La semaine s’annonce difficile. Les réseaux sociaux s’emballent. Et certains groupes WhatsApp font circuler des affiches où l’on voit annoncer un « great event ». Un affrontement annoncé entre le pouvoir en place et certains de ses opposants les plus bruyants. Toute cette tragédie est traitée avec une grande légèreté.
Le gouvernement s’enferme dans son mutisme habituel et les opposants cherchent à gagner la bataille de la communication. Un terrain que leur laisse volontiers un pouvoir réputé indifférent. Pendant le week-end, le ciel politique haïtien s’est enflé de gros nuages d’orage zébrés de toutes sortes de rumeurs.
Les élites haïtiennes ont le don d’instrumentaliser leur propre mort. Au pays de « Baron samedi », l’irrésistible pulsion de mort n’est jamais loin. Ou nous dansons le carnaval sur un volcan ou nous jouons à nous faire peur par le biais des réseaux sociaux.
Toujours est-il que la dégradation de l’économie se poursuit à un rythme accéléré. Le nombre de familles fuyant leurs maisons sous le feu criminel de bandes armées augmente quotidiennement. Dans le même temps, tels des boas constricteurs, les groupes criminels continuent de resserrer leur étau sur la ville. Et cette strangulation à la fois économique et sociale a un impact désastreux sur le panier de la ménagère. La ville assiégée est menacée de graves pénuries. Certains marchés ne sont plus alimentés et les consommateurs sont aux abois.
La situation catastrophique semble ne pas pouvoir faire bouger les politiques de leur tour d’ivoire. Une certaine myopie empêche de voir une réalité chaque jour plus abjecte et insoutenable. Chacun accuse l’autre de ne pas vouloir dialoguer. Personne ne sait où cette paralysie - mieux cette impuissance à franchir le pas pour de véritables négociations - peut nous mener.
En attendant, le temps passe douloureusement pour ces nombreux Haïtiens condamnés au trépas par leurs propres frères pendant que d’autres deviennent des réfugiés dans leur propre pays.
Roody Edmé
