Haïti au cœur d’un capitalisme de consommation

Généralement, le concept “capitalisme de consommation” est inouï dans la littérature des sciences humaines et sociales, en particulier l’économie. De l’époque d'Adam Smith à nos jours malgré tant de dissection enregistrée au sein du système capitalisme façonné par Karl Marx à travers son livre “Critique de léconomie politique[1] et plus tard par Lénine dans son chef-d’œuvre «  Impérialisme Stade suprême du capitalisme »[2] et du côté des freudo-marxistes de l’école Francfort comme les Hebert Marcuse[3], cette situation qui est affermie certains pays anciennement colonisés n'a jamais été illustrée en raison que le Capitalisme de consommation est un projet qui  n’était pas encore partant.

 En fin de compte, qu’est-ce que le capitalisme de consommation ? Et, comment peut-on l’expliquer par rapport à la situation actuelle d’Haïti ? Dans cet article, nous tentons d'analyser la situation économique d’Haïti qui oscille dans une machination depuis plusieurs décennies à cause d'un ensemble de choix politico-économique que les dirigeants du pays majoritairement imposé par l’arrogance de la communauté internationale ont initié  depuis des années 1980 qui conduisent le pays dans une dégénérescence politique, économique, sociologique et même anthropologique. 

En effet, la Deuxième Guerre mondiale occasionne la disparition de certaines puissances militaires et économiques du monde européen. La France est effondrée sur le plan militaire en 1940, la ruine financière de la Grande Bretagne en 1941 et la destruction totale de l’Allemagne écrasée sous les bombes en 1945. L’Europe, le continent redoutable devient en grande partie tributaire des États-Unis, les principaux gagnants de ce conflit furent les Américains qui étaient depuis 1914 première puissance économique du monde et au lendemain de la seconde incursion possédaient plus que la moitié de la production mondiale et de réserve d’or. De ce fait, ils avaient assez de prépondérance pour imposer son influence au monde entier. En outre, autre gagnant est l'URSS malgré ses faiblesses économiques, mais militairement elle avait une force capable de résister à n’importe quelle menace, elle regroupait un ensemble de pays à qui elle arrive à imposer son leadership. Ces deux puissances guerroyées dans une guerre pour imposer leur hégémonie dans le monde ce que Gorge Orwell appelle guerre froide en raison qu’entre ces antagonistes, il n’y a pas eu d'affrontement militaire directe nonobstant la guerre des Corés 1950-1953 et celle du Viêt-Nam 1955-1975 qui demeuraient une vive tension entre les deux puissances. Donc, au lendemain du second grand conflit mondial des grandes évolutions ont enregistré dans les relations diplomatiques avec la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ainsi qu’au niveau de l’économie mondiale. Sur le plan économique, deux grandes étapes peuvent  mentionner. D'abord, la première qui a duré jusqu'au début des années 1970, était placée sur l’égide des accords de Breton Wood avec les duos: FMI et BM qui impliquaient une réglementation des taux de change et un contrôle des mouvements de capitaux pour le bloc l’Ouest. Ce système a été effondré au cours de la seconde phase avec la mondialisation qui est associée à la politique néo-libérale du consensus de Washington des années 1980 qui représente la marque fabrique du capitalisme de consommation.

Ensuite, la période allant fin de 1970 à 2003 caractérisée par la mondialisation et 2003 à nos jours qui est la globalisation. Ces périodes particularisées par un ensemble d’événements.         Tout d'abord, La dislocation de l’URSS en 1991 par l’échec de la politique économique petrostoïca[4] de Khrouchtchev  inauguré dans les années 1985 puis la chute du mur de Berlin en novembre 1989 qui symbolise le triomphe de l’économie néo-libérale et la vaste campagne de privatisation des entreprises d’État qui a commencé en Angleterre sur Margaret Thatcher 1979 et devient mondial au cours des  années 80. Par conséquent, l’État n'est plus un acteur primordial dans l’économie contrairement à la pensée  keynésienne,[5] le marché devient sur la tutelle des plus possédé.

Par définition, le capitalisme de consommation peut se définir comme la diminution ou disparition de la production locale d’un pays sous l’effet de libération de son marché et la diminution de façon considérable du taux d’importation. Par conséquent, l’État s’inscrit dans une logique de défendre les tout puissants qui sont de grands importateurs, acheteurs d’homme et la conscience des groupes de pression issus de différents secteurs de la vie nationale. Les gouvernements imposés sont au rendez-vous pour la ratification des  grandes décisions politico-économiques, et garantir les franchises des nantis. De ce fait, toute une véritable machine de propagande et de pression est embarquée pour concrétiser ce plan comme: les églises missionnaires, les ONG, les médias et le triangle de fer (FMI, BM et OMC)5. Après avoir adopté ces plans, deux possibilités sont présentées : une occasion pour les pays qui ont une capacité de production et une main-d'œuvre plus ou moins qualifiée de profiter du marché mondial pour écouler ses produits. C'est le cas des pays de BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud), les tigres asiatiques (La Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie et le Vietnam et les Philippines) et les dragons asiatiques... En fin, d'autres pays isolés comme la République dominicaine, Argentine, Chili, etc. Ces pays ont compris les jeux de l’impérialisme, les dirigeants arrivent à prendre certaines mesures pour échapper du fléau.                  

La seconde possibilité consiste à effondrer l’État, anéantir la production locale et transformer le pays en un dragon dans la consommation des produits exotiques. Le cas d’Haïti, Salvador, Tchad, Bengladesh, Guinée Bissau, Nigeria, etc. La preuve en est bien grande pour ces pays.

Dans les années 1980, la maison blanche et certains grands entrepreneurs en occurrence avec le FMI et la BM ont élaboré un plan pour décider la nouvelle orientation du monde  économique. Ils ont concocté pour les pays économiquement petits[6] un plan de redressement couramment dénommé Plan d’Ajustement structurel (PAS) avec de grandes rigueurs et d'autres mesures d'accompagnement pour combattre l'inflation, réduire le déficit budgétaire et redresser certains problèmes macro-économiques. Cependant, en profondeur l'objectif était de garantir les intérêts de l’impérialisme à travers le monde. Par conséquent, chaque partie du monde se vit assigner un rôle spécifique dans la planification d'ensemble élaborée : la fonction principale de l'Asie du Sud-est était de fournir des matières premières aux puissances industrielles, l’Afrique devait être exploitée par l'Europe en voie de convalescence et l’Amérique Latine ainsi que la Caraïbe étaient aux emprises des produits américains.  

Au cours de ces mêmes années,  sur la présidence de Jean Claude Duvalier Haïti  a ratifié les accords du consensus de Washington et après le renversement du président Lesly F.  Manigat, le 20 juin 1988 par l'armée en complicité avec les supports de CIA. illico, la mise en application du Plan d'Ajustement structurel (PAS) par la présidence du Général Henry Namphy a été faite promptement et le marché local est inondé par des produits importés qui sont à des prix inférieurs aux produits locaux, un véritable dumping[7] est employé contre l’économie locale. Face à cette concurrence déloyale, les entreprises locales n'arrivent plus à résister et les paysans commencent par abandonner les terres. Conséquemment, les importations nationales passées de 15 000 tonnes par an en 1984 à 350 000 tonnes en 2004. Néanmoins, au cours du mois d'octobre 1996 sur la présidence de René Préval pour pallier les désastres de l’économie le gouvernement a signé un accord sur le Renforcement du plan d’ajustement structurel renforcé (FASR). Grâce à cet accord, Haïti devient membre de l’OMC8. Les tarifs douaniers furent considérablement diminués, élimination des licences pour l’importation, élimination du Quota, les droits de douanes et  privatisation environ dix (10) institutions publiques comme EDH, TELECO, ENAOL, BPH, LOTERIE, CIMENT D'HAÏTI, etc.

 Aujourd’hui, beaucoup de ces institutions ont disparu et les conséquences sont inopportunes pour le pays.

Ordinairement, depuis la vieille date, certains grands débats agitent les milieux socioprofessionnels du pays en vue de comprendre dans quel système économique adopter le mieux en Haïti vu qu'elle défie toutes les normes des systèmes économiques surtout les types de capitalisme couramment enseigné. Désormais, pour comprendre le système économique d'Haïti il faut se démarquer des théories classiques pour garder la structure économique du pays. Considérant la réalité d’Haïti, il ne s'agit plus d’un capitalisme industriel, oligarque, Etat… mais un capitalisme de consommation qui exclut toutes possibilités de  production locale et de concurrence. Un capitalisme de consommation qui rabaisse au jour le jour le premier État nègre du Nouveau Monde en pénitence et le prive de tous les traits dignitaires.

 Présentement,  tous les secteurs des activités en Haïti sont aux barres rouges au profit d’une économie de service ou d’importation. Le secteur d’agriculture avant 1984 qui représentait environ 40% du PIB du pays est moins que 19% aujourd’hui et la masse paysanne incomparablement devient plus pauvre et le secteur touristique depuis la construction du Bicentenaire pour l'exposition internationale en 1949 qui était très avantageuse puisqu' Haïti a été l’une des premières destinations touristiques dans la région pour son histoire, son climat, sa culture et pour ces belles plages naturelles aujourd’hui même sur la liste des pays à visiter elle n’en figure pas à cause de  gravité de la situation interne du pays. Il n’y a que le secteur de la sous-traitance qui reste en dépit de ses mauvais fonctionnements.

Pendant ces trois décennies, le positionnement économique d’Haïti sur l’échiquier de l’économie internationale nous engendre des répercussions catastrophiques. Le pays s'enlise dans un spectre de pauvreté qui affaiblit l’État quotidiennement et on a tendance que l’espoir de s’échapper nous éloigne journellement, le pessimiste est censé devient le credo national.

À chaque fois, nous parlons de la décadence du pays nous négligerons jamais le déboire de nos élites politiques, économiques et de l’arrogance de la communauté internationale. Les gouvernements rétrogrades haïtiens sont entrés dans certaines dynamiques qui métamorphosent l’économie déjà en chute libre. Sans industries agroalimentaires ou transformations, sans la mécanisation de l’agriculture et autres éléments clés du développement. Le pays adhéré à un ensemble accords qui contribuent dans sa paupérisation.

Comparativement à la République dominicaine depuis 1994 qui connait une stabilité politique et qui génère  une croissance économique annuelle consécutive n’a pas ouvert son économie autant qu’Haïti, de 2015 à 2019  elle est unique pays de la région qui connait une croissance économique de plus qu'à 3% par contre elle ne fait pas même partie de la CARICOM.  

Contrairement à Haïti qui fait partie de cette structure depuis 2000, mais  qui reste comme un pays  observateur en raison de manque de production et  depuis  2005, le pays devient membre d'ALENA[8] malgré que le pays repose sur une économie familiale pendant les autres pays membres continuent d'envahir son marché.

Aujourd’hui, plus de 70% des produits consommés en Haïti viennent de l’extérieur principalement en République dominicaine et les États-Unis[9].  Haïti a importé 230 fois de produits plus que la République dominicaine dans ses accords bilatéraux, pour seulement les années 2019 -2020 le pays importe pour une somme de 1,9 milliards de dollars au cours de 9 premiers mois contre seulement 8 millions pour les années 2019, 2020,2021 selon le rapport le rapport préparé par l’économiste dominicain Luis Vargas en 2022.  

Haïti est un véritable marché pour les produits finis des États-Unis.  Dans la région Caraïbenne et le monde, elle est l'un des pays qui consomment plus de riz américain. Depuis 2016 le pays importe 80% de la consommation locale.  Cependant dans les années 70  les plaines d’Haïti ont produit 70% de sa consommation de riz[10]. En plus, une quantité considérable de capitaux sont destiné dans l’importation des véhicules[11], les appareils, électroniques et des produits pharmaceutiques. La réalité haïtienne est un privilège pour certains autres pays  de s’enrichir dans l’alimentation d’environ 12 millions de ménages.    

Les réalités du monde sont en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, des  pays partout dans le monde subissent le poids d’un système mondial fabriqué par les grandes puissances et les films multinationaux qui transforment la planète en un village de jungle. Depuis les années 80 un complot fut construit pour la réorientation du monde économique dont l’objectif du consensus de Washington est, l’échafaudage même du capitalisme de consommation qui réunit le triangle de fer et de grands entrepreneurs pour planifier le gémissement de certains pays. Beaucoup de petits pays dans le monde connaissent des crises majeures et le Plan Ajustement structurel élaboré par les  maitres du monde en est responsable puisque dans la nouvelle réalité, ils transforment l’économie mondiale.  L’État n’est plus au service des plus faibles. Haïti n’est pas épargné pas de cette réalité. Le pays devient à présent un dépotoir de certains autres pays qui inondent ses marchés par des produits. Tant que le pays est dépendant économiquement l’ingérence de la communauté internationale devient évidente. Aujourd’hui, beaucoup d'Haïtiens sont fatigués de l’agonie du pays dans la misère, l'insécurité, l’instabilité. Et les autorités politiques sont dans le déboire, incapables d’instaurer dans le pays une politique de vie. Qu’est-ce qui explique cette incapacité de la part des Haïtiens de changer le cap ? Le Capitalisme de consommation ne contribue-t-il pas dans l’égarement des hommes politiques haïtiens ?

 Enfin, le capitalisme de consommation est un fléau pour certains  petits  pays et Haïti est bien l’exemple vivant.        

 Bibliographie

  • Etzer Émile, Haïti a choisi de devenir un pays pauvre , les vingt raisons qui l'éprouvent , Décembre 2017, Presse de l’Université de Quissequeya, Port-au-Prince, Haïti,251p. 
  • Guy Rocher, La mondialisation un phénomène pluriel, 2001, presse de l’Université Laval, Québec ,360 p. 
  • Herbert Marcus, L'homme unidimensionnel, les éditions de Minuit, France, 284p.
  • Jean Ziegler, Destruction massive, géopolitique de la faim, Éditions du seuil, Paris,250p.
  • Jerry Mender,John Cavanah, L'alternative à la globalisation, un monde meilleur est possible, 2005, les éditions ecosociétés,Sans Franscico CA.
  • Lénine, Impérialisme Stade Suprême du Capitalisme, Avril 1917, à Petrograd.
  • Tomas Lalime, Économie haïtienne, Radiographie d'un désastre, 2014, C3 Éditions, Port-au-Prince, Haïti 234p.

1. https://lenouveliste.com/,Ritzamarum Zetrenne, Haïti est devenu plus pauvre en 2021, publié le 11 Janvier 2022

Écrit par

SINOBLE Frantz dit PRINCE Frandy, étudiant en Antropo-Sociologie et Sc Économie.

Email: princefrandy3900@gmail.com


[1] Karl Marx, Critique de l’économie politique, 1859…

[2] Lénine, Impérialisme Stade Suprême du Capitalisme, Avril 1917, Petrograd.

[3] .EBERT Marcus, l'homme unidimensionnel, les éditions de Minuit, France, 284 p.  

[4] Réforme politique économique de l'administration Gorbatchev qui occasionne des désastres économiques dans certains pays. 

[5] John Magnard Keys, Économiste Britannique, son idée était une véritable réussite dans la crise des années 30. 5  Jerry MANDER et John CAVANAGH, Alternative à la globalisation économique, un monde meilleur est possible, 2005, les éditions ecosociété, Sans Francisco, CA .p 95 

[6] Pour les économistes contemporains, une économie est petite quand elle ne peut influencer l’économie mondiale. 

[7] Stratégie utilisé par un pays dans l'objectif d’anéantir l’économie d'une autre. 8 Créer en 1997 devient OMC en 1995. 

[8] Accord libre Échange Nord-Américain.

[9] En 2012 MCI a publié un rapport, il révèle 74 % des entreprises du pays vendent des produits importés seulement 26% de entreprises commercialisent les produits locaux.

[10] En 1994 le taux d'importation passe de 50% à 3%. Ce qui engendre des grandes conséquences sur les entreprises ou commerçants nationaux.

[11] Avec la transition démographique que connaît le pays, un effectif considérable des jeunes est dans le domaine de transport comme motos, machine etc.

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