La population joue la carte de l'imprudence

En dépit des 15 cas confirmés, une bonne majorité des Haïtiens semble douter de la présence réelle du Covid-19 sur le sol haïtien. Elle fait fi des recommandations arguant, sans base logique, que la maladie n'est qu'une fable inventée par l'équipe gouvernementale pour se maintenir au pouvoir.

Les cas de personnes touchées par la pandémie en Haïti sont à la hausse. De 2, 5, 6, 7à 8, on est passé désormais à 15 contaminations. Malgré tout, une partie non négligeable de la population n’en est pas encore consciente. Comme un objet sans importance, elle ignore, les alertes, les principes de précautions recommandées ainsi que les mesures de restriction adoptées pour éviter la propagation incontrôlée de la maladie.

Un petit tour à travers certaines villes d'Haïti permet de constater le dédain avec lequel les riverains reçoivent la nouvelle que le coronavirus est dans nos murs. Leur indifférence par rapport aux règles hygiéniques recommandées dit tout. Madame Eustache, vendeuse de fritures, ne prend aucune précaution. Elle essaie de servir simultanément trois clients avec lesquels elle discute à gorge déployée. « Bon si te gen korona vre an Ayiti pa t ap gen on Ayisyen ankò », balance-t-elle soutenue par ses clients qui, en synergie avec elle forment une chorale pour fustiger les autorités. Sans se soucier de la contamination possible de toute la marchandise exposée, ils traitent le coronavirus de maladie fantôme.

Les habitudes ne changent pas réellement. Des accolades, des attroupements, les gens vivent comme en temps normal. L'infection est le cadet des soucis des marchandes et marchands du commerce informel. Comme le disent certains messages de spécialistes charlatans des réseaux sociaux, ils sont convaincus, en dehors de toute évidence, que les noirs sont immunisés. « Ou pa wè se blan yo l ap touye. Maladi sa a pa pou nou menm nwa. Nou rezistan », ont expliqué la majorité des occupants de la gare routière Léogane/Port-au-Prince. En guise de campagne contre le Covid-19, ils s'adonnent à une contre-sensibilisation.

Pire, une grande quantité des interviewés croient qu’il s’agit d’un vaste complot des élites mondiales : yo wè nou pa genyen l kounye a y ap vin vaksinen nou pou yo ba nou li pou yo ka touye nou tout », déclare avec insistance un jeune de la trentaine supporté par quelques marchands qui prennent les contre-pieds des arguments d’étudiants impuissants tentant de leur expliquer la réalité du virus et les risques de sa propagation en Haïti.

Les campagnes de sensibilisation s'intensifient. Sur les réseaux sociaux, dans les médias traditionnels, et, à une échelle très faible, de bouche à oreille, les messages tournent en boucle. Cependant, vraisemblablement, cet effort de communication de masse est freiné par l’ignorance, soutenue par les publications malhonnêtes et mensongères, sur les réseaux sociaux. De plus en plus, les personnes les moins éduquées sont devenues imperméables à l’imminence et à l’importance de la menace.

Il n'y a pas que cela. Certains d'entre eux pensent qu’il s’agit de l’œuvre de Dieu. Pour ces croyants, nous sommes en train de vivre l'apocalypse et, par conséquent, seule la Providence peut contrôler la pandémie. Une position fataliste qui les encourage à passer outre les mesures du Gouvernement. D'autres, plus matérialistes, mettent en doute la volonté et la capacité de l'État. Certains, plus philosophes ou résignés, réclament le droit de vivre avec l'esprit tranquille sans se laisser paniquer par les, précisent-ils, fausses alertes des élites mondiales qui ne visent qu'à effrayer et alarmer la population.

Daniel Sévère

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