Le Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ), otage des conseillers, est-il un grain de sable enrhumant la machine de la justice?

Introduction. La justice malade a besoin d’être guérie. L’examen des experts a conclu à l’impérieuse nécessité de la réforme des normes existantes ainsi qu’à la création d’un organe censé autonome, dirigé majoritairement par des juges pour administrer la justice et ainsi garantir l’indépendance tant souhaitée de la magistrature. Après de nombreuses années d’atermoiements et de tergiversations, le pays allait se doter de trois instruments capables d’endiguer l’image sans cesse avilie de la dame aux yeux bandés : loi sur le statut des magistrats, loi sur l’école de la magistrature et loi créant le conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Cette dernière loi adoptée le 13 novembre 2007, a été  promulguée le 17 décembre 2007 par le Président René Préval. Il a fallu attendre le 3 juillet 2012 pour voir le Président Michel Martelly donner investiture aux membres du conseil supérieur du pouvoir judiciaire. L’installation de l’organe de gouvernance de l’appareil judiciaire a laissé entrevoir les premiers rayons d’un soleil salvateur pour une justice mieux administrée, plus comprise et plus efficace. Le désenchantement ne se fait pas attendre au constat que la mise en œuvre de la loi, contre son gré, a créé dans la magistrature une seigneurie au-dessus des lois. La grogne couvée est sans cesse étouffée jusqu’à la date du 16 janvier 2023. Ainsi des magistrats remerciés, arc-boutés derrière les droits de l’homme censés promus et protégés par l’État, demandent la révision de leur dossier de certification. D’autres en arrivent à contester même le processus pour n’avoir pas été mis au parfum de l’enquête les concernant. Une vraie gageure et une improbable bavure institutionnelle. Depuis, des acteurs d’horizons divers embrassent la question et cherchent sans relâche une sortie par le haut pour l’organe de gouvernance du pouvoir judiciaire. Du Protecteur des citoyens à l’Expert des Nations Unies pour les droits humains en Haïti, tous cherchent à remettre les choses au clair dans la perspective du respect des droits de la personne humaine. Entre-temps, le CSPJ renvoie dans les cordes les magistrats contestataires qui demandent l’application du mémorandum du 20 novembre 2014. Le CSPJ devient-il l’otage de l’actuelle judicature ? L’entêtement manichéen des seigneurs de la justice n’obère-t-il pas l’organe de gouvernance ? A la lumière des certains principes de droit, de l’analyse du mémorandum du 20 novembre 2014 et de celui du 1er Juin 2023, nous nous efforcerons de comprendre ce jeu à somme nulle de contestations/revendications et de suffisance/autosatisfaction.

 

Développement.-

I.- Rappel de la mission du CSPJ

La constitution amendée est surtout connue pour être la mère de l’organe de gouvernance du pouvoir judiciaire dont elle a fixé la mission. En effet, c’est l’article 184.2 de la Constitution de 1987 amendée qui dispose de la création d’un organe d’administration et de contrôle de la justice : « L’administration et le contrôle du Pouvoir judiciaire sont confiés à un Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire qui exerce sur les magistrats un droit de surveillance et de discipline, et qui dispose d’un pouvoir général d’information et de recommandation sur l’état de la Magistrature »[1]. En clair, le CSPJ est un organe d’administration, de contrôle, de discipline, de délibération et d’information générale sur la magistrature et les magistrats.

La mise en œuvre de ces dispositions nécessitait une loi d’application heureusement préexistante. C’est la loi du 13 novembre 2007 qui déclare, en son article premier, que : « Le conseil supérieur du pouvoir judiciaire est l’organe d’administration, de contrôle, de discipline et de délibération de ce pouvoir. Il formule un avis concernant la nomination des magistrats de siège et met à jour le tableau de cheminement annuel de tout magistrat. Il dispose d’un pouvoir général d’information et de recommandation sur l’état de la magistrature »[2]. Complémentaire de la constitution, cette loi fait, entre autres, du CSPJ l’autorité exclusive des avis de nomination, le maitre d’ouvrage du tableau du cheminement des magistrats et le conseiller privilégié du chef de l’état sur toutes les questions relatives à l’amélioration du fonctionnement de la justice et à la protection des justiciables.

La loi sur le statut de la magistrature, elle, qui vient en appoint à la constitution et à la loi du 13 novembre 2007 créant le CSPJ, responsabilise l’organe de pilotage du système judiciaire à travers la certification des magistrats, question certes effleurée à l’article 41 de la loi du 27 novembre 2007. Elle oblige, pour éviter la prise d’otage de l’assainissement de l’appareil judiciaire, une loi ou un règlement d’encadrement de la certification évoquée en son article 70 : « une procédure de certification des juges et des officiers du ministère public est organisée par le conseil du pouvoir judiciaire, conjointement avec le ministère de la Justice et de la sécurité publique, sic »[3].

 

II.- De l’obligation de certification

La certification, vocabulaire nouveau dans le lexique de l’organisation judiciaire en Haïti, n’a pourtant pas été circonscrite par les législateurs ni par les doctrinaires locaux, encore moins par le CSPJ. Ce concept a cependant déjà été l’objet de nombreuses études dans d’autres pays, notamment en France. C’est pourquoi, avant toute analyse relative à cette obligation légale, nous essayerons de récapituler sur la plupart des définitions avancées par les chercheurs, dictionnaire et/ou association.

Le conseiller à la cour d’appel de Paris, Serge Braudo, définit la certification comme « le nom donné à l’opération par laquelle une autorité authentifie la provenance d’une marchandise, l’identité des signataires d’un écrit sous seing-privé ou la conformité à l’original de la copie d’un document »[4].

L’association française de normalisation (AFNOR), de son côté, définit la certification comme « une preuve irréfutable, délivrée suite à un audit mené par un organisme certificateur impartial et objectif, qu’un produit, service ou une organisation, respecte les exigences d’un cahier des charges strict »[5].

Quant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), elle définit la certification comme « la procédure par laquelle un organisme d’évaluation externe va donner l’assurance écrite qu’une personne, un produit, un processus ou un service est en conformité avec les exigences données dans un référentiel »[6].

La certification, du latin cerfus et facere, vise à rendre crédible et sûre quelque chose. Il existe donc des conditions préalables à toute certification, qui doit, au demeurant, rester une évaluation indépendante, impartiale et objective. Le dictionnaire Wikipédia n’est pas d’un avis différent quand il écrit que « la certification est un processus d’évaluation de la conformité qui aboutit à l’assurance écrite qu’un produit, une organisation ou une personne répond à certaines exigences »[7].

L’ensemble de ces définitions, en cohérence les unes avec les autres, retient trois choses dans une certification. Premièrement, elle est un processus d’évaluation impartiale et objective. Deuxièmement, elle peut être portée sur un ensemble de choses diverses et variées  allant des produits et des services aux personnes. En fin de compte, elle s’opère dans le cadre d’un référentiel de certification impliquant notamment vérification et opération de contrôle de régularité et de sincérité.

Les législateurs, en exigeant la certification des membres de la magistrature, se nourrissaient sans doute de l’obligation de transparence, d’objectivité, d’intégrité et d’impartialité qui doit caractériser la procédure. Et un tel processus ne peut être plus légitime que lorsqu’il est mené par les deux organes de pilotage du système judiciaire. Ainsi, la procédure de certification prévue à l’article 70 de la loi portant statut de la magistrature a pour vertu de permettre l’assise des dispositions de l’article 41 de la loi du 13 novembre 2007 et de l’article 69 de la loi du 27 novembre 2007.

La lettre de la loi indique que le CSPJ ne peut pas se dérober à l’obligation de certification. Processus indispensable de l’assainissement du système judiciaire, la certification est légitime aux yeux de tous. Mais les conditions de sa mise en œuvre posent problème jusqu’au niveau du Protecteur du citoyen et troublent la conscience de l’Expert des Nations Unies pour les droits humains en Haïti. Situation compliquée pour une judicature qui, en imprimant sa marque, place le CSPJ sur le banc de l’accusation pour les mêmes motifs qu’il est censé venir combattre. La population, elle, prise au piège de l’extrémisme ambiant dans la société et les institutions haïtiennes, reste pantoise. Elle n’ose pas se manifester car elle n’arrive pas à comprendre les jeux et enjeux de l’impasse de la certification et de celle de la contestation. Les élites, fidèles à leur histoire, font l’autruche pour ne pas froisser sans doute les princes au pouvoir, en service commandé. Cette posture de ni … ni, qui est en soi un déni et vise à assurer la permanence de leur confort dans un environnement où, trop souvent, les responsables des institutions sont à la fois servis et asservis.

Tandis que l’orage qui secoue le ciel du système judiciaire n’est pas encore prêt de s’en aller, l’on doit se questionner sur les conditions de la mise en œuvre des règles établies par le CSPJ.

 

III.- Le respect des normes établies et leur mise en application, une obligation éthique du magistrat

Le pilotage du système judiciaire est dirigé majoritairement par des magistrats, qui ont une obligation éthique particulière fondée sur les droits et devoirs de ces derniers. Aussi doivent-ils rendre la justice pour tout un peuple qui accepte de déposer entre leurs mains son honneur, sa liberté, ses biens et sa sûreté. La crise de la détention préventive prolongée et celle de la dépossession arbitraire de citoyens, notamment en zone métropolitaine, font questionner l’éthique de juger.

Cette éthique de juger qui parait commander à toute autre valeur éthique pose le postulat de la légitimité de l’autorité judiciaire, instituée par la constitution et les lois de la République. Comment être légitime si, par ces agissements, on compromet la confiance du public, ébranle la certitude des membres de l’autorité quant au respect de leurs droits, fait une application aléatoire de la loi et s’enferme dans une bulle où l’on se croit la vérité ? La loi, faite pour protéger les citoyens et être mise en application par cette autorité, trouve-t-elle écho et considération au sein de la population qui constate que les gangs ont fait le périmètre du territoire républicain et ce, dans l’insouciance abjecte des autorités politiques et l’impuissance complice des autorités judiciaires ?

Cette éthique de juger qui est le corset de l’intégrité, de la liberté, de l’indépendance et de l’impartialité, commande une application servile de la lettre de loi et approvisionne la justice d’un puissant pouvoir discrétionnaire du juge lorsque la loi est muette ou incomplète. Qu’en est-il alors des lois organisant la gouvernance du système judiciaire en ce qui concerne la certification des magistrats ?

La loi oblige une procédure de certification. En clair, il faut une loi ou un règlement de mise en œuvre de la certification qui n’existe pas encore. Et comme les élites du pays demeurent les précieux spécialistes du service à minima, la première judicature a semblé couver avec le ministère de la Justice le mémorandum du 20 novembre 2014 encadrant la certification des magistrats. Volonté peut-être de faire une application rabaissée de l’article 70 de la loi portant statut de la magistrature. Mais action tout de même louable pour poser les bases de l’assainissement tant demandé. Problème cependant, cet instrument n’a pas été mis à la disposition des acteurs du système. Embarras ou débarras, devant l’insistance d’acteurs et de membres de la presse, la quatrième judicature s’empresse de publier un communiqué de presse en date du 1er juin 2023 pour déclarer introuvable dans ses archives le mémorandum du 20 novembre 2014. À ce moment précis, l’éthique de juger quittait les palais en Haïti et partait en flammes. Car le gros bon sens nous dit que le CSPJ n’est pas le seul acteur impliqué dans la certification. Il n’est pas non plus le seul acteur impliqué dans la désignation des experts/certificateurs. Et c’est pourquoi le communiqué de presse du 1er Juin 2023 demeure une mauvaise blague avec pour vertu d’abaisser davantage l’image du pays sur le plan international.

Dans une volonté de perspicacité, le CSPJ se devait de faire chanter les acteurs de la première judicature si la mort n’emporte pas tous déjà dans leur sommeil ; d’engager le ministère de la Justice dans sa démarche ; d’indiquer à la nation les règles d’encadrement de la certification et leurs sources ; enfin de demander l’ouverture d’une enquête pénale sans délai contre les magistrats regroupés au sein de l’association des magistrats persécutés par la certification qui mettent en avant le document du 20 novembre pour s’être servis d’un document inexistant à l’effet de faire valoir leurs intérêts et ainsi d’accuser indument l’institution de pilotage du système judiciaire. La mascarade du 1er juin 2023 est une démarche échouée dans l’œuf qui a pour vertu de découvrir le visage des seigneurs/conseillers.

Quant au mémorandum rendu public à la même date, il s’agit d’une escroquerie qui appelle, à elle seule, à la démission collective de la quatrième judicature. En effet, on y lit : « La certification des juges et des officiers du ministère public est prévue par la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature, aux articles 68, 69 et 70, dans l’optique d’assurer efficacement et sainement la distribution du service public de la justice. Elle concerne tous les magistrats en général et est de la compétence du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, sic »[8]. Cela traduit toute l’incompétence du conseil et leur connaissance approximative de la loi. Des gens qui ne lisent pas la loi ne peuvent pas la comprendre ni ne peuvent l’appliquer.

Justement, le conseil dit que la certification est réalisée notamment en conformité des dispositions de l’article 70 de la loi portant statut de la magistrature. Or cet article dit clairement que ce n’est pas à la loi ci-dessus référencée qu’il appartient d’encadrer la certification. Il faut une procédure spéciale. On appelle cela en Droit une loi de règlement. C’est cette loi de règlement qui manque dans la communication du CSPJ. Et comme il n’authentifie pas le mémorandum du 20 novembre, il se devait de communiquer sur la loi fixant le cap du processus de la certification. S’il ne le fait pas, c’est qu’il est dans une entreprise d’escroquerie morale avec le peuple.

Le mutisme de la loi dans le processus génère un risque de purge au service de l’idéologie dominante qui cherche à se cacher sous un parapluie protecteur avant le retour à l’ordre politique constitutionnel.

 

IV.- Certification et risque de purge au service de l’idéologie dominante

La certification donne de la crédibilité à la justice. Car elle confirme à la fois un référentiel  de compétences et d’intégrité. Pour cela, elle doit être une œuvre juste, non couverte de suspicion, de machination et de manipulation. Elle doit être menée selon des règles claires, connues de tous et imposables à chacun.

Le jeu de chat et de la souris orchestré autour des dispositions de l’article 70 de loi du 27 novembre 2007 ne peut laisser aucun serviteur conscient tranquille. Il doit taquiner la conscience des adultes et éveiller la curiosité des enfants. Car personne n’oublie les conditions d’accession au pouvoir des membres de cette judicature. Pressés, ils ne pouvaient attendre que soient réunies les conditions objectives de leur prise de mission. Ils ont concocté un pacte demeuré encore secret avec le premier ministre Ariel Henry à l’effet de passer outre des dispositions irritantes de l’article 7 de la loi du 13 novembre 2007. « Avant leur entrée en fonction, les membres du conseil supérieur du pouvoir judiciaire prêtent, au siège du conseil, sur la constitution, le serment prévu par la loi devant le Président de la République et en présence des Présidents du Sénat et de la chambre des Députés. Un procès-verbal de prestation de serment est dressé. Il est signé du Président du Conseil »[9].

Une judicature entrée en fonction amputée de son Président pose déjà le problème du respect de la loi : qui va être habilité à signer le procès-verbal de prestation de serment, puisqu’il s’agit ici d’une attribution exclusive du Président du conseil ? Des hommes et des femmes disposés à ne reculer devant rien pour assurer la prise du pouvoir perdent l’éthique d’intégrité. D’autre part, ils ont desservi le pays et participé à son agonie en plaçant le premier ministre Ariel Henry dans la posture du Président de la République ; ils n’auront pas réussi à favoriser une issue à la crise de gouvernance nationale héritée de l’assassinat du Président Jovenel Moise.

C’est pourquoi, il faut s’interroger sur ce qu’ils ont donné pour accéder au trône. Mais aussi avec qui ont-ils négocié les conditions de leur intronisation. Alors, il ne faut donc pas s’étonner du rejet de la porte entr’ouverte par le Protecteur du citoyen pour une sortie par le haut de la crise. Car ceux qui décident peuvent ne pas se retrouver sur les bancs du conseil. De plus, il est clair que rien ne peut arrêter dans son aventure celui qui prostitue la loi pour une installation.

Si l’on admet que les conditions de la prise de pouvoir ont des incidences sur l’orientation du pouvoir ; il ne faut alors pas s’étonner que la certification devienne une purge au profit d’intérêts dominants.

Au regard de l’article 41 de la loi du 13 novembre 2007, le CSPJ organise à son installation la certification des magistrats tous rangs et grades de la magistrature pour les rendre aptes à continuer dans l’œuvre de la justice nationale. Ceux qui sont nommés depuis l’intronisation du CSPJ le sont parce qu’ils avaient été en amont certifiés par le conseil en conformité des dispositions de l’article 67 de la loi du 27 novembre 2007. Et comme la loi ne prévoit pas le système de double certification, il devient un impératif de vérifier la conformité de la certification aux dispositions combinées des articles cités ci-dessus. Et si d’aventure, des manquements seraient observés, l’on parlera alors d’un acte de sabotage délibéré du système judiciaire.

 

V.- Le droit d’être jugé équitablement à l’épreuve de la certification

Parce qu’elle est contestée et qu’elle est couverte de beaucoup de non-dits, la certification perd en crédibilité et en légitimité. Le terrain argileux de la justice contestée étant la proie de trop d’intérêts, l’on devait s’accorder pour sortir au plus vite de cette situation. Pourtant, tel un cavalier pressé, le CSPJ s’est empressé de sortir un nouveau rapport de certification dans un rapport de force aux accents très politiciens. Question peut-être de rappeler que la certification n’est pas une décision juridictionnelle.

Si l’on tient au fait que la certification n’est pas une décision juridictionnelle, l’on doit cependant admettre que des magistrats sont accusés au cours du processus. Ils ne peuvent cependant pas connaitre l’identité de ceux et/celles qui jettent l’opprobre sur eux. La plupart du temps, ils n’ont même pas été mis au parfum de l’enquête ouverte à leur encontre dans la perspective de leur certification. Alors, un ramassis de déclarations pouvant être fantaisistes voire haineuses seront dans l’analyse et dans la conclusion des experts/certificateurs.

L’État, qui a donc l’obligation de garantir l’exercice des droits, se désarme par avance tel un préposé à la sécurité qui s’efface pour laisser les voleurs faire à leur guise et ce, en vue du partage du butin. Le CSPJ se retrouve à la place du préposé à la sécurité parce qu’en étant chargé d’appliquer la loi, il est allé se cacher derrière une certification qui n’en est pas une. Et il ne se soucie guère de s’informer de ce qui se fait devant le CTC. Tout en n’étant pas une juridiction, le comité technique de certification (CTC) rend des rapports/ordonnances à partir d’indices jugés corroborants. Il est donc dans la posture du juge d’instruction qui cumule des indices en vue de son ordonnance. Il ne saurait donc négliger le droit à un procès équitable, prévu à la fois par la déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention américaine des droits de l’homme et la convention européenne des droits de l’homme. Et c’est peut être nourris de cette obligation impérative que le Protecteur du citoyen et l’Expert des Nations Unies pour les droits humains en Haïti exhortent le CSPJ à garantir des droits de recours aux magistrats non certifiés.

Cette exhortation entre non seulement dans le cadre du respect des principes de la présomption d’innocence et du règlement à armes égales entre les dénonciateurs et les dénoncés, mais aussi et surtout du droit à une bonne administration de la justice qui doit occuper une place éminente dans la certification. Car, on ne peut pas négliger le respect des droits individuels au cours des étapes d’enquête qui sont susceptibles d’influencer la carrière d’hommes et de femmes.

Il est à admettre aussi que le Protecteur du citoyen et l’Expert des Nations Unies pour les droits humains en Haïti peuvent considérer le rapport de certification comme un jugement du CSPJ. Pour eux, le CSPJ, en entérinant la certification, prend une décision susceptible donc de recours. Et, dans ce cas, ils ne font qu’un simple rappel au devoir du respect de la loi par les seigneurs/conseillers. Ce rappel peut sonner comme un châtiment difficilement acceptable pour ces maitres de la vérité, de la justice et de l’équité. Châtiment, s’il en fut, est proportionné en regard des dégâts incommensurables causés par le pilotage d’une certification mal engagée. Ce rappel à la loi est indispensable au regard des dispositions de l’article 31 de la loi du 27 novembre 2007, qui soumet toutes les décisions généralement quelconques du CSPJ à l’imminence d’un recours. « Les décisions du conseil supérieur du pouvoir judiciaire sont susceptibles d’un recours devant le conseil siégeant avec la totalité de ses membres »[10]. Donc, recours, s’il en faut, révèlerait au grand jour l’état du délitement moral et intellectuel des élites chargées du pilotage du système judiciaire. Car ce conseil orphelin de la plupart des représentants de secteur ne peut pas réunir la totalité de ses membres. Et ce n’est pas grave.

Le bâillonnement des droits dans un tour de force politicien n’a de vertu que l’exposition des failles du système de gouvernance nationale, piloté par des autodafés des règles républicaines. La pyromanie qui caractérise les consciences de nos dit-riches-gens (dirigeants) ne laisse aucune place à la vertu de la légalité ni au droit d’être jugé équitablement. Mais cette pyromanie est davantage dégueulasse, lorsqu’elle s’attaque à ses propres entrailles.

C’est sans doute à l’aune de cette pyromanie qu’il faut analyser le mutisme des associations de magistrats indolentes aux plaintes des magistrats et indulgentes à l’égard du CSPJ. Pas une ne s’active à demander des comptes ou, dans une moindre mesure, à exiger le respect des normes et des procédures. Ces associations de défense des droits, si elles ne se relèvent pas, peuvent devenir dans un proche avenir des associations de l’indécence et de l’indigence ; car trop dépendantes des contingences et des aléas de leur servitude. Cette indulgence est l’expression d’un angélisme et d’un cspjisme du quoiqu’il en coûte. Cela s’appelle régression patriotique et républicaine. Car, par leur mutisme,  les associations n’auront servi qu’à servir le collègue siégeant au CSPJ, au détriment des droits collectifs et individuels de collègues pour la plupart trop indociles pour mériter de rester en leur compagnie.

Clair est que le principe du droit d’être jugé équitablement est mis en sac durant le processus de certification. Un processus qui laisse sur le banc autant de droits des personnes concernées ne peut être fiable ni fonder leur renvoi de l’institution à laquelle ils appartiennent.

Conclusion : En proie au désarroi de la repentance ordonnée, le CSPJ fait le dos rond. Vraiment pas de chance ; la justice va mourant sans un sursaut patriotique pour une réforme intégrale des mœurs, des normes et des acteurs.

 

Jean Frédérick BENECHE

Juge de Cour d’appel

 

[1] Constitution haïtienne amendée

[2] Loi du 13 Novembre 2007 créant le cspj

[3] Loi du 27 Novembre 2007 portant statut de la Magistrature

[4] Dictionnaire juridique en ligne https://www.dictionnairejuridique.com, consulté le 21 Juillet 2023, à 12 am

[5] AFNOR, https://www.afnor.org, site consulté le 22 Juillet 2023, à trois heures du matin

[6] CNIL, https://www.cnil.fr site consulté le 21 Juillet 2023, à 11 heures pm

[7] Dictionnaire en ligne Wikipédia, https://www.wikipédia.fr, site consulté le 22 Juillet 2023, à une heure et demie du matin

[8] Mémorandum du cspj en date du 1er Juin 2023

[9] Loi du 13 Novembre 2007 créant le cspj

[10] Loi du 27 Novembre 2007 portant statut de la magistrature

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