Éduquer: pour quoi faire? Sixième partie : Apprendre la méditation à l’école

« N’est-il pas paradoxal que les jeunes reçoivent une éducation souvent très poussée dans tous les domaines, sauf dans celui qui détient précisément la clef de l’entière signification de la vie, et peut-être même de notre survie ? »

Sogyal Rinpoché

Une  histoire allégorique

Un pauvre homme mendie depuis une trentaine d’années, dans une rue sombre, assis sur une grande caisse métallique. Un étranger passe un jour dans le quartier. Le malheureux lui  réclame alors quelques pièces de monnaie. L’étranger le regarde alors droit dans les yeux et lui demande :

« Que faites-vous là »

-Comme vous le voyez,  je demande l’aumône pour subsister, parce que je n’arrive pas à trouver du travail, répond le pauvre homme.

«  Je n’ai rien présentement »,  déclare le nouveau venu. « Mais…sur quoi êtes-vous assis » ?

-Juste  une vieille caisse, rétorque l’autre. Je n’ai pas d’autre siège.

-L’avez-vous jamais ouverte pour savoir ce qu’il y a à l’intérieur ?

« Nullement. Cela servirait à quoi ? »  répond le mendiant, à la fois déçu et décontenancé.

L’étranger part. Toutefois, très interloqué, le pauvre hère force le coffre. À sa grande et agréable surprise, il est rempli d’or…..

 Cette histoire est racontée  dans l’un de ses ouvrages par le grand enseignant spirituel Eckhart Tolle (réf). Elle rappelle celle de cet homme ivre qui avait perdu les clés de sa maison dans une rue sombre, mais qui persistait néanmoins à mener sa quête dans une autre bien éclairée, parce que la visibilité y était meilleure. Le présent  article  ne vise certes  pas à vous faire trouver de l’or, ou des dollars, ou du pouvoir, mais à vous  encourager et à encourager  nos enfants à regarder  dans le coffre de leur  esprit pour y trouver le bien-être, au lieu de le chercher uniquement  au-dehors.

 

Qu’est-ce que la méditation ?

Très peu de gens savent ce qu’est vraiment la méditation. Pour le commun des mortels, méditer c’est réfléchir à un sujet donné, c’est  penser, analyser profondément en utilisant l’intellect.  Rien n’est plus faux, bien qu’il existe des formes de méditation axées sur un sujet donné.  Méditer,  c’est plutôt mettre en veilleuse le mental et tout ce qui l’accompagne, à savoir les pensées, les émotions, les sentiments. C’est plutôt la simple conscience de soi, de son corps, de sa respiration,  de son esprit, en tant qu’être vivant. Juste rester dans le moment présent. La conscience d’être ici et maintenant. C’est rentrer en soi, regarder dans le coffre de son esprit. Il s’agit d’observer le penseur. La conscience n’est pas en effet le mental : elle se situe au-delà, dans une autre dimension. Elle est l’observatrice, l’écran, le champ qui nous connecte tous.  L’on parle souvent de « méditation de la pleine conscience » (mindfullness en anglais), forme qui a été isolée et popularisée en occident. Il faut y consacrer régulièrement, surtout au début, une dizaine à une trentaine de minutes par jour, dans  le silence, le calme et l’immobilité. Avec le temps et la pratique, on arrive à  méditer, dans le bruit, en mangeant, marchant, parlant, conduisant, bref en menant ses activités coutumières, à vivre en méditant, comme le recommande d’ailleurs  le maitre zen vietnamien Thich Nhat Hanh. (réf) Il s’agit, en résumé, de créer dans sa journée, des plages de plus en plus étendues de conscience dans nos actions, nos pensées, nos émotions, lesquelles sont à 95% automatiques, inconscientes.

 

D’où vient la  pratique de la méditation ?

Selon Matthieu Ricard, écrivain, docteur en biologie moléculaire, converti en moine bouddhiste et devenu interprète du Dalaï-Lama, le terme « méditation » serait la traduction de deux mots sanskrits et tibétains : « bhavana » qui signifie « cultiver » et « gom » : « se familiariser ». Méditer ce serait «  se familiariser avec », ou mieux, cultiver une vision juste et claire des choses, ainsi que des qualités humaines que nous possédons tous, mais qui demeurent latentes .(réf)) La  méditation nous vient donc de l’Orient, ou plus précisément du bouddhisme tibétain. En effet, selon la philosophie bouddhique, nos émotions, sentiments, pensées agissent comme un voile qui obscurcit, voire déforme la  réalité, ce qui entraine la souffrance. Ainsi, notre existence est vécue comme un songe, un mirage : le « samsara ». La pratique assidue de la méditation, associée à une bonne compréhension de la vie,  nous permet de sortir de cette forme d’hypnose, de devenir un « bouddha », c’est-à-dire un « être éveillé » apte à aider  les autres à le devenir.  Carl Gustave Jung  ne disait-il pas : « celui qui regarde à l’extérieur, rêve ; celui qui regarde à l’intérieur, s’éveille » ? Méditation et compassion constitueraient le sésame du bien-être et de la sagesse selon le bouddhisme.. L’Occident, essentiellement matérialiste, a toujours cherché le bonheur exclusivement au-dehors, c’est-à-dire dans les événements et conditions de vie extérieurs. Il en est résulté un grand essor de la science et de la technologie modernes. L’Orient, en gros plus spiritualiste, s’est davantage focalisé sur  l’esprit, mais aussi sur le mental qui interprète à la fois la réalité extérieure et intérieure, la traduisant en bien-être ou mal-être. D’où sa bonne longueur d’avance dans le domaine de la psyché. L’émigration en 1959, aux États-Unis, du quatorzième Dalaï-lama après l’occupation  du Tibet par la Chine communiste, a facilité la rencontre des deux mondes. Si le progrès technique a permis à l’Occident d’améliorer son environnement matériel, d’éradiquer les maladies infectieuses, d’exécuter un bond prodigieux dans le transport, l’habitat et la communication, il n’a pas apporté le bien-être espéré. Bien au contraire, le stress, l’anxiété, la malbouffe firent leur apparition, engendrant les maladies chroniques d’ordre physique (problèmes cardiovasculaires, cancer, diabète..) mais aussi mentales (dépression, névroses et psychoses). Et, par-dessus tout : le mal existentiel.  On a tout pour être heureux ; mais on ne l’est pas. Et l’on va mourir. « Pa gen wout pa bwa ». Certains occidentaux se sont alors  rendus en Inde, au Tibet, au Népal ou ailleurs, pour découvrir et rencontrer  ces moines, ces yogis, ces méditants, ces « prodiges de l’esprit » qui, en dépit de leur pauvreté, respiraient la joie et le bonheur. Par la suite, de grands psychologues et spécialistes des neurosciences  et de la neurobiologie tels, Francisco Varela, Adam Engle, Paul Ekman, Jon Kabat-Zinn, Richard Davidson, Daniel Goleman, Wolf Singer  ont étudié le cerveau de ces  « athlètes de l’esprit » en pleine séance de méditation. (réf) Des cliniques de réduction du stress se sont alors multipliées aux États-Unis, puis  au Canada et en France avec le psychiâtre Christophe André (réf). En 1989, a été fondé  le « Mind and life Institute » qui favorisait le dialogue entre  scientifiques occidentaux d’un côté et  religieux ou spiritualistes de l’autre.(réf) Grâce à ces échanges et ces recherches qui se poursuivent encore aujourd’hui, la psychologie occidentale  a pu réaliser un bond  prodigieux. Si auparavant, elle se faisait essentiellement à la deuxième personne, elle se réalise aujourd’hui aux trois personnes. Précisons ces trois termes. Faire de la psychologie à la première personne c’est s’examiner soi-même : par l’introspection. Le faire à la deuxième demande le concours d’un spécialiste formé dans le domaine (psychologue, psychiatre..). C’est la relation thérapeute/patient. Le faire à la troisième personne, c’est utiliser l’approche objective en étudiant un sujet, en mesurant par  l’électroencéphalogramme (tracé électrique du cerveau), en  localisant les zones actives et dosant les neurotransmetteurs c’est-à-dire les substances chimiques produites par le cerveau durant l’expérimentation. Les phénomènes paranormaux autrefois niés par la science officielle  comme la télépathie, la vision à distance, la précognition, la sortie hors du corps, sans oublier les fameuses « Expériences de Mort Imminente »  ou EMI (en anglais, Near Death Experience ou NDE) ont pu ainsi être analysés  scientifiquement  et continuent encore de l’être.(réf)

 

Quels sont les bienfaits de la méditation ?

Les effets positifs de la méditation ont été répertoriés dans plusieurs secteurs de la vie humaine : intellectuels, psychologiques, physiologiques et spirituels. Étant de prime abord un exercice de l’attention,  la méditation augmente la concentration, la clarté d’esprit, l’intelligence pratique, l’objectivité, du fait qu’elle crée l’habitude de prendre de la distance par rapport aux phénomènes intérieurs et extérieurs. De par ce fait, elle facilite  le calme, la maitrise de soi, l’empathie et constitue un outil préventif de la violence, surtout quand elle est initiée précocement (fin du préscolaire et fondamental) et associée à la réflexion philosophique comme le font de plus en plus, certaines institutions d’enseignement à travers le monde. (réf) Ces changements démontrent l’influence du mental « bien dirigé » sur le cerveau par le biais de la neuroplasticité laquelle est l’aptitude des neurones de créer entre eux  de nouvelles connexions et de modifier les structures anatomiques cérébrales.(réf) De plus en plus d’études montrent par ailleurs une augmentation de l’immunité et même de la longévité  chez les personnes souffrant de cancer.

En cette période terrible de pénurie, de violence et de désarroi, la méditation peut aider considérablement nos jeunes écoliers à surmonter le stress, le traumatisme psychologique et à  faire le deuil de leurs proches  souvent assassinés en leur présence. Néanmoins, elle ne saurait nullement remplacer le devoir primordial des dirigeants étatiques d’assurer la sécurité extérieure  des citoyens. Puisse cet article allumer dans le cœur de ces responsables, l’étincelle de la compassion, éteinte par l’appétit du pouvoir et de ses privilèges….

À suivre

 Erold JOSEPH,

Docteur en médecine, pneumologue, expert en santé publique, promotion de la santé, et de l’interrelation santé/éducation

Courriels : eroldjoseph2002@yahoo.fr  et eroldjoseph2002@gmail.com  

NB : Une  liste des références bibliographiques sera disponible à la fin de la série

NB 2: Cet article a été écrit en pleine méditation.

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