Avons-nous dépassé un certain seuil ?

Serions-nous au temps où les morts violentes ne choquent plus ? La conscience collective aurait-elle accepté ces actes barbares qui sont longtemps rejetés par l’humanité? Un ensemble de mutations dans les communautés haïtiennes auraient contribué à une déshumanisation qui légitime les crimes les plus odieux ou les fait tout simplement passer sous silence. Et on continue à ignorer les pires atrocités pourvu qu’elles restent éloignées d’un certain champ de vision.

Serions-nous au temps où les morts violentes ne choquent plus ? La conscience collective aurait-elle accepté ces actes barbares qui sont longtemps rejetés par l’humanité? Un ensemble de mutations dans les communautés haïtiennes auraient contribué à une déshumanisation qui légitime les crimes les plus odieux ou les fait tout simplement passer sous silence. Et on continue à ignorer les pires atrocités pourvu qu’elles restent éloignées d’un certain champ de vision.

Pendant que des privilégiés se bousculaient tous les soirs dans des restaurants chics de quartiers huppés, des familles entières vivaient l’apocalypse à La Saline au cours des deux premières semaines du mois de novembre. Les officiels continuaient leurs beaux discours comme si rien de grave ne se passait. Le pays n’arrêtait pas de fonctionner puisqu’une catégorie sociale n’avait pas à se plaindre.

Aussi paradoxal que cela paraisse, le quartier de La Saline - situé non loin du Palais législatif - où le décor est fait de boue, d’ordures, de bestioles et de cochons est habité par des humains. Ces citoyens, déjà victimes d’une ségrégation sociale tolérée par l’État, condamnés à vivre dans la crasse se sont fait arroser de balles. Mais leurs pleurs ont été étouffés par les murs qui les ont toujours tenus à l’écart de « la société ».

Le rapport d’enquête du Réseau national de défense des droits humains donne froid dans le dos. Plus d’une soixantaine de personnes ont été tuées et plus de 150 maisons vandalisées au cours de ce massacre. Avant même les questionnements sur les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits, l’émoi naturel devant la barbarie devait faire sentir la différence entre les humains et les loups. Des images de cochons en train de dévorer la chair humaine ont même été diffusées sur les réseaux sociaux, mais toujours trop peu pour ramener à l’humanité des consciences altérées.

En plus de l’indifférence des autorités qui crédibilise la version selon laquelle il s’agirait d’un « massacre d’État », la société civile, dans ses composantes représentatives, ne se montre pas si préoccupée par la vitesse avec laquelle la terreur se répand dans le pays. Les bandits sont les nouveaux super-héros des adolescents qui assistent presque chaque jour aux assassinats de policiers et d’autres paisibles citoyens. Pourquoi si peu d’indignation devant la sauvagerie qui va jusqu’à mettre le feu aux cadavres ?

Haïti serait devenu ce pays où on s’indigne plus face à une voiture ou un immeuble en feu que lorsqu’une personne se baigne dans son sang. Il n’est pas croyable que toutes ces voix, qui tout récemment, rappelaient que la propriété privée est garantie par la loi, se taisent quand des gens meurent dans des conditions exécrables. Le fait d’être d’origine modeste ou de ne rien posséder, enlève-t-il le droit à la vie et la dignité ? Face à cette percée de l’intolérable, les Haïtiens auraient besoin d’entendre le message porté par le tire de l’essai de l’écrivain français, Stéphane Hessel : « Indignez-vous ».

Kendi Zidor

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