Affligeant bilan !

La décision du Conseil de sécurité des Nations unies d'autoriser le déploiement d'une force multinationale « non onusienne » en Haïti fait couler beaucoup d'encre et de salive. Une décision longtemps attendue par une majorité silencieuse, comme en témoigne la déception des centaines de milliers de déplacés, victimes de l'offensive tous azimuts, des gangs chaque fois que la séance était renvoyée. Ceux qui vivent dans le ventre putride de la ville n'ont pas le temps de conceptualiser à propos de la pertinence ou non d'un soutien étranger à la police haïtienne. Tout ce qu’ils veulent, c’est de pouvoir vivre en paix dans leur pays et éduquer leurs enfants. D’ailleurs, principales cibles des bandits, ils n’ont guère l’opportunité d’élaborer les complexes théories du complot dont sont désormais passés maîtres nos leaders de tous bords.

Il se trouve que bon nombre de ceux qui sont pour ou contre toute présence étrangère font partie de ces élites qui n'ont pas pu ou pas su prendre les mesures adéquates pour empêcher une énième intervention étrangère. Ils dissertent à longueur de journée sur les dangers d’un appui étranger, mais très peu féconds quand il s’agit de proposer des solutions concrètes pour sortir de ce bourbier sécuritaire.

Le bilan est affligeant : un pays à la traîne du sous-continent. Tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge. Chaque jour, une dizaine d'avions s'envolent vers le Nicaragua et les États-Unis. Un désaveu massif des politiques publiques pratiquées ces dernières décennies où « démocratie » et progrès n'ont été que des slogans creux. Des années de vandalisme où « l'économie de la corruption » a trouvé un terreau toujours plus fertile. Un système judiciaire fissuré où des magistrats se retrouvent à rendre la justice dans d'obscures coulisses. Un système éducatif pris d’assaut par de redoutables « marchands du temple » offrant aux jeunes générations le spectacle hideux de la magouille érigée en système. Et puis last but not the least, des fractions de l'élite économique et politique ont fabriqué des monstres qui, aujourd'hui, sont en train de nous dévorer les entrailles.

Le débat n'est plus tellement si la Police nationale a besoin d’appui ou non. Ou même d'accabler un pays – le Kenya - qui a osé  proposer son aide là où d'autres, plus puissants, ne voulant pas mettre la main dans un tel cambouis ensanglanté, ont reculé. Toute chose aujourd'hui est d'avoir raison garder et de voir comment sortir de ce qu'un confrère a appelé « l'indigence » assumée. Ce n'est qu'exercice de futilité que d'accuser de traîtrise à une quelconque cause les victimes de cette barbarie étouffante. Il faut aujourd'hui de nouveaux paradigmes pour construire enfin cette véritable souveraineté qui ne sera plus un vain mot sous les plumes aguerries de rhéteurs versés dans l'art de la confusion idéologique et sémantique. Pour y parvenir, il faut d’abord en créer les conditions. Accepter l’aide de pays frères, comme Haïti eut à le faire dans le passé, n’a rien de déshonorant. Au contraire ! Mais laisser notre peuple crever, voilà ce qui est impardonnable.

 

Le jeu force à couper ! Faisons en sorte de sortir de l'assistanat permanent, en prenant en main notre destin !

 

Roody Edmé

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