« La Covid-19 va rester parmi nous ! »

D’après les dernières constatations des scientifiques, le Sars-CoV-2 fait dans le corps des ravages bien plus que l'on pensait. Pratiquement aucun organe n'est épargné par l'attaque de l’agent pathogène. Et le nouveau coronavirus n’est pas près de disparaître, font savoir beaucoup de chercheurs, ce que vient de confirmer l’OMS.


297 765 personnes sont déjà mortes du nouveau coronavirus de par le monde. Le nombre de cas confirmés d’infection au coronavirus Sars-CoV-2 se porte aujourd’hui, 14 mai 2020, à 4 425.656 cas. Le chiffre grimpe seconde après seconde.

Ce qui frappe particulièrement les chercheurs, c’est que le virus parvient à pénétrer dans les poumons de certains sujets, mais pas dans ceux d’autres personnes. De quoi dépend le fait qu'une personne soit gravement malade ou non ? Les chercheurs n’ont pas encore de réponse à ce sujet. Dans un article (« Der Spiegel », 9 mai 2020), le biologiste Philip Bethge (53 ans) soutient que le nombre d'agents pathogènes attaquant le corps au début semble avoir une influence.Mais surtout les personnes ayant des antécédents médicaux doivent particulièrement craindre le Sars-CoV-2. On suppose qu'un quart de la population d'Europe centrale appartient à ce groupe à risque. Dans cette catégorie fragilisée, on compte les patients en surpoids, les diabétiques, les hypertendus, les grands fumeurs, etc.

Une autre question se pose : comment se fait-il que certaines personnes survivent aux dégâts causés par le Sars-Cov-2 en sortent presque indemnes et que d'autres en meurent ? Jusqu'à présent, les scientifiques n'en savent rien. Toutefois, des éléments indiquent que le virus - semblable à l'agent pathogène du sida - peut attaquer certains globules blancs et ainsi affaiblir la propre ligne de défense de l'organisme, celle censée arrêter l'agent pathogène.


Certains patients sont-ils plus sensibles que d'autres en raison d'une prédisposition génétique ? Pour le savoir, la société de biotechnologie californienne « 23andMe » envisage de passer bientôt au peigne fin le génome de ses dix millions de clients afin de trouver des séquences d'ADN qui pourraient prédire le cours de la Covid-19.


En attendant, il y a l’espoir et le fait de savoir que la plupart des gens s'en sortent. Christian Strassburg, professeur de médecine interne à l’Université de Bonn (Allemagne) affirme que « sans maladies antérieures, même les cas graves ont 80 % de chances de survie ». Mais il ajoute qu’il faut quand même faire attention, surtout en ce moment où les restrictions de contacts en vigueur depuis la mi-mars sont en train d’être levées au fur et à mesure. Cependant il pense que le risque reste très élevé qu'un grand nombre de patients doivent être admis à l'hôpital dans un court laps de temps. « Du coup, prévoit Bethge, la pression sur les médecins et les infirmières deviendra alors énorme vu qu'en quelques jours, l'état de certains patients peut se détériorer considérablement. » Il croit que si la mort survient, la cause n'est pas toujours le virus lui-même, mais le système immunitaire de la personne malade : il peut, dans une réaction excessive et dévastatrice, se retourner contre son propre corps.

Tempête dans l’organisme

En pareil cas, le médecin parle de ces « cytokines » (substances élaborées par le système immunitaire, réglant la prolifération de cellules) qui sont alors libérées en grandes quantités. Ces molécules de signal endogènes déclenchent une cascade de réactions biochimiques dans l'organisme, affectant aussi le système immunitaire. La fièvre accélère le métabolisme et tue les virus. Les parois des vaisseaux sanguins sont, en quelque sorte, percées de trous afin que les cellulesphagocytaires (appelées aussi « cellules mangeuses ») puissent attaquer les intrus plus efficacement. Pendant ce temps, le cœur fonctionne à pleine vitesse.

Les médecins affirment que cette réaction est normale. Cependant, ils expliquent qu’en cas d'inflammation grave, le système immunitaire peut « surréagir » et déclencher la « tempête de cytokines ». « Cela conduit à une réaction qui ressemble à un empoisonnement massif du sang, sans en être un », dit Strassburg. Plusieurs organes peuvent alors tomber en panne simultanément. « Si la réaction immunitaire excessive aux agents pathogènes dure trop longtemps ou si elle est trop intense, elle tue l'organisme ».

Que livrent les autopsies des morts de Covid-19 ? Pour ce faire, Philip Bethge met en scène le pathologiste Johannes Friemann, directeur au service de Pathologie à l'hôpital de Lüdenscheid. Ce professeur a déjà autopsié 19 victimes du Sars-CoV-2. Dans les alvéoles pulmonaires des cadavres, il a découvert « des cellules épithéliales pulmonaires ’’exfoliées’’, des ’’sécrétions’’ de protéines du sang à travers les parois des vaisseaux qui fuient et - ce qui est typique des maladies virales - des cellules à noyaux multiples ou élargis ».

Friemann a aussi constaté que « les parois de la grande majorité des alvéoles pulmonaires sont ’’de plusieurs fois plus larges’’ et que de nombreux poumons souffrant de Covid-19 étaient ’’insuffisamment dépliés’’. Cela rend l'absorption d'oxygène plus difficile. »

Ce qui est aussi intéressant, c’est que Friemann confirme ce que les médecins de Hambourg, de Suisse et des États-Unis rapportent également, à savoir que la plupart des personnes décédées étaient déjà malades avant l'infection au Sars-CoV-2. Friemann a signalé une cirrhose du foie, une artériosclérose sévère et des « cœurs à haute pression ».

Les patients sont-ils donc morts du Sars-CoV-2 ou d’autres affections ? Pour Friemann, « on ne peut pas vivre avec un tel poumon ! ». Donc, l'infection virale est, selon lui, la cause de leur mort. Sans l’infection, beaucoup de ces sujets seraient encore en vie. Ce disant, il conteste ceux qui affirment que les personnes mortes de la Covid le seraient de toute façon. De son côté, Philip Bethg rappelle qu’un récent calcul d’épidémiologistes britanniques montre également à quel point l'affirmation selon laquelle la plupart des décès dus au Covid-19 seraient de toute façon survenus rapidement est discutable, car « les femmes victimes de Corona perdent en moyenne 11 ans de vie, les hommes 13 ans ».
« Nous devons être réalistes ! »

En raison de la propagation rapide et mondiale du nouveau coronavirus, certains scientifiques soupçonnent qu’on ne va pas pouvoir s’en débarrasser aussi facilement. Le coordinateur de l'aide d'urgence de l'OMS, Michael Ryan, vient de faire part de son scepticisme quant à la possibilité d’éliminer irrémédiablement le virus. « Ce virus peut devenir endémique dans la population et ne plus jamais disparaître », a déclaré cet expert à Genève, mercredi soir.

Le VIH, le virus du sida qui déclenche la maladie d'immunodéficience, n'a pas disparu non plus. Dans le cas du VIH, a-t-il fait remarquer, le monde a réussi à créer des médicaments et à prendre des mesures préventives de sorte que le virus a perdu de sa dose d’horreur. « Je ne veux pas comparer les maladies, mais nous devons être réalistes », a fait savoir M. Ryan.

Pour lui, il n’existe qu’une faible chance d'éradiquer le nouveau virus Sars-CoV-2, c’est de trouver un vaccin très efficace, le produire en quantité suffisante et le distribuer dans le monde entier. Il faut, selon lui, que les gens acceptent de se faire vacciner. « Chacune de ces étapes est pleine de défis », reconnaît-il. Surtout la phase de vaccination, car le mouvement anti-vaccin devient de plus en plus fort.

Il a critiqué le scepticisme généralisé à l'égard de la vaccination et le manque de ressources pour de bons systèmes de santé dans de nombreuses régions du monde. « Après tout, nous avons sur cette planète des vaccins très efficaces que nous n'avons pas utilisés efficacement », a-t-il mentionné, en faisant référence à la rougeole. Le nombre de cas de rougeole augmente à nouveau depuis plusieurs années.

Avec les bonnes mesures pour détecter les personnes infectées, isoler celles qui pourraient l'être et fournir un traitement efficace, le virus peut être maîtrisé, a souligné de son côté l’experte de l'OMS Maria Van Kerkhove. Des vaccins et des médicaments sont en cours d'élaboration à grande vitesse.

« Sans un vaccin, nous n’allons pas pouvoir revivre normalement », avait dit la veille le scientifique et médecin Peter Piot, conseiller spécial de la présidente de l’Union européenne, Ursula von der Leyen. Il est l’un des découvreurs du virus Ebola.

Plus d'une centaine de vaccins sont actuellement développés dans le monde entier pour lutter contre le sars-CoV-2. Mais dans le pire des cas, il peut s'écouler des années avant qu'un vaccin ne soit disponible. D'ici là, le virus restera parmi nous. Même si l'épidémie devrait s'atténuer un peu, ils sont nombreux les chercheurs qui s'attendent à une nouvelle vague d'infection prochainement.

Huguette Hérard

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