Quand les riches volent les pauvres,
On appelle ça les affaires :
Quand les pauvres se défendent,
On appelle ça de la violence. (Mark Twain)
Depuis des années, les termes « lòk » et « Monte barikad byen wo » faisaient partie des stratégies utilisées par les acteurs de l'opposition dans le cadre de leurs pressions politiques en vue de forcer l’ancien chef d'État Jovenel Moïse à quitter le pouvoir. Des expressions comme « Bare an wo, bare an ba, monte barikad yo byen wo » dans la lutte politique en Haïti ne sont pas du tout nouvelles. Par exemple, les leaders du secteur populaire qui avaient émergé après 1986 référaient souvent aux termes de : « Brigad vijilans, Komite katye » dans leurs combats contre des régimes militaires post Duvalier. Dans le cadre des mobilisations contre les régimes militaires de l’après 1986, mis à part de l’expression : pè Lebrun, le prête devenu président, Jean-Bertrand Aristide aimait utiliser les termes « Bare an wo, bare an ba, monte barikad yo byen wo. »
Si dans le passé, en tant qu’opprimé, le peuple était derrière leurs barricades pour pouvoir défendre ses droits, dans la foulée, il n'est pas le seul à avoir ce monopole, puisque, immédiatement après l'indépendance, la classe oligarchique avait toujours été, en termes d’obstacles au développement social et économique pour les masses, le maître à penser des barricades. Si aujourd’hui le peuple est dans la misère à cause des barricades politiques, économiques et sociales imposées par cette classe de sangsue, donc le peuple doit continuer à rester derrière leurs propres barricades pour pouvoir reconquérir leur liberté contre celles (les barricades) des nantis.
Initialement, le combat politique par les barricades n’est pas haïtien. Dans Petite histoire du mot barricade, Mireille Huchon écrit que : « La barricade apparaît en français au XVIe siècle. Les événements de mai 1588 et leurs préliminaires (le projet de barricades à Paris en 1587 au retour de Guyenne du duc de Mayenne) la campent dans son sens moderne et assurent à ce mot aux racines méridionales sa diffusion en France et dans l’ensemble de l’Europe, puisqu’il sera emprunté à la suite de ces événements par l’italien, l’espagnol, l’anglais et l’allemand. »
Chaque jour, et ceci depuis l’assassinat crapuleux de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, les gardiens du système, tout en gardant les masses dans la misère, érigent des barricades politiques et sociales contre les descendants des “ masses serviles”. Par contre, les masses, elles aussi, avaient trouvé des moyens de contre-attaquer en érigeant des barricades leur permettant de revendiquer le changement d’un système corrompu vieux de plus de deux cents ans. Très utiles au combat politique que menait le peuple haïtien contre l’ancien chef d’État (assassiné le 7 juillet 2021), le statuquo local aussi bien que les faux amis dans l’international, les barricades possèdent une puissance extraordinaire. Grâce à elles, certaines zones aussi bien des villes étaient, dans bien des cas, impénétrables par des policiers ou les sbires du pouvoir. Les barricades étaient devenues “ l’arme de la dialectique” et en même temps “ la dialectique des armes” des désarmés. « L’édification de barricades est un des modes d’expression les plus remarquables et les plus constants des insurrections révolutionnaires », écrit Mark Traugott.
Les barricades dans les rues et dans les quartiers pour se protéger contre des bandits en uniforme symbolisaient la force du peuple face aux oppresseurs. Dans La lutte finale des barricades : spontanéité révolutionnaire et organisation militaire en mai 1871, Robert Tombs écrit : « La barricade rassure et protège... »
Depuis leur invention au XVIe siècle, que ce soit avant ou après l’indépendance d’Haïti, que chacun, pour défendre leurs intérêts, utilisait les barricades comme arme de combat. Si durant l’esclavage, pour les esclaves domestiques leurs modes de vie chez leurs maîtres colons blanc ne nécessitaient pas de changements de système, quant aux esclaves des champs, que ce soit avec la cérémonie du bois Caïman ou le mouvement de marronnage dans les mornes, ils voulaient en finir contre toutes formes de barricades symbolisant d’injustice, d’exploitation à outrance imposées par les maîtres d’esclaves dans la colonie. Mais plus de deux cents ans après l'épopée de Vertières, même sans la présence des colons dans un pays apparemment libre et indépendant depuis 1804, l'escroquerie des colons du temps moderne continue encore en Haïti.
Les effets des barricades du système
Plus de deux siècles après l'indépendance, le bilan est lourd et très catastrophique en Haïti. C'est une nation divisée, déchirée où le colonialisme sans les colons continue. Haïti est le pays où la capitale elle-même est complètement séparée du reste du pays. Ce n'est pas seulement en termes d'infrastructures que la capitale est séparée du reste du pays, mais également au niveau des services de base. C'est un pays à l'envers. Le sociologue aussi bien que l'urbaniste qui analyse le cas d’Haïti vous diront non seulement que Port-au-Prince est une ville qui défie toutes normes sociologiques de classes, ils vous diront aussi que c'est un grand bidonville qui ne respecte pas les normes de l'urbanisation. Depuis l'indépendance du pays en 1804, «il y a toujours eu du champagne seulement pour un petit groupe, pendant que la majorité, sans accès à l’eau traitée, meurt de soif. »
De l'indépendance à nos jours, la problématique du mode de vie des Haïtiens et la thématique de la “ question sociale” qui devait, comme le voulait le père de l’indépendance, être le cheval de bataille de tout chef d’État responsable, a été remise au second plan. Ainsi, dès la naissance d’un haïtien, son acte de naissance porte l’empreinte de discrimination comme en insistant sur les désignations dichotomiques de paysans versus citadins, etc. Ce qui fit qu’un acte de naissance comme par exemple d'un Léogânais, Jacmélien et Gonaïvien est, au départ, différent de celui d'un Port-au-Princien. De plus, il y a aussi une différence entre un enfant né dans le mariage d'un couple à celui de l'enfant né d'une union libre aussi bien de celui dont le père a déjà contracté mariage.
Comme cette barricade continue tout au long de l’existence entre ceux qui en ont trop et ceux qui n’ont rien, les adolescentes qui devraient être dans les salles de classe sont, certaines fois, obligés de se rendre à Port-au-Prince pour être les « Rèstavèk », des « Zoune chez sa Ninnaine » de quelqu’un qui pille le trésor public tout simplement parce qu’ils avaient eu la chance de se rendre à l’école. Avec l’âge, comme cette fillette se développe physiquement, comme bien d’autres, ces jeunes filles de la classe défavorisée sont, dans bien des cas, sexuellement exploitées ou abusées soit par des malades sexuels de la maison ou des adultes avec de grands moyens économiques ou de pouvoir politique.
Quant à celles-là qui sont dans des orphelinats pour enfants, elles connaissent aussi le même sort par des chefs d’orphelinats pour les filles ou des religieux des églises catholiques. Quand les filles ne sont pas restavèk chez les « Gran-nèg », elles sont, dans bien d’autres circonstances, des marchandes dans des marchés publics près des maisons luxueuses des autorités locales ou nationales. Les enfants, étant la population la plus vulnérable, due aux barricades sociales très élevées du statu quo, souffrent très sérieusement aussi du problème de décentralisation et de bidonvilisation.
Le problème des bidonvilles
Un autre exemple de barricade imposée dans ce pays par les chiens de garde d’un système pourri de plus de deux cents ans est la problématique de bidonvilisation et la pauvreté en Haïti. Ces phénomènes en question restent en effet très complexes. La crise de bidonvilisation qui prévaut en Haïti, notamment à Morne Hercules, Morne Calvaire, le quartier de Jalousie à Pétion-Ville, Village de Dieu au Bicentenaire, La Saline, Bel-Air, Solino, Cité Soleil, Raboteau, La Fossette, Saint Hélène, pour ne citer que ceux-là « a entraîné des manifestations de certaines situations socio-économiques vraiment néfastes à la survie de la population défavorisée. »
À Port-au-Prince comme dans bien d'autres endroits du pays, il y a « une minorité qui détient toutes les richesses (détenteurs du pouvoir politique, propriétaires de grands commerces, de grands revenus adéquats afin de jouir des grands modes de vie), tandis qu'il y a une grande majorité pour qui la vie sur terre devient un enfer. Cette dernière vit dans l'instabilité économique, dans la pauvreté, dans l'insatisfaction des besoins de base ou primaires. » C'est aussi dans cette Haïti divisée avec des stratifications sociales aussi poignantes et visibles de plus de deux cents ans après l'Indépendance que l'inégalité la plus criante continue de faire son chemin entre ceux qui en ont trop et ceux qui n’en ont absolument rien. Donc, tout en se mobilisant derrière leurs barricades, les leaders de ces mouvements d’alors revendiquaient un minimum vital à savoir : construction des projets sociaux permettant aux gens des classes défavorisées d'accéder à des services de base dans leurs communautés, et créer des opportunités économiques pour les couches marginales que ce soit à la capitale ou dans d’autres villes de province du pays.
Port-au-Prince n'est pas seulement la capitale du pays, mais elle est aussi la République même d'Haïti, ce pays de contrastes. Puisque, c'est là où réside le président, les sénateurs et les députés. C'est là où tout est concentré. Haïti est le pays où les gens qui se trouvent dans les provinces et les communes les plus reculées n’ont pas accès à l'éducation, aux soins médicaux, d’eau potable, aux structures et infrastructures de base répondant aux normes internationales de modernité. Pour se procurer d’un passeport, d’un extrait d'archives, faire un voyage à l'extérieur du pays, faire des études universitaires ou pour trouver un bon emploi, le paysan doit rentrer à Port-au-Prince. Même là encore, dans cette capitale bidonvillisée, il faut avoir des connexions pour que les choses puissent se faire vite et bien.
Ce qui fait, derrière leurs barricades enflammées ou autres, les protestataires tout en revendiquant leurs droits, ils demandaient aux autorités, agents du système, de mettre une fin à cette inégalité sociale entre deux classes de gens vivant dans un même territoire et sous un même drapeau. Ils demandaient, plus deux cents ans après l’indépendance, un programme d’éducation de qualité et d’excellence pour tous, c’est-à-dire un système qui donne une chance égale à tous les fils et filles du pays ?
Une éducation au rabais
Comme c'est par l'éducation qu'un petit haïtien peut dessiner son avenir, ainsi, les agents du système, en créant deux écoles différentes dans le pays, ont érigé une barricade éducationnelle entre les enfants des masses et ceux des élites.
Quand les gens derrière leurs barricades protestaient contre l’inégalité sociale dans le pays, d’un côté, il y a toujours un petit groupe qui demandait à cette grande majorité, tout en les traitant de tous les mots, de laisser aux enfants d’aller à l’école, donc il y a lieu de se demander : quelle école et, pour quelle catégorie d’enfants.
Selon des experts, l'éducation haïtienne est défaillante : il y a carence d'encadrement pour les enfants à la maison, classes mal conçues, mal équipées et surchargées, manque d'ouvrages appropriés pour les élèves et les enseignants. Donc, au lieu d'être une institution capable de former des agents de développement au niveau national et international, le système ne fait que drainer des ressources et des capitaux du trésor public sans pour autant former des éléments productifs pour la société et le monde. « Les élèves quittent l'école comme des intellectuels ratés, sans avoir non plus de compétences techniques pour subvenir à leurs besoins. »
La situation de l'éducation en Haïti est très préoccupante. Ce qui fait, dans le cadre de leur mobilisation, derrière leurs barricades, des pères et mères de familles demandaient à l’État de redynamiser le système de sorte que leurs enfants, dans un premier temps, puissent, comme tout autre, aller à l’école, quelle que soit la distance, mais dans le long terme, dans des établissements scolaires construits dans leurs communautés respectives. Les enfants ne sont pas obligés de parcourir des kilomètres pour aller dans des écoles publiques mal construites avec des instituteurs non qualifiés. La différence est trop grande. Le fossé est trop grand entre les enfants des parents pauvres et ceux des riches.
Les barricades académiques sont trop élevées entre les enfants qui empruntent la route de Fermathe, Kenscoff, Laboule, Montagne Noire, Bourdon à l'arrière des voitures luxueuses de leurs parents riches pour aller dans des écoles privées et congréganistes pendant que des fillettes si elles ne sont pas ‘’restavèk’’chez des ‘’gros zouzoune’’ elles sont dans bien des cas, des vendeuses de légumes sur les bords des trottoirs des routes que passent des voitures luxueuses des grands hommes d’affaires et des autorités du pays. Et pourquoi pas le ministre de l’Éducation nationale…de la jeunesse et aux sports. Il est de même pour les petits garçons. S’ils ne sont pas ‘’gason lakou lakay Mèt zabèlbòk’’, ils sont des cireurs de chaussures. Ces enfants, eux aussi, ils sont les petits enfants de Jean-Jacques Dessalines. Tout en recevant chaque matin un petit déjeuner préparé avec des productions agricoles locales dans leurs institutions scolaires, ils méritent d’être dans des salles de classe dans leurs zones de résidences, pendant que leurs parents à travers un emploi décent puissent prendre soin convenablement de leurs familles. D’où la nécessité pour les hommes d’affaires ou l’oligarchie politique d’enlever les barricades de l’emploi dans ce pays.
C’est aussi une barricade quand des jeunes avec des diplômes sont obligés de coucher pour des emplois de misère avec des patrons immoraux qui devraient être leurs pères ou leurs grands-pères. Le peuple haïtien ne demande pas de la charité. Il ne veut pas non plus être ridiculisé. Il en assez. Il veut des emplois dignes.
Création d’emploi et reconstruction
Dans l'Haïti post Jean-Claude Duvalier, la société se trouve chaque jour confrontée à des problèmes d'insécurité, de chômage, d'électricité, de transport, du coût élevé de la vie, d'analphabétisme, de corruption et d'enrichissement illicite des dirigeants. Ouf! la liste est trop longue, dirait un investisseur qui aurait fait une étude de marché sur Haïti. Mais est-ce qu'on doit attendre à ce que tout cela s'améliore avant de parler d'investissement ? Qu'est-ce qui vient avant, l'investissement ou l'infrastructure, la sécurité ou la main-d'oeuvre qualifiée ? C'est comme l'histoire de l'oeuf et de la poule, vous répond celui ou celle qui en doute de la bonne réponse. Quoi qu'il en soit, parler de création d'emplois, surtout de manière durable dans le pays, ne doit pas être seulement une affaire d'organiser forum sur forum. Ces derniers ne rapportent qu'aux responsables des hôtels de la place et des démarcheurs internationaux.
Depuis longtemps, le citoyen haïtien n’a jamais eu un gouvernement qui à travers la mise sur pied d'un programme élaboré, favorisait le développement de la sécurité de l'emploi, le renforcement et la protection du pouvoir d'achat et enfin aidant à mettre un frein à l'appauvrissement de la population. Les gens des classes défavorisées avec une sorte de chômage déguisé n’ont jamais eu un emploi pour pouvoir répondre à ses besoins personnels aussi bien qu'à ceux de sa famille.
Il est vrai que les investisseurs ne sont pas des philanthropes qui rentrent au pays pour faire des dons ou des oeuvres caritatives. Comme les touristes, ils sont très exigeants. Ils sont au pays pour investir et faire le maximum de profits sur chaque dollar investi. Mais l'État haïtien n’a jamais fait d’effort pour les inciter à investisseur au pays. Aussi, l’État n’a jamais su, dans un projet de reconstruction, créer un climat incitatif pour qu'enfin les investisseurs puissent rentrer au pays et investir leurs capitaux. Comme, depuis les trente dernières années, le pays n’est pas stable, ainsi, les agences gouvernementales comme les ambassades et les consulats, elles n’ont jamais entrepris une campagne massive de promotion et de propagande pour vendre le pays, c'est à dire, présenter Haïti différemment à l'échelle internationale.
Ce qui fait, même pendant des moments de stabilité politique apparente, les gens de l'extérieur avaient toujours eu une mauvaise perception d’Haïti, à savoir le pays instable des chimères ou des « zenglendos ». Malheureusement, les dirigeants, ils ne travaillent pas de sorte qu’Haïti puisse, aux yeux des investisseurs, avoir un autre visage. Chaque jour, ils demandent aux investisseurs de rentrer au pays, mais ils n’ont rien fait pour que la presse internationale puisse cesser de présenter Haïti négativement. C'est comme une « marque de fabrique » pour le pays. Tout ce qui est négatif est Haïti.
Attirer les investisseurs à entrer pour investir dans le pays nécessite le renforcement des institutions étatiques aussi bien que les infrastructures de communication de base. À côté du temps que prend le processus pour régler les documents nécessaires de fonctionnement des affaires, les problèmes de l'électricité, de communication, d'eau, d'infrastructure routière, élements primordial dans le processus de reconstruction et de création d'emploi, jusqu’a présent, l’État haïtien ne se montre pas plus compétitif et agressif dans la région. Il n’arrive pas, à travers de vastes programmes de promotions et de propagandes, dont la tâche serait de vendre l'idée qu’Haïti, comme les autres pays de la Caraïbe, a aussi des mains-d'oeuvre qualifiées qui répondent aux normes internationales de travaille. Ce sont des qualités que cherche tout investisseur ambitieux. Montrez-les des avantages énormes qu'ils puissent en tirer si toutefois ils optent investir en Haïti.
D’une politique conjoncturelle à celle structurelle, l’État doit, à travers les objectifs d’une politique économique, vise la croissance, le plein emploi, la stabilité des prix et l’équilibre des comptes extérieurs.
Mais comment puis-je réaliser tout ceci, quand il y a des parlementaires qui demandent à longueur de journée, un partage de responsabilité. C’est encore beaucoup plus difficile à faire quand la classe des affaires contrôle des institutions capables de générer des fonds aux trésors publics. Mais le pis dans tout cela, c’est l’ingérence de l’international dans les affaires internes du pays.
Les barricades des « amis » de l’international
De plus, quand avec le soutien de la communauté internationale, par le truchement des puissantes ambassades occidentales à Port-au-Prince, c’est un petit groupe qui décide à n’importe quel moment de la destinée d’un candidat à la présidence aussi bien que de celle d’un chef d’État en fonction, surtout si ce dirigeant remet en cause ses intérêts, donc c’est une véritable barricade démocratique. Les gens sont dans les bureaux de vote pour voter, mais c’est l’international, comme grands électeurs qui décident du résultat des élections. Donc, dans le cas du processus démocratique initié au pays, les ambassades dans leur comportement traditionnel sont des barricades incontestées
La PNH et les barricades en son sein
En outre, quand des agents de la Police nationale sont envoyés dans les quartiers marginaux pour enlever les barricades de la population, alors qu'au sein de cette même institution, il n’y a que des filles et fils des paysans, des pauvres gens dans les bidonvilles, donc, cette force de police n’est pas équilibrée. Pendant la guerre de l’Indépendance, il y avait au moins des mulâtres bien formés aux côtés des esclaves. Mais aujourd’hui, les choses ont complètement changé. La PNH est une institution composée des policiers qui sont seulement filles et fils de marchandes, de paysannes, et de pauvres chômeurs. La PNH représente une institution montée de toutes pièces par les oligarques ennemis des gens des classes défavorisées. Donc quand des policiers d’une institution qui est là pour protéger et servir reçoivent des ordres pour tirer ou arrêter illégalement les gens dans les quartiers populaires qui revendiquent leurs droits, la PNH est donc créée avec des agents de souches pauvres pour servir et protéger les riches et agents du système.
Quand un policier tue un jeune homme qui proteste dans une manifestation, c'est, probablement son petit cousin, fils de l’autre frère de son père artisan qui vit, comme lui, avec les mêmes besoins primaires dans un autre quartier populaire dans sa commune. Quand l'agent de police tire sur la jeune fille qui, tout en manifestant, refuse, d'être un objet sexuel pour les patrons, elle le fait non seulement pour la fille et la femme du policier qui, dans bien des cas sont victimes des mêmes problèmes, mais aussi, cette jeune fille peut être bien la cousine du policier, unique enfant de sa tante marchande qui fait les mêmes commerces de misère que sa mère.
Comme du temps de l’esclavage dans la colonie où les esclaves n’avaient pas de plantation, aujourd'hui, les parents des policiers n’ont pas de supermarché, de manufactures de sous-traitance, de pompes de gazolines, de banques ou d’autres commerces. Pour un maigre salaire, le père du policier travaille dans les manufactures des riches. Pendant que sa mère, dans bien des cas, avec l’aide financière d’un proche qui vit à l’étranger, est marchande d’œufs bouillis, pains et figues bananes devant les usines des riches, hommes de couleur de ce pays. C’est avec le maigre revenu que le père gagne dans les industries de sous-traitance et la mère de son commerce de « Chen janbe » ou autres dans les marchés, que le policier bourreau avait eu la chance de faire des études dans des Lycées et écoles privées, complètement différentes de celles des enfants des hommes politiques et riches de ce pays. Quand le policier avec ses armes ne protège pas les masses, donc il est instrumentalisé pour protéger ceux qui se servent de grands moyens financiers et contacts politiques pour piller les fonds du Trésor public du pays et maintenir le statu quo.
Ce n’est pas seulement à l’intérieur du pays qu’il y a des barricades pour les masses, y compris les policiers. Les Haïtiens vivant à l’étranger, eux aussi, ils ont des barricades constitutionnelles les empêchant de briguer des postes électifs au pays.
L’écartement de la diaspora aux affaires politiques du pays est aussi une barricade
Quant à la diaspora, il y a aussi une barricade entre les politiciens en Haïti et ceux de l’extérieur qui veulent toutefois faire de la politique dans leur pays. La Constitution haïtienne de 1987 ne reconnaît pas la double nationalité. « Être haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité. » Voilà donc les conditions ou barricades constitutionnelles si un haïtien de la diaspora veut toutefois briguer un poste électoral comme député, sénateur ou président de la République.
Plus de trente ans après le vote de la constitution post-Duvalier, la diaspora ne semble toujours avoir que des devoirs : envoyer de l'argent en Haïti, participer à des compétitions sportives à l'échelle internationale pour le pays, faire pression quand la nation est en danger face aux dictateurs et aux putschistes ou quand l'image des Haïtiens est en jeu, comme dans le cas du Sida lors de la grande manifestation du 20 avril 1990 à New York aux États-Unis. Plus de trente ans après le vote de la Constitution, les problèmes demeurent entiers quand il s'agit pour la diaspora de partir à la conquête de ses droits. L’haïtiano-américain, l’Haïtiano-canadien et tous les autres haïtiens vivant à l'étranger ne jouissent toujours pas du droit à la double nationalité. Ils ne peuvent ni élire ni être élus. Impossible donc pour eux d'occuper au vu et au su de tous des postes électifs. S'ils ne sont pas étrangers quand ils doivent apporter leurs contributions économiques, mais politiquement, ils sont plus étrangers que les membres de la communauté internationale. Donc, si on veut changer le système, il doit y avoir de nouveaux dispositifs constitutionnels qui garantissent les mêmes droits à toutes les filles et tous les fils du pays.
Enfin de compte, les gens étaient derrière leurs barricades pour finir avec le système corrompu vieux de plus de deux cents ans. Ils réclamaient un assainissement de l’administration publique. Il est temps que les délégations haïtiennes en voyage à l'étranger cessent de dormir dans des suites 5 étoiles pendant que le peuple dort à la belle étoile au Champ de Mars et autres places publiques du pays.
La barricade est l’arme des désarmés.
En dehors des incidents, qui, dans certains cas, permettent aux gardiens du système de discréditer la bataille des masses derrière leurs barricades, dans l’ensemble, elles demeurent l’arme des désarmés contre les autorités corrompues, immorales et arrogantes qui volent les 4.2 milliards de dollars des fonds du Petro Caribe. La barricade est l’arme des désarmés contre la misère, l’insécurité, le chômage. En un mot, la barricade est l’arme des désarmés contre un système archaïque et inégalitaire vieux de plus de deux siècles.
Dans l'Haïti post 7 février 1986, les masses, derrière leurs barricades dans les quartiers populaires, protestaient contre toutes formes d’insécurités qui sévissent dans le pays. Elles étaient aussi derrière leurs barricades pour réclamer de l'électricité qu’avait promis un agent du système, mais qui, des années après, tarde à se matérialiser. Elles étaient aussi derrière leurs barricades pour finir: avec les moyens archaïques de transport, le coût élevé de la vie, d'analphabétisme, de corruption et d'enrichissement illicite des dirigeants et de chômage endémique planifié. Ouf! la litanie des calamités et des souffrances du peuple est longue et même trop longue.
Mais de toutes les préoccupations, le problème de l’insécurité avec des kidnappings spectaculaires complique chaque jour la situation. Avec la prolifération des armes dans les quartiers populaires, Haïti est devenu un pays instable et fragile...un baril de poudre qui n’attend qu’une étincelle pour l’exploser.
Fortement lié à la mauvaise gouvernance et le développement des gangs armés dans presque tout le pays, le peuple en a assez. Assez, il en a assez.
Prof. Esau Jean-Baptiste