrive-t-il à toucher autant de cœurs et provoquer autant d’admirations ? Faut-il renier ses origines ancestrales et rejeter sa culture authentique comme le Vodou pour devenir plus célèbre en Haïti ? Comment le Vodou a-t-il influencé la profondeur de la musique de Michael Benjamin ? Peut-on admirer Mikaben et détester Haïti ou le Vodou, qui sont pratiquement l’enveloppe et le contenu ?  

Des ailes t’ont certainement été livrées pendant les premières étapes de ce long voyage. Comme tu les avais tant chantées et sollicitées dans l’une de tes plus belles mélodies, qui portent  toute la chance que tu avais d'être un Haïtien. Toute la semence de cette chanson depuis, a été dispersée dans l’air, l'atmosphère et les frontières qui rassemblent le plus grand nombre des Haïtiens, qui tardent à mettre en pratique les leçons de ta vie, et les souhaits formulés dans la chanson «Si’m te gen zèl» !

D'une simple chanson qui inspire à la fois l’amour et la paix, certainement cette paix qui manque terriblement dans le monde actuel, et l’espace physique d'Haïti, on retiendra un riche vocabulaire exprimant la solidarité et l’empathie. Malere, pou le zòm kapab sispann  goumen, rebwazman, pou sous rekoumanse koule, malad ka jwenn la gerizon, sak nan lesklavaj ka jwenn liberté, fè tout zam tounen jwèt. Chante pou chase mechanste…

Désormais, Noel n’aura plus le même goût dans la grande famille des Benjamin. Debout, le père continue de résister. Visiblement, il est affecté. Tout en étant honoré d’avoir été rattrapé et dépassé par son fils, pour aujourd’hui s’accrocher au petit-fils, qui nous fait sourire encore avec le récit du «Thin».

Debout, les deux «Lion» vont continuer à assurer la garde de la cour. Avec une obligation d’offrir encore plus d’amour, à la veuve et aux orphelins qui vont grandir, sans retrouver la chaleur et le sourire de leurs pairs.

Dans la chanson titrée: «Ayibobo», interprétée par Mikaben et Paul Beaubrun, le polyglotte et prolifique chanteur n’est pas passé par quatre chemins, pour justifier son amour profond pour : “Ayiti, mon pays, ma patrie…. ! »

Devenant ainsi le porte-parole des ancêtres. «Tout sam di yo soti nan zatray. Tout lwa yo, Espri yo,  Ginen yo, tout voyem vini pale pou yo».  

Dans ce refrain de quatre syllabes, qui porte les quatre dimensions de l’Être haïtien, Mika a ainsi prêté sa voix, pour faire passer le message dont tous les Haïtiens devraient se souvenir. «Lem di Ayibobo, sa vle di benediksyon, tet ansanm….».

Dire que vous aimez Mikaben  c’est bien. Ne pas respecter le pays qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, c’est faire preuve d'incohérence. Car Mika, au-delà de toute sa reconnaissance et ses fréquentations exotiques, est resté jusqu'à la dernière minute de sa vie un authentique fils de cette terre, de révolution, de création, d’inspiration.  

Dans le Vodou, on utilise beaucoup plus le terme : «Janbe ou Travèse», pour saluer le départ vers de nouveaux horizons d’un  enfant de la terre, qui va certainement séjourner pendant un temps dans la mer.  Avec l’espoir que les ailes de Mika, reçues à travers ces nombreuses cérémonies d’hommage d’ici et d’ailleurs, entre les frontières, vont lui permettre de survoler de temps en temps,  les frontières terrestres et maritimes d’Haïti, pendant ce long voyage pour retrouver ses ancêtres et d’autres sambas, qui, comme lui, continuent de nous chanter la culture nationale aux quatre saisons, Ayibobo !

 

Dominique Domerçant

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