Eduquer: pour quoi faire?

Troisième partie : A la recherche du Soi

 « Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, mais des êtres spirituels vivant une expérience humaine »

Teilhard de Chardin

Résumé des articles précédents

 

Dans nos deux  précédents textes, nous avons clairement établi la différence entre « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ».  La première de ces deux formes de succès assure généralement  la richesse ou l’aisance, le pouvoir, la célébrité, le plaisir. Elle garantit rarement « une vie bonne et  heureuse », au sens où l’entendait Montaigne. (réf) Pourtant, c’est elle qui est  visée par le système éducatif, lequel persiste à croire, en dépit des faits, qu’elle est la résultante de la réussite scolaire. Nous avons alors montré les principales  lacunes de l’éducation,  lesquelles empêchent ce vœu pieux de devenir  réalité. Pourtant, seule la deuxième forme de succès (réussir sa vie) permet d’accéder au bien-être et à l’épanouissement personnel. Elle implique l’excellence, la progression constante dans un domaine où l’on possède des aptitudes innées et/ou acquises. Fondamentalement liée à l’éthique, à la morale, voire à un certain détachement, altruisme, ou désintéressement, elle implique une répercussion fortement positive sur  la  communauté. Le bonheur qui accompagne cette forme de  réussite résulte d’une compréhension globale de l’existence laquelle est issue d’une intime « connaissance de soi », laquelle devrait être progressivement développée dès les premières années de la vie,  dans  la famille, mais surtout à l’école.

 

Vous n’êtes pas votre corps physique

L’un des plus grands maitres du yoga, Ramana Maharshi, avait coutume de dire que pour atteindre la liberté intérieure, il fallait connaitre sa vraie nature, aller en quête de ce qu’il appelait son  « vrai Soi ». Il convenait d’aller au-delà des illusions, des idées reçues. L’on devrait  se poser fréquemment et avec intensité,  la question : Qui suis-je ?   Il fallait ensuite  procéder  par étapes. En éliminant, au fur et à mesure, tout  ce qu’on n’est pas, et que l’on croit être soi , l’on finissait par tomber sur sa vraie identité. Il s’agissait non pas d’aboutir à une réponse conceptuelle ou livresque, mais de réaliser une véritable introspection ou  observation intérieure. Il lui arrivait alors de poser, de but en blanc, à l’un de ses disciples, la question suivante : « Qui es-tu ? ». Celui-ci lui répondait alors en déclinant son nom et son prénom. Alors, Ramana de  rétorquer  que ceci n’était qu’une étiquette  que lui avaient apposée ses parents,  laquelle étiquette avait été validée par la société, via l’acte de naissance. Ceci ne pouvait aucunement constituer sa vraie nature. Il exigeait alors une autre réponse. Le concerné  mentionnait alors son histoire biographique, ses études, ses diplômes et ses réalisations dans la vie. Tout ceci était encore réfuté par le sage parce que non identitaire. Le concerné se référait alors à son corps physique :

 « Je suis le corps qui occupe l’espace en face de  vous. Il pèse exactement 75 kilos et mesure 1,80 m de taille. »

Maharshi ,de réagir alors :

-Vous avez à présent, quel âge ?

- 57 ans, répond le concerné.

-Vous souvenez-vous de l’époque où vous aviez 12 ans ou même 7 ? Votre corps à l’époque, avait-il la même taille et le même poids que votre corps actuel de 57 ans ? Et pourtant, « vous » étiez » à l’intérieur.  Lequel, de ces trois corps, très différents, est vraiment « Vous » ? Vous aviez sûrement, dès l’enfance, l’habitude de vous regarder dans un miroir ? N’est-ce pas toujours le même être qui le faisait à 7, 12 ou 57 ans ? N’y a-t-il pas une continuité de l’être, du Soi ?

Le yogi concluait alors :

« Vous n’êtes donc pas votre corps : vous vous situez plutôt  à l’intérieur. »

 

Vous n’êtes pas  non plus votre mental

 Vous n’êtes donc  point votre corps, même si vous vous identifiez à lui parce qu’il est visible et  que la société vous a appris à le faire dès votre plus jeune âge. Seriez-vous alors, votre mental, siège de l’intellect  ?

Avez-vous remarqué qu’il existe dans votre tête, une voix (ou même plusieurs) qui commente (nt) constamment tout ce qui se passe en vous et en dehors de vous ? Elle ne se tait jamais et établit un dialogue permanent, souvent conflictuel :

« Ce Erold, pour qui se prend-t-il ?  Il m’a donné rendez-vous à 10h ? 10h20 : il n’est pas encore présent ! Et il parle souvent de ponctualité, de respect de l’autre. Je vais lui apprendre à… 

- Ah ! Le voici qui arrive, comme si de rien n’était, arborant son sourire idiot. Je vais lui en mettre plein la gueule. Map bal yon leson jodi à.  Doktè tet chat saa ki konprann se yon zafè li ye…(à traduire)

- Peut-être qu’il a été pris dans l’embouteillage du côté de l’avenue « Martin Luther King. »

-Il aurait pu quand même se lever plus tôt, partir plus tôt de chez lui ! Je suis, moi, à l’heure.

Comme le soutient le maitre Eckhart Tolle, ces voix de notre mental invisible sont à l’origine,  via le cerveau (et les neurotransmetteurs élaborés par celui-ci), de nos émotions, sentiments et,  fort souvent, de nos pensées . Elles peuvent donc nous rendre heureux ou malheureux si nous perdons le contrôle, ce qui est généralement le cas. Elles  nous portent parfois à des actes hautement répréhensibles, comme cela se voit régulièrement chez nous, ces dernières années.  Dans les situations extrêmes, elles prennent possession de notre esprit, produisant les maladies mentales appelées  névroses et  psychoses. Dans la première éventualité, vous êtes conscient du problème tout en n’arrivant pas à le résoudre. Dans la deuxième, non seulement vous ne vous en rendez point compte, mais  vous perdez le contrôle de votre mental et de la réalité extérieure. C’est la folie, appelée  schizophrénie dans le langage psychiâtrique. (réf) Il existe également de nombreux cas de possession par un esprit extérieur, ce que rejette pourtant la psychiâtrie  classique, en dépit de l’évidence des faits. Le vaudou en sait long.

Donc, tout comme vous n’êtes pas votre corps, vous n’êtes pas non plus votre mental. La phrase célèbre du grand physicien et philosophe René Descartes « je pense ; donc je suis » constitue  une erreur monumentale. Vous n’êtes ni vos pensées, ni vos émotions , ni vos sentiments. Vous êtes celui qui les vit, ressent  leurs effets agréables ou désagréables. D’où votre bien-être ou mal-être. Vous êtes l’observateur, le sujet qui les expérimente de l’intérieur. Eux, ils sont l’objet. D’où l’importance d’apprendre aux enfants dès le plus jeune âge, à établir régulièrement, plusieurs fois par jour, pendant quelques minutes, cette distance entre leur « Soi » et leur mental.  C’est la « méditation dite de la pleine conscience ou de la pleine présence » empruntée aux philosophies et spiritualités orientales et  étudiée en laboratoire depuis les années 70 par de grands chercheurs en neurosciences . (réf).

Finalement, qui êtes-vous ?

Vous n’êtes pas votre corps, mais à l’intérieur de votre corps. Vous êtes certes  plus proche de votre mental, mais vous n’êtes pas non plus votre mental. Vous êtes celui qui, de  l’intérieur, vit  tout cela. Vous êtes le sujet, l’acteur,  la « conscience », l’Âme, l’Esprit,  l’Atman,  qui à la fois,  observe  et expérimente les différentes dimensions de l’existence à travers le rêve de vie. Comme nous faisons des songes chaque nuit pour nous réveiller le matin, dans notre corps,  dans notre lit.. Il s’agit, pour répéter, Édouard Schuré, de faire le pont entre la science et la spiritualité bien comprise, et d’enseigner ce savoir essentiel, particulièrement  à nos enfants. C’est le seul et unique moyen  de sortir de  cet enfer que nous avons nous-mêmes créé..

 

A suivre

 Erold JOSEPH

Médecin, pneumologue, expert en santé publique, promotion de la santé, et de l’interrelation santé/éducation

Courriels : eroldjoseph2002@yahoo.fr  et eroldjoseph2002@gmail.com

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