Pour marquer les cent ans de naissance du poète Raymond Chassagne

Le poète Raymond Chassagne aurait eu cent ans cette année s' il était encore vivant. Né le 13 février 1924 à Haïti, Chassagne a séjourné aux États-Unis et s'est ensuite installé au Canada. Il a publié plusieurs recueils de poésie, dont Mots de passe (1976) ou Carnet de bord (2004), et des essais, notamment sur les œuvres d'Édouard Glissant ou Aimé Césaire.

L’œuvre poétique de l’écrivain est durablement influencée par l’histoire de son pays qui est, selon ses propres termes, « [un] parcours chargé de défis : la dénaturation de la création d’un pays, les subséquentes mythiques et les difficultés rencontrées dans la construction d’une véritable citoyenneté ». La maison d’édition Mémoire d’ encrier  a évoqué  le  dernier recueil de poèmes, » Éloge du paladin «  Dans son dernier recueil de poèmes, Éloge du paladin (2012), Raymond Chassagne guettait « la voix des troubadours de jadis ou des paladins poètes, lesquels persistent à proposer des voies un peu moins industrialisées, plus claires, plus accessibles, plus humaines en tout cas, et grâce auxquelles l’homme pourrait enfin retrouver sa juste mesure. »

Toujours selon Rodney Saint Eloi de Mémoire d’ Encrier L’œuvre de Raymond Chassagne couvre aussi bien la prose analytique que l’écriture poétique. Le point nodal de son œuvre est la poignance de l’aventure haïtienne, qu’il définit comme un « parcours chargé de défis : la dénaturation de la création d’un pays, les subséquences mythiques et les difficultés rencontrées dans la construction d’une véritable citoyenneté ».  « La poétique de Chassagne tout comme ses réflexions – vise à l’avènement d’un vivre-ensemble en Haïti. »

À l’ occasion du centenaire de naissance de Raymond Chassagne,  Le National propose à ses lecteurs l’ un de ses poèmes :  «       Incantatoire

     « Si mon ordre introuvé m’est devenu menace, survivrai-je au reste de ma terre, alaisant l’espace vécu à vivre ? Nous cherchons bouées à défaut de sillage, et mouvance inquiète nous arrive l’horizon, agonie ou promesse, au gré du sursaut déjà nés du divers, voici que se défont les destins, nous livrant, pour un temps-mirage, à notre seule force des doigts et d’une foi elle-même à bâtir aussi bien dans l’exigence du concept que dans le tracé d’un entour soumis à nos errances, discours et pratique

Quel est donc ce lieu, où nos sueurs dévalent l’effort, sans cesse dénouant nos récurrences, pour les retrouver aussitôt à ce rendez-vous d’épreuve où l’exil est intérieur, plus terrible encor ?

Quel est ce lieu où se concertent cris et regards, toutes souffrances réunies, l’incantatoire ?

Et quel, ce lieu où s’épuisent nos frères, où la bravade, cessant paroles, cassant paroles, mène à la main blessée giclant sur la lame, l’étonnement, la brûlure ?

Nous voilà ainsi confrontés à notre propre blessure ; elle n’est point de féconde expérience ; c’est difficile cicatrice, c’est vanité heurtée, sans demi-teinte ; c’est lune amère

Mais que cela ne soit et que nous arrive enfin l’Autre, avec sur les lèvres la bonne parole insulaire. Quelle ordalie que ta douceur, quand la mer sera calme et sans galions, mer pestèle et mer pour gestes de fruit !

Bonne parole ? Voulant dire ce à quoi l’homme a recours lorsque désemparé devant sa propre nature et son semblable, alentour : ô mon amour, ô mon amour ! »                                                


Schultz Laurent Junior

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