HAÏTI/JUSTICE

« Treize des dix-huit juridictions du pays ont réalisé des audiences sans jury », révèle le RNDDH

Dans son dernier rapport en date du 10 avril 2023, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a fait savoir que le début des travaux judiciaires 2022-2023, des audiences correctionnelles et criminelles ont été organisées par treize des juridictions de première instance du pays. Toutefois, le RNDDH, à travers son rapport, laisse comprendre que la réalisation de ces audiences n’a fait bouger le taux de détention préventive illégale et arbitraire que de 1,3 %, ce qui constitue une poussière tenant compte du drame que représente la détention préventive en Haïti. « De novembre 2022 à janvier 2023, au moins treize des dix-huit juridictions de première instance du pays ont réalisé des audiences criminelles sans assistance de jury. Seule la juridiction de première instance de Jérémie a organisé une séance avec jury », peut-on lire dans le rapport du RNDDH.

Aquin, Croix-des-Bouquets, Gonaïves, Fort-Liberté, Port-au-Prince, Coteaux, Jérémie, Hinche, Jacmel, Saint-Marc, Mirebalais, Miragoâne et Petit-Gôave sont les treize juridictions de première instance où des audiences correctionnelles et criminelles ont été organisées, informe le Réseau national de défense des droits humains dans son rapport d’enquête.

Selon le Réseau national de défense des droits humains, le 24 octobre 2022, soit  au   lendemain de la réouverture des travaux judiciaires pour l’année 2022-2023, la population carcérale totale était estimée à onze-mille-sept-cent-trente-sept détenus-es parmi lesquels mille-huit-cent-quatre-vingt-cinq condamnés-es et neuf-mille-huit-cent-cinquante-deux en attente de jugement, soit 84 % de la population en question. Par ailleurs, le 27 février 2023, après la réalisation de ces audiences tant correctionnelles que criminelles, la population carcérale totale est estimée à onze mille deux cent cinquante-deux détenus-es dont mille-neuf-cent-quarante-huit condamnés-es et neuf-mille-trois-cent-quatre en attente de jugement, soit 82,7 % de la population carcérale.

 

Parallèlement, les défenseurs ont rapporté que le nombre d’audiences criminelles organisées au début de l’année judiciaire 2022-2023 est insignifiant. Pour cause, plusieurs chefs de juridiction avec lesquels ils se sont entretenus ont reconnu que les audiences réalisées ne sont pas proportionnelles au drame que représente la détention préventive illégale et arbitraire, ont-ils indiqué. « Pour la juridiction de Jérémie, quatre-cent-cinquante-huit personnes étaient en attente de jugement avant l’organisation des audiences criminelles, soit le 24 octobre 2022. Les dix cas impliquant dix-sept personnes qui ont été jugées ne représentent qu’environ 2,18 % de la population carcérale en attente de jugement dans cette juridiction. 

 

En sus, le rapport du Réseau national de défense des droits humains a également révélé que la situation des détenus-es dans les juridictions de Miragoâne et de l’Anse-à-Veau mérite une intervention immédiate de la part des autorités judiciaires. « Dans les juridictions de Miragoâne et de l’Anse-à-Veau, la situation des détenus-es en détention préventive est très compliquée. Depuis le séisme du 14 août 2021, ils sont répartis dans trois prisons et dans deux commissariats, à savoir les prisons civiles des Cayes, de Carrefour et de l’Anse-à-Veau ainsi que les commissariats convertis en prisons de Miragoâne et de Petit-Goâve », a souligné ledit organisme de défense des droits humains.

 

« L’année judiciaire 2021-2022 s’est clôturée sur un bilan extrêmement maigre, les cours et tribunaux du pays n’ayant que très peu fonctionné en raison notamment des arrêts de travail du personnel judiciaire et de la situation sécuritaire préoccupante en Haïti. Ce ralentissement dans les travaux judiciaires a eu pour conséquences une augmentation exponentielle du nombre de personnes en détention préventive illégale et arbitraire et la violation systématique des droits aux garanties judiciaires des justiciables », ont tenu à rappeler les responsables du Réseau national de défense des droits humains dans leur rapport.

Par conséquent, le RNDDH et les structures régionales soulignent que les arrêts de travail à répétition du personnel judiciaire ont d’énormes impacts sur la réalisation des travaux judiciaires et qu’ils occasionnent la violation des droits aux garanties judiciaires des justiciables. À cet effet, les responsables de cette structure demandent aux autorités concernées de se pencher sur les revendications de cette frange du personnel judiciaire haïtien, clairement exposées dans l’accord de 2017 liant l’État haïtien aux greffiers. 

 

Tout compte fait, cette organisation des droits humains et ses structures régionales disent estimer que le changement à la tête du ministère de la Justice et de la Sécurité publique n’apporte rien de nouveau au défi d’impunité qui gangrène la société. D’après elles, la nouvelle ministre a.i. de la Justice n’a, jusqu’à date, pas prouvé qu’elle prenait compte des revendications populaires de justice et de fin du règne de l’impunité en Haïti. Elles ont mentionné comme preuve, les cinq commissaires du gouvernement et substituts ont été épinglés dans un rapport de vetting du Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ), parmi eux, deux protégés du Premier ministre Ariel Henry, en l’occurrence, les chefs des parquets près les tribunaux de Première instance de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets. Ils n’ont jamais été inquiétés, disent-ils. 

« La ministre de la Justice n’ayant pris aucune disposition en vue de les remplacer. De même, elle n’a pas non plus donné suite aux différentes recommandations du rapport susmentionné, relatives aux juges écartés du système judiciaire haïtien », ont poursuivi les défenseurs dans leur rapport d’enquête.

 

Vladimir Predvil 

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