Le blanc du nègre

Sans tomber dans la facilité des accusations personnelles et des jugements à l’emporte-pièce, il faut reconnaitre que le problème haïtien a un repère indiscutable: la dépendance institutionnelle et la mise aux enchères du nationalisme.

 

Mais, la dépendance institutionnelle et la mise aux enchères du nationalisme étaient rudement confrontées aux stratégies mises en place depuis l’ère du « Retour à l’ordre constitutionnel ». Le devoir d’intervention avancé comme argument en pays ingouvernable a ouvert, dans nos relations politiques, diplomatiques, économiques et culturelles, un marché d’un type particulier: à chaque nègre son blanc. Dans les échanges donc, la clientèle a non seulement changé d’idéologie, mais elle a surtout réalisé une proximité particulière, un contrôle au millimètre près de tout leadership politique, diplomatique, économique et culturel.

 

Sur le plan politique, cette proximité entre le nègre et le blanc n’est pas nouvelle. Bien avant le duvaliérisme, elle existait sous la forme primaire du « gros bâton ». Durant la période de la dictature des années soixante, cette proximité bénéficiait des confrontations des blocs hégémoniques. Un leader d’un pays du Tiers-monde pouvait faire la menace d’un virage à gauche par tricherie, mais aussi par une attirance, dans ses appâts, de patriotes qui perdront leur vie dans ce jeu stratégique entre l’Est et l’Ouest. Le leader du Tiers-monde gagnait son blanc qui le préférait à tout radicalisme.

 

Sur le plan diplomatique, les relations internationales ont pris d’autres formes après la chute du Mur de Berlin et autres réalismes politiques. Les formulations d’un légalisme international contre les coups d’État et autres interruptions du constitutionnalisme ont imposé un nouveau vocabulaire qui serait celui de la cohabitation pacifique. Mais, de combien de canons disposent ceux qui adoptent le langage des concessions et du dialogue avec les « grandes puissances »? Le nègre du Tiers-monde avait à ses trousses son blanc. Cela déterminait toutes ses décisions. La passation du pouvoir depuis 2006 en Haïti parait être l’expression de la dépendance institutionnelle et de la mise aux enchères du nationalisme.

 

Sur le plan économique, on commence à peine à connaitre des données objectives qui permettent de situer l’intérêt envers Haïti qui n’est plus un lieu géopolitique entre les blocs hégémoniques. Cette terre dite pauvre détient dans son sol des richesses géologiques rares tant et si bien qu’elles sont considérées comme des «réserves stratégiques.»

 

Sur le plan culturel, les connaissances ont évolué. Dans le domaine qu’on croyait vierge et réservé à une créativité pure, nous voilà devant le fait d’une représentation symbolique sous contrôle. De Breton à Malraux, le blanc du nègre a changé d’éthique pour devenir un outil de manipulation du marché de l’imaginaire et des relations publiques en faveur d’un courant esthétique qui ne dérange pas les perceptions établies au sujet de «la République révoltée».

 

Ce sont les relations de dépendance institutionnelle et de vente aux enchères du nationalisme qui détermineront, malheureusement, la normalisation de l’interminable crise politique haïtienne.

 

La Rédaction

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