Conflit haïtiano-dominicain

Haïti n'est pas encore prêt à profiter de sa production agricole, explique le professeur Josué Louis

Le conflit existant entre les deux pays autour de la construction d'un canal du côté haïtien sur la Rivière Massacre est loin d'offrir à Haïti l'opportunité de relancer sa production agricole, a fait savoir le docteur en économie, Josué Louis. Il a en effet soulevé l'absence d'une politique agricole par l'État, le problème d'encadrement des paysans, la mutualisation des risques et la non-rémunération des travailleurs agricoles, depuis longtemps constituent des obstacles au développement agricole et économique du pays.

«Le développement agricole, on ne peut pas le percevoir seulement par la volonté, c'est l'intelligence et la stratégie qui devraient être la base d'une telle initiative. À travers le temps, Haïti a vu chuter l'ensemble de ses grands projets de production agricole. L'agriculture est un domaine très complexe et très risqué, on ne peut pas le planifier de la même manière que le développement industriel. Inévitablement, il faut la mutualisation des risques, des gouvernements qui soutiennent les paysans et qui peuvent faire face à la politique économique dite néolibérale. Pour sa croissance, le secteur agricole ne doit pas être aux mains des plus pauvres ; il nécessite de précieux investissements, et on ne peut pas compter attendre de grands résultats avec ces morcellements cultivés par les paysans", a relaté le docteur en économie.

Par rapport à l'initiative des citoyens dans le Nord-Est visant à canaliser la rivière Massacre vers la plaine de Maribaroux, un véritable grenier du département ; le professeur d'université croit que cette vaste plaine pouvant servir à la riziculture et la culture d'autres produits de consommation représente une grande richesse pour le pays. Cependant il reste pessimiste quant aux résultats d'une telle démarche.

«Les autorités dominicaines ont déjà violé le traité de février 1929 autorisant les deux pays à exploiter les ressources naturelles à disposition des deux pays. Ils commencent déjà à dévier la quantité d'eau qui devrait couler sur le territoire haïtien. Ils seront capables en ce sens de provoquer des inondations pour faire perdre aux paysans leurs bétails et leurs cultures, ou du moins diminuer le cours de l'eau lorsqu'ils le souhaitent. Néanmoins, M. Louis rappelle que l'État haïtien doit aborder la notion du développement agricole en Haïti avec intelligence et stratégie.

De ce fait, pour l'établissement d'une agriculture à caractère commercial en Haïti et capable de répondre aux exigences du marché local et en mesure de tourner vers l'exportation, l'économiste plaide pour un capitalisme d'État où l'État prend en charge la gamme de la production agricole et des différentes activités commerciales du pays pour faire face à cette bourgeoisie qui ne s'intéresse pas à la production nationale. Ainsi, il dit croire que l'on doit accompagner les paysans, leur apporter un soutien et permettre qu'ils aient assez de supports pour faire face aux risques climatiques, entre autres.

«On doit faire en sorte que l'agriculture soit reconnue comme une profession, donner un statut aux paysans, leur garantir protection et faciliter la mutualisation des risques. Il s'agit, entre autres, pour que l'État puisse s'impliquer davantage dans le financement de l'agriculture et ne pas dépenser dans des intrants agricoles pour les revendre aux paysans. Il faut également des pas pour sortir de la féodalité (subsistance) pour passer à une agriculture de profit, qui peut garantir le bien-être des agriculteurs. Donc, les secteurs doivent se concerter tant au niveau national qu'à l'international, et les autorités haïtiennes doivent investir dans la recherche et le développement», a-t-il évoqué.

À partir de ce conflit qui existe entre les deux pays, le professeur Josué Louis confie qu'il y a une interdépendance entre les deux États que les autorités dominicaines et haïtiennes doivent comprendre. Donc, il convient à ces acteurs de mieux structurer leurs rapports conformément aux normes internationales. «Haïti peut limiter le nombre des produits dominicains qui doivent circuler sur son territoire, et parallèlement, Haïti doit être en mesure d'exporter certains de ses produits sur le territoire voisin», a-t-il conclu.

 

 

Oberde Charles 

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES