LE DEVOIR DU COMPLOT

La honte, le désespoir et l’humiliation sont en train de miner la société haïtienne. On voudrait bien revenir à l’époque de la dignité et de la confiance en soi qui nous faisait traiter, ironiquement, par nos congénères de « frenchies ». De l’élégance, ça ne nous manquait pas ! C’était avec une certaine fierté qu’on venait voir le Bicentenaire, le grand boulevard du Bor-de-Mer, pour reprendre l’exemple d’un savoir-faire urbain civilisé. La capitale, à l’époque, était tenue quotidiennement propre. Il était possible de voir d’un bout à l’autre une avenue, car la population n’était pas si dense comme aujourd’hui et les véhicules n’étaient pas en si grand nombre. Quand un événement comme l’Occupation en 1915 provoquait la honte, le désespoir et l’humiliation, on savait comploter. C’était un devoir citoyen.

La honte, le désespoir et l’humiliation sont en train de miner la société haïtienne. On voudrait bien revenir à l’époque de la dignité et de la confiance en soi qui nous faisait traiter, ironiquement, par nos congénères de « frenchies ». De l’élégance, ça ne nous manquait pas ! C’était avec une certaine fierté qu’on venait voir le Bicentenaire, le grand boulevard du Bor-de-Mer, pour reprendre l’exemple d’un savoir-faire urbain civilisé. La capitale, à l’époque, était tenue quotidiennement propre. Il était possible de voir d’un bout à l’autre une avenue, car la population n’était pas si dense comme aujourd’hui et les véhicules n’étaient pas en si grand nombre. Quand un événement comme l’Occupation en 1915 provoquait la honte, le désespoir et l’humiliation, on savait comploter. C’était un devoir citoyen.

Depuis les rafles nocturnes, les exécutions sommaires de Papa Doc, une paranoïa collective s’est abattue sur toutes les classes sociales. Ceux qui avaient les moyens s’exilaient. Ceux qui ne pouvaient pas laisser le pays s’enfermaient entre quatre murs, jetant des coups d’œil suspicieux par des rideaux de fenêtres précautionneusement soulevés. Les collabos étaient de toutes les classes sociales, du bourgeois bousculé à la classe moyenne montante, jusqu’au paysan dont le docteur du pian jouait sur ses affects culturels.

Le complot basculait dans le camp d’un petit secteur intellectuel isolé alors que contre la honte, le désespoir et l’humiliation, la nation consciente devait se liguer collectivement pour reconquérir sinon l’élégance « frenchie » du moins la vigueur de l’identité d’un peuple qui s’est révolté contre l’esclavage. Le petit secteur intellectuel isolé ne savait pas comploter.

Brillants entre livres et théories, ils se faisaient tuer pour des erreurs de « petits-bourgeois ». L’exemple de la pochette de cigarette achetée pour Jacques Stéphen Alexis dans le maquis par un paysan lié au circuit du macoutisme est souvent avancé. Certains végétaient en exil. On ne saura peut-être jamais pourquoi Marie Chauvet Vieux est morte de cancer du cerveau… La merde fasciste néantisait, dans une brutalité sans merci, ceux qui, dans les formalismes récupérateurs, ne savaient pas que le devoir du complot incluait aussi le calcul de la mort qui fait avancer la lutte.

Par ces temps des individualismes aveugles, on complote. Mais on le fait tant et si bien pour faire triompher les pompes matérielles de l’arrivisme, qu’on ne voit pas la débâcle nationale. La présence du « blanc » conforte sous le faux prétexte que la guerre civile éclaterait déjà. C’est une sorte d’ascension sociale de se retrouver avec les gestionnaires internationaux que d’être en présence de comploteurs paysans.

Le quinquennat passé laisse des traces d’anciens préjugés sociaux chez les acculturés d’une Classe moyenne en déroute par déficit de lecture. On a entendu dans un restaurant un jeune branché dans la pompe de l’arrivisme ambiant affirmer : « Nous allons comploter contre ces hommes laids qui arrivent au pouvoir et qui avilissent le pays ! » Lui dire que Senghor, Césaire, Price Mars, Cheik Anta Diop ont âprement lutté contre des frères de race tenant de tels propos serait sermonner dans le désert ! Le complot de l’épiderme lié à l’arrivisme matériel refait surface. Le pub : « Li fèm klè, li fèm bèl » annonçait la couleur !

Comploter contre la sottise, le crétinisme et la facilité est un devoir quand un peuple accepte, comme une fatalité, les sept goals du Brésil, car on aurait sauvé l’honneur avec un but ! Comploter contre la honte, le désespoir et l’humiliation est un devoir citoyen à reconquérir.

Pierre Clitandre

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