Haïti: vers une nouvelle année en «R»

Des ressources pour les projets avortés, des réserves pratiquement épuisées pour bon nombre de familles, des recettes pour l’État qui ne viendront pas des entreprises  pillées et incendiées, des rides sur tous les fronts des personnes plus que jamais désespérées, des revendications un peu partout dans le pays et pratiquement dans tous les secteurs, se transforment en barricades pour bloquer nos routes. 

 

Des indicateurs pratiquement en rouge, dans tous les secteurs de la vie nationale. Des retours non souhaités, et de la solidarité ridicule qui nous viennent d'ailleurs. En dépit des rafales qui nous gardent éveillés de jour comme de nuit, la population continue de résister.  

 

Des rendez-vous économiques que l’on risquera de manquer d’ici octobre 2022 à septembre 2023,  avec les risques d'assassinat et d'enlèvement des paisibles citoyens dans les rues, le retour des employés régulièrement au travail et la réouverture des classes paraissent très peu réalistes. Ce sont pratiquement autant de mots et de maux qui commencent par la lettre “R”.

Début d’une nouvelle année fiscale, en ce premier lundi d’octobre 2022, qui coïncide avec le début de l'année académique, et plusieurs autres agendas sur le plan judiciaire, politique, culturel, diplomatique, électoral, qui devront se conjuguer au ton de la section «R». Report, retrait, rejet, regret avec autant de misère et de violence dans l'ère.  

 

Dans la vie des parents et des adultes, des moins jeunes comme des professionnels qui évoluent en Haïti, on comprend que face à cette sombre réalité, cette nouvelle année fiscale ne laissera pratiquement pas assez de temps  à ces derniers, pour arpenter les vingt-cinq autres lettres qui composent notre alphabet. Pratiquement tout le monde, de manière responsable, réfléchie, ou par refus de mourir se mettra en mode «R».  Rester en Haïti a toujours été un choix calculé  pour beaucoup de personnes, avec certainement un prix à pays. Ce qui oblige des réflexes comme des recettes pour résister et renverser la vapeur. Pourquoi et comment ? De qui viendra la réponse ? De quel médecin nous viendront les remèdes de nos maux, pour calmer la douleur de vivre avec dignité en Haïti ? 

 

Dans la liste des vingt-six lettres qui doivent écrire les mots de tous les jours, les maux du quotidien de chaque Haïtien, notre démarche de formuler une forme d’intelligence des lettres dans l’histoire d’Haïti, nous oblige à nous accrocher au nombre au nombre des  dates officielles des fêtes nationales haïtiennes (18 mai et 18 novembre), et qui des années plus tôt, avait été marquée par la première grande mobilisation des esclaves à Saint-Domingue au dix-huitième siècle, dans la nuit du 13 au 14 août 1791.

Du 18e siècle qui se termine par la cérémonie du Bois-Caïman, en passant par le 18 mai qui symbolise notre bicolore, et le 18 novembre qui marque la véritable fête de l'indépendance d'Haïti, avec la Victoire de l'armée indigence sur la puissante armée française de l'époque, le nombre 18 semble être porteur de l’essence ancestrale de cette nation. Et ce n’est pas l’alphabet emprunté des Français, qui n’écartera de la fameuse lettre “R”, la 18e lettre, qui va pratiquement débuter tous les mots qui ont servi nos ancêtres durant la grande marche des esclaves pour atteindre la liberté, l'indépendance, l'égalité  et la dignité, tout en montrant la route aux autres peuples.       

 

Des mots commençant par la lettre «R» entre hier, aujourd’hui et demain semblent définir l’architecture de l’histoire d'Haïti, parmi lesquels ont peut retenir, écrire ou instruire la génération actuelle, comme : route, rêve, racine, récolte, religion, restriction, risque, rendez-vous, réunion, rassemblement, revendication,  rébellion, résistance, renversement, révolte, révolution, république et royaume.

 

Déjà plus de trois siècles d’esclavage et deux cent dix-huit ans d’indépendance, le pays semble plus que ne jamais s’accrocher à la magie de la lettre pour tenter de s’affirmer ou  de retrouver sa voie. Sur le plan international, plus d’un parmi les plus réalistes peuvent voir dans le comportement de certains pays envers Haïti, des mots comme: refus, reconnaissance, rétablissement, rétrograde, entre autres.  

 

Dans les comportements et les actions  de certains dirigeants au fil des décennies, on cherchera à mesurer leur mode de gouvernance en se basant sur des concepts tels que: recette, ressource, richesse, résultat, par rapport aux revendications populaires et au rêve de Dessalines, le principal repère politique dans l’histoire d'Haïti.   

 

Dans bon nombre des familles, qui vont certainement influencer les modèles d’institutions que nous avons dans le pays, les phénomènes, les pratiques, les visions et les concepts comme: Restavek, Res-moun, Res-manje, Ravèt(gate-manje), Rat-dokale, rayisab, ruse, rancune, reproche ou revanche, continuent d’influencer les comportements regrettables autant des parents et de leurs enfants qui assurent souvent la relève.

 

Dans une dynamique pour inscrire l'éducation formelle et informelle de la génération actuelle, il nous faut enseigner et encourager une meilleure maîtrise des mots comme : recherche, réflexion, raison, ressources, richesse, réalisme, respect, responsabilité, réappropriation, réconciliation, réciprocité,  remède,  résultat, en vue d’apporter de meilleures réponses à toutes les questions qui se confondent dans cette forme de résistance individuelle et collective sans des repères réalistes capables de ressusciter l'âme des ancêtres.

Dans la lettre «R», qui charpente la mentalité du plus rebelle de tous les peuples dans le monde, qui a résisté a plus de trois siècles d’esclavage et de deux cents ans de refus par les puissances coloniales et racistes d’accepter Haïti dans la liste des grandes nations dans le monde, il ne faut surtout pas rater l’occasion pour rappeler à chaque Haïtien qui se pose la question (pourquoi nous, pourquoi Haïti ? Et pourquoi le même sort pour les peuples d’Afrique), que ce triste sort nous a été imposé à cause des mots comme : race, ressources, richesse, révolution,  reconnaissance 1804, et notre refus de rester dans la marge de l'humanité.

Durant cette nouvelle année en “R”, qui s’ouvre tant dans l'économie et dans l'éducation en particulier, les enfants et les jeunes, les parents et les professionnels, les dirigeants et la population devraient encourager une forme d'éducation sur l’importance des ressources, et de sa gestion en temps de crise, en commençant par encourager les réserves stratégiques dans le pays. Ressources, réserves et richesse, en dehors de la résistance comme nouvelle forme de survie collective face aux souffrances actuelles imposées, devraient s’inscrire dans la nouvelle forme d’intelligence collective et de pragmatisme économique à enseigner aux Haïtiens et Haïtienne qui choisissent de rester vivre sur la terre des rêveurs et des rebelles qui ont semé les grains de la dignité dans le nouvel ordre  mondial en 1804.     

Dominique Domerçant           

 

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