Le coronavirus joue à cache-cache

On nous a toujours décrit la fièvre et la toux sèche comme typiques du Covid-19. Mais les chercheurs ont découvert qu’il existe d’autres symptômes additionnels, ce qui ralentit et complique la lutte contre le virus.

À quels signes se fier ? C’est la question que tout le monde, ahuri, se pose, étant donné que le coronavirus a cette capacité d’apparaître de manière variable. C’est pour ça qu’il est surnommé « caméléon médical », et il en est seulement un parmi une dizaine du genre dont la syphilis, la sarcoïdose, le lymphome de Hodgkin (cancer du système lymphatique) ou la maladie cœliaque (intolérance au gluten). Comme ce petit reptile d’Afrique et d’Inde, le Covid-19 change d’apparence selon la personne. Les symptômes peuvent être différents, de même que leur gravité. D’où la difficulté pour les chercheurs et les épidémiologistes qui cherchent à le circonscrire.

Dès le début de l'épidémie, les experts avaient indiqué que les signes les plus courants de Covid-19 étaient la toux sèche et la fièvre, mais que ces symptômes pouvaient également être accompagnés d’autres manifestations. Par exemple, le rhume et d'autres maladies.

Par la suite, en interrogeant une centaine de patients infectés, le virologue allemand Hendrik Streeck avait pour sa part découvert de nouveaux symptômes spécifiques. Environ deux tiers des malades avaient décrit avoir perdu leurs facultés olfactives et gustatives pendant plusieurs jours. « À tel point qu’une mère ne pouvait pas détecter l'odeur de la couche salie de son bébé, rapportait le professeur dans une interview au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) du 16 mars 2020. D'autres ne pouvaient plus sentir leur shampoing et la nourriture commençait à avoir un goût fade. » Le virologue ne pouvait pas préciser à quel moment ces symptômes apparaissaient, mais il pense que c'était une fois « qu’ils avaient développé la maladie ».

Au fil des semaines, la certitude et les espérances se sont transformées en désillusion. Chaque fois qu’on pense trouver des symptômes bien spécifiques, on se retrouve avec des cas différents.

Initialement, beaucoup de médecins croyaient que les deux symptômes (toux et fièvre) se retrouvaient chez environ 75 % des personnes touchées. Maintenant ils seraient « moins fréquents que prévu ». Selon le président de l’Institut allemand Robert-Koch (1), Lothar Wieler, seulement 40 à 50 % des personnes infectées en Allemagne ont une toux sèche ou de la fièvre.

Des médecins urgentistes suisses affirment que les symptômes de la maladie de Covid-19 sont non spécifiques. Comme le rapporte aussi le magazine spécialisé suisse « Swiss Medical Weekly » (2), le tableau clinique est très variable, surtout chez les personnes âgées. Elles présentent des symptômes qui ne correspondent pas directement avec la maladie, tout comme elles peuvent montrer des signes typiques du coronavirus sans l’avoir réellement. La revue évoque le cas d'un patient de 83 ans qui montre également que « les symptômes de la maladie, jusqu'alors inconnus, sont de plus en plus fréquents. ».

Ni toux ni fièvre

Le journal rapporte que ce patient a été admis aux urgences après une chute avec des douleurs à la poitrine. Le résultat de la tomographie par ordinateur a finalement montré que ses poumons avaient été modifiés et qu'il avait été infecté par le coronavirus. Mais il n'avait ni toux ni fièvre.

Cependant, les signes non spécifiques ne se manifesteraient pas seulement chez les patients âgés. Il semble qu’il y ait de plus en plus de cas dans lesquels la personne infectée ne présente aucun des symptômes connus du coronavirus, mais qui connaît néanmoins une évolution grave de la maladie. Plus que jamais, les médecins sont confrontés à un énorme défi. D’autant plus que, comme le précise fort à propos Business Insider (3) dans sa contribution du 26 mars dernier, sans l’existence de symptômes on ne peut pas faire de tests et encore moins d’établir un protocole de traitement (isolement, quarantaine ou toutes autres thérapies).

Il cite d'autres rapports de cas individuels qui ont également montré que plusieurs patients ne présentaient pratiquement aucun symptôme au départ. Parfois, ils se plaignaient de douleurs à la poitrine, à la ceinture scapulaire et au cou, « plaintes connues des pneumologues comme des symptômes de pneumonie atypique. »

Le fait qu'il y ait de plus en plus de personnes malades sans symptôme a été démontré par l'exemple du Diamond Princess, le navire sur lequel plus de 700 personnes ont été infectées par le virus Corona (4). Parmi les personnes infectées à bord, 18 % d’elles ne présentaient aucun symptôme. La plupart d’entre elles étaient âgées et de ce fait, plus propices à contracter la maladie.

Selon l'épidémiologiste Gerardo Chowell de l'Université d'Atlanta, cité par Business Insider, la proportion des personnes âgées du bateau était importante. Ce scientifique estime que la répartition des âges sur le navire devrait également être prise en compte. Il suppose que le nombre de personnes infectées sans symptômes pourrait être beaucoup plus élevé dans la population générale. Ce qui a de quoi inquiéter plus d’un.

Pour Rishi Desai, épidémiologiste engagé dans la lutte contre le Covid-19, les gens réagissent différemment à la maladie, car « chacun a un système immunitaire unique ». Il suppose que certaines personnes ne présentent les symptômes que dans certaines zones du corps, alors que chez d'autres, ils affectent le corps tout entier.

Le New England Journal of Medicine a récemment souligné qu'il fallait « accorder plus d'attention aux évolutions et aux symptômes des maladies atypiques ». La raison en est que la quantité de virus dans les voies respiratoires supérieures ne diffère guère entre les personnes infectées avec et sans symptômes. Pour cette revue spécialisée, suivre l'évolution de la maladie contribuerait donc à une meilleure protection de la santé publique. Mais le fait que les symptômes sont si peu divers brouille terriblement les pistes, empêchant les chercheurs d’affronter correctement le monstre.

Huguette Hérard

N.d.l.r.
(1) L’Institut Robert Koch est une institution du gouvernement fédéral dans le domaine de la surveillance et de la prévention des maladies.
(2) Swiss Medical Weekly est une revue médicale existant depuis 1871 dont les articles sont soumis à un processus d'évaluation par les pairs.
(3) Business Insider est un site web américain d'informations financières et commerciales fondé en 2009.
(4) https://www.pourlascience.fr/sr/covid-19/covid-19-les-lecons-du-diamond-princess-19031.php.
 

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