Coronavirus : quel modèle de leadership, de créativité et d’innovation pour Haïti ?

Du leadership politique indispensable, en passant par la créativité adaptée dans les programmes de santé publique, et des approches découlant de l’innovation dans les domaines de l’économie et de la finance, tels sont les trois piliers indispensables à prendre en compte pour assurer une véritable gestion responsable et efficace, visionnaire et rationnelle dans la nouvelle crise de coronavirus, qui s’abat sur Haïti.

Diriger c’est prévoir. Et pour prévoir, il faut des informations crédibles en temps réel pour planifier au sein des équipes compétentes et multidisciplinaires. D’où la nécessité de constituer des organisations portées par des leaders responsables, pour mieux consolider des synergies entre des acteurs conscients des vrais enjeux de l’heure et partageant des objectifs communs.

De la créativité en temps de crise. Oui, il nous faut redéfinir les codes de valeurs pour pouvoir atteindre le plus grand nombre de personnes vulnérables, dans ce contexte où aucune personne n’est épargnée. Quelles sont les formes possibles de créativité possible à appliquer dans le secteur médical entre les services, les produits ou les procédures ? En attendant, l’État a pour devoir de créer de nouvelles passerelles entre les hôpitaux publics et privés afin d’augmenter la capacité d’accueil pour les prochaines semaines à venir. Il faudra à tout prix éviter les possibles dommages collatéraux entre une population très peu formée et vulnérable, face à des personnels médicaux susceptibles et frustrés dans beaucoup de cas, occupant des locaux administratifs et des équipements sanitaires pas toujours sécurisés ?

De la créativité en temps de crise dans le secteur médical haïtien. Quelles sont les réflexions et les réponses possibles ? Les entreprises impliquées dans la production et la distribution des produits pharmaceutiques sont aussi invitées à formuler des actions concertées pour pouvoir disposer en stock et fournir une liste des médicaments de qualités et accessibles au plus grand nombre.

Du personnel médical disponible sur le territoire, en majorité, composé des Haïtiens et des Cubains entre autres, c’est le moment de trouver une issue au problème d’intégration des médecins formés dans d’autres pays. Entre les médecins, les infirmières, les techniciens de laboratoire et les pharmaciens, il parait urgent pour les associations regroupant ces derniers et les centres de formation professionnels et universitaires reconnus, de constituer une fois pour toutes des réserves de professionnels de la médecine pour l’ensemble des régions du pays. Autant poursuivre à distance la formation initiale et continue de ces professionnels de l’urgence en cas de propagation accélérée du virus en Haïti, beaucoup moins préparé que l’Italie, encore moins aimé ou aidé depuis toujours par les autres pays amis !

Dans la liste des innovations possibles sur le plan économique et financier, les dernières mesures prises par la Banque centrale haïtienne sont à saluer dans une conjoncture pareille. Toutefois, il manque d’autres initiatives du genre à prendre en compte par les autres maillons de la chaine. Que dit l’État par rapport aux entreprises privées qui décident de fermer boutique afin de participer à cette campagne de prévention ? Quelles sont les ententes de ces patrons avec leurs employés au regard de la loi haïtienne ? Quel modèle d’entrepreneuriat, particulièrement numérique et orienté vers les domaines de la santé, de la sécurité, des loisirs à la maison ou dans le travail à distance que l’État haïtien pourrait encourager en ces temps de crise ?

Désormais la République d’Haïti compte ses nouvelles victimes certainement contaminées par l’épidémie de coronavirus au cours du mois de mars 2020. Comme la grande mode, plusieurs pays de la région,comme la République dominicaine dépassant largement notre voisin, qui compte déjà des milliers de cadavres. Avec ou sans l’aide des autres pays et des organisations internationales, comment Haïti pourra-t-il faire face avec ces propres moyens en dehors de la solidarité internationale ?

Dix ans après le tremblement de terre et la propagation de l’épidémie du choléra en Haïti, l’État et la population sont appelés à gérer une nouvelle tragédie qui risque d’être beaucoup plus pire pour les familles haïtiennes, prisonnières depuis des décennies de la misère. Ces familles dans la grande majorité sont prises en sandwich entre des bidonvilles et l’insécurité, entre l’absence de plan d’urbanisme et l’inexistence d’un système de transport en commun moderne, les catastrophes naturelles et humaines, en dehors du « Bon Dieu bon» et de toutes les formes de superstitions.

Duel certain entre les bonnes intentions de dire la vérité qui accompagne les déclarations des officiels et la réalité critique et camouflée qui empoisonne le quotidien de la grande population des masses oubliées dans les enquêtes et les statistiques. Ce qui rend pratiquement difficile de planifier le développement réel du pays, à partir de politique publique. Quel modèle de leadership, de créativité ou d’innovation à mettre en œuvre pour pouvoir offrir des services de santé de qualité aux différentes zones de non-droit dans le pays actuellement ?

Devant cette nouvelle menace grandissante imposée par le coronavirus, il nous faut bien penser le modèle de leadership qui aura la charge de gérer une telle crise, pour mieux aider à réussir cette noble et difficile mission. Quels sont les professionnels impliqués au plus haut niveau dans la gestion de cette crise ? Quel est le niveau de compétences, les spécialisations et les expériences en matière de gestion de crise de ces acteurs et décideurs, ces opérateurs et exécutants, certainement très motivés à servir leur pays ? Où sont passées les équipes qui ont servi le pays lors des urgences de 2010, entre le tremblement de terre et le choléra, avec des membres encore actifs, vivants ou à la retraite ? Pourquoi l’État a pour devoir d’utiliser en ces temps de crise, ces ressources qui ont été formées dans la gestion des urgences et qui disposent également des expériences nourries sur le terrain ?

Depuis toujours l’exemple doit toujours venir d’en haut, voilà pourquoi il nous faut encourager au plus haut niveau une telle approche inclusive, pour dépasser les sensibilités de clans politiques et partisanes, afin de mieux faire face aux défis majeurs qui exigent des réponses collectives.

Difficile de parler de leadership politique ou de responsabilité partagée en temps de crise, sans faire appel aux rôles intermédiaires et incontournables des acteurs des collectivités territoriales. Pour gérer nos villes et plus particulièrement les populations civiles, entre la prévention et le confinement, la circulation des biens et des personnes et la propagation de l’épidémie, il faudra impliquer l’ensemble des mairies.

Dans une valorisation intelligente et une exploitation stratégiques des ces trois principaux piliers : 1-Leadership/politique ; 2-Créativité/santé ; 3- Et l’innovation/économique), à combiner certainement avec les deux autres leviers incontournables tels que l’éducation et la communication, il est possible de faire de cette nouvelle crise du coronavirus une nouvelle opportunité pour Haïti. Et si l’État haïtien se décidait à constituer une cellule sur la base de l’intelligence économique, pour mieux penser l’avenir, prospecter et proposer des réflexions et des modèles de réponses face aux questions que se posent toutes les couches de la population haïtienne ?

D’ici juillet et jusqu'au 1er octobre 2020, et pourquoi pas en 2030, dans quel sens l’épidémie du Covid19 va-t-elle réellement influencer la vie en Haïti, en passant par la migration et la diaspora ? Comment cette épidémie du coronavirus va-t-elle orienter les prochaines élections en Haïti ? Dans quel sens le Covid19 va-t-il contribuer à l’émergence des nouveaux candidats et d’autres discours sur la corruption et les droits humains ? Des opérations électorales traditionnelles, en passant par les campagnes sur les réseaux sociaux, l’obligation pour le pays de se tourner vers le vote électronique sont à noter ? Quels seront les candidats ou les communautés à forte potentialité électorale qui seront touchés par le virus ? Comment le coronavirus pourrait-il influencer positivement sur la stabilité politique, la situation économique et le développement durable du pays le plus pauvre de la région ?

Des vies à préserver et des familles à protéger, qui deviendront de potentiels votants réels ou des votes blancs. En attendant l’arrivée des prochaines missions d’observation électorale composées en majorité des blancs, qui porteront cette fois-ci des masques pour valider les prochains résultats, il nous faudra dès maintenant construire, déconstruire ou reconstruire le leadership collectif intelligent et indispensable qui manque au pays depuis plus de 216 ans.

Dans ce contexte de globalisation revue à la baisse, d’isolation des pays et de confinement des familles avec le coronavirus, il nous faudra revoir dans la forme et le fonds nos pratiques dans les relations humaines et les relations internationales, à l’aune d’un nouveau modèle de leadership.

Disposant de quelques masques et des gants dans nos réserves, comme la Bible rapporte souvent les exploits de Jésus avec les petits poissons, les autorités et les élites haïtiennes vont devoir user de leur créativité pour innover, en apportant des réponses aux questions, des solutions aux vieux problèmes qui emprisonnent le bien-être de la population et empoisonnent l’avenir de toute une génération. Beaucoup plus que le tremblement de terre ou le choléra, le coronavirus ne fera pas de cadeau si nous persistons à reproduire les mêmes systèmes de valeurs rétrogrades sans nous mettre à jour avec ce nouveau modèle de leadership que cette couronne infectieuse nous impose !

Dominique Domerçant
 

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