Pour maintenir en vie la légende

Le passif peu glorieux de plusieurs générations d’Haïtiens c’est d’avoir cautionné le grand échec ou pire, d’y avoir contribué. Elles ont toutes porté l’espoir de construire de lendemains meilleurs pour Haïti. Mais, elles ne sont pas arrivées à créer les conditions pour imposer une société basée sur la justice.

 

Par naïveté, ces générations croyaient que le fait d’exprimer, à grand renfort de vacarme et de débats, son souhait d’une nouvelle Haïti (le pays qu’on veut) suffisait à mettre en place et à faire fonctionner un État de droit. En réalité, ces générations n’ont fait que porter et maintenir au pouvoir des personnalités qui n’avaient d’ambitions réelles que pour leur clan. Leur petit clan, déconnecté de la collectivité. Les luttes intenses et nombreuses n’ont servi que de marchepieds à nos leaders.

 

Aujourd’hui, le réalisme et le minimum du bon sens nous obligent à anticiper le pire. Notre histoire aussi. L’addition des confusions et des désastres fait craindre des bouleversements sociaux desquels nous pourrons ne pas nous en sortir. Deux cent dix-huit ans après la grande épopée de nos ancêtres à Vertières,  nous sommes surpris de constater à quel point nous avons perdu le sens de la grandeur. Le cortège de belles promesses de l’autodétermination haïtienne est passé et nous a laissés au bord de la route, mains tendues pour notifier notre indigence. Nous commençons sérieusement à douter de notre capacité de construire un pays juste et paisible. Le processus qui doit nous mettre sur la route d’un État de droit, fondé sur la démocratie et le respect des droits de l’autre, se révèle particulièrement laborieux et complexe.

 

Les derniers évènements qu’a connus le pays y compris les gymnastiques souvent grossières des dirigeants pour reprendre le contrôle du pays prouvent que les rapports de confiance entre gouvernés et gouvernants ont déjà été rompus.

 

Aujourd’hui, ils sont nombreux les Haïtiens à croire qu’au-delà de la puissance du sens de la bataille de Vertières, les dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays ont construit un système à la dimension de leurs vices.

 

Personne, apparemment, n’a pu empêcher pas empêché que bon nombre d’Haïtiens admirent les fraudeurs et les dressent en exemple. Opportunisme oblige, il faut être « vivant », soit sans vergogne, pour réussir en Haïti. Les plus hautes marches du pouvoir ne sont accessibles qu’aux insolents et aux mafieux. Pareil pour faire de bonnes affaires.

 

Si aujourd’hui, pour ceux qui demandent justice, les mécanismes, pour mettre la justice pénale en branle, ne peuvent pas se déclencher automatiquement, c’est parce qu’il est évident que nous avons raté l’essentiel dans le projet de construire un État de droit.

 

Commémorer la Bataille de Vertières est surtout le moment de reconsidérer notre stratégie de combat en contribuant à l’avènement d’un pays plus juste. Il est vrai que certains attendent leur tour et leur part du gâteau, mais il est tout aussi vrai que d’autres, sans espoir, ont cessé de croire au pays où l’ont quitté tout bêtement. C’est la triste réalité.

 

Nos ancêtres, guerriers de l’absolu, nous interpellent.

 

 

Jean-Euphèle Milcé

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