Les multiples facettes de l’insécurité

En ce mois de décembre, la sécurité des vies et des biens est devenue le problème à résoudre pour retrouver une certaine normalité. Le pays n’en peut plus de vivre une situation où les cas d’enlèvements deviennent une triste banalité du quotidien ! Les Haïtiens sont décidés à ne pas rester terrés chez eux durant la période des fêtes, ce qui ne manque pas de faire baver de jouissance les preneurs d’otages. Le mode opératoire consiste depuis quelque temps, à barrer la route d’un véhicule identifié au préalable ou  à la tête du « client »,  et,  armes lourdes en mains forcer, de paisibles citoyens à embarquer dans une voiture inconnue, quand ce n’est pas celle de la victime elle-même, qui l’emporte loin de son foyer pour une destination de captivité inconnue.

 

 Une situation qui, pendant les fêtes,  vire au cauchemar quotidien et qui a augmenté les départs pour l’étranger. Et plus l’exode est grand, plus les humiliations se multiplient dans les terres d’accueil qui vivent mal cet afflux massif de réfugiés. La police affaiblie ne fait plus de bilan hebdomadaire et se contente d’annoncer la mobilisation de onze mille policiers sur toute l’étendue du territoire d’ici à la fin de l’année.

 

Le problème est complexe. On n’a pas à faire à un seul groupe armé, mais à des bandes multiples qui trouvent que les affaires criminelles rapportent plus que les activités légales. Ces groupes ont une sophistication en termes organisationnels qui dépassent les faibles capacités de la PNH.

 

La fin de la semaine dernière a vu se dérouler une réunion de la communauté internationale sur Haïti. La question de la sécurité a été discutée. Beaucoup de choses ont été dites, mais sceptiques, les Haïtiens se demandent si le problème est bien compris par nos « amis » étrangers. L’embargo sur les armes à une police précaire et une armée « souffrante » alors que les groupes criminels font bombance d’armes et de munitions invite à la réflexion. Ne faudrait-il pas dans un effort ultime que nos puissants voisins qui savent si bien contenir le flot des réfugiés assèchent les sources qui approvisionnent en armes et munitions ces bandes qui sèment le deuil et ruinent les familles ? Ne faudrait-il pas aussi considérer la dégradation économique accélérée et l’absence d’un vrai plan de relèvement économique comme un des leviers principaux de cet « ensauvagement » ?

 

Le pays est à un grave tournant de son existence et il faut que tous les secteurs fassent preuve de dépassement pour affronter le mal absolu qu’est l’insécurité. Une situation qui coupe le territoire en «  zones criminelles intégrées » et qui entrave la circulation des gens et des marchandises.

 

Il existe entre le Sud et la zone métropolitaine de Port-au-Prince, un « mur » sanglant et infranchissable qui se situe dans la zone de Martissant, tandis que la région frontalière si stratégique pour tout pays échappe aussi au contrôle de l’État central.

 

Mais l’insécurité n’est pas qu’une affaire de bandes armées, l’explosion récente au Cap-Haïtien d’un camion-citerne transportant du carburant prouve combien sont vulnérables nos populations. Le Groupe de travail sur la sécurité (GTS) a immédiatement exigé une enquête, sur les circonstances et causes de l’accident survenu dans la matinée du 14 décembre 2021. Cette organisation appelle aussi les pouvoirs publics à mettre en place une commission d’enquête sur « les autorisations opaques octroyées à des propriétaires de stations d’essence dans des quartiers résidentiels ». Le GTS recommande par ailleurs que toute investigation « mette l’accent sur les conditions de stockage des produits pétroliers… »

 

Voilà un groupe qui, en plus de dénoncer d’alarmantes et mortelles situations, avance de constructives propositions. Ce genre de mobilisation citoyenne, tout comme celle qui invite dans une vaste campagne sur les réseaux sociaux à adopter un comportement éthique dans la fonction publique, suivant le slogan « Vin sèvi leta a », font luire quelques lumières d’espérance au milieu du désarroi généralisé qui draine hors de l’espace haïtien des milliers de compatriotes.  

Roody Edmé

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