Haïti et l'Afrique quel agenda possible ?

Dans l'impossibilité de perpétuer des activités socioculturelles, symboliques ou scientifiques, pour marquer la journée mondiale de l'Afrique en Haïti,  en 2023, par rapport au contexte de crises majeures, qui laisse peu de place en dehors des urgences à la vie sociale, cela ne nous empêche pas d'attirer l'attention du plus grand nombre,  sur le rôle et la place, les apports et les contributions que les échanges structurés et les expériences croisées des 54 États et des institutions qui composent et représentent le continent africain pourrait offrir à Haïti.  

Dix ans après la publication en 2013, de l'ouvrage "Haïti et l'Afrique quelles perspectives ?", pratiquement les lignes n'ont pas trop bougé dans les deux sens. Entre la fermeture de l'ambassade d'Haïti au Bénin et le timide fonctionnement des deux autres représentations diplomatiques d'Haïti entre l'Afrique du Sud et le Maroc, les successions de crises et l'instabilité politique interne et parallèle,   l'influence géopolitique la dépendance économique chronique d'Haïti envers certains pays et des institutions internationales traditionnelles, ne permettent pas à Haïti d'approfondir d'autres relations existantes. À défaut de se rapprocher des ennemis de ses fidèles amis actuels, Haïti d'investir devrait pouvoir profiter des bonnes intentions manifestées par ces pays auprès de l'Afrique,  pour rappeler ses similitudes et bénéficier en retour d'une forme de réciprocité ou de retour d'ascenseur dans les coopérations parallèles actuelles.

Dans ce nouveau rapprochement avec les nombreux  états qui composent les différentes régions du continent africain, dans plusieurs domaines, Haïti a une fois de plus sa place dans le réveil, le relèvement et le renouveau qui se dessine actuellement en Afrique,  avec le positionnement stratégique et les alliances géopolitiques en cours, sans oublier l'initiative visionnaire et pragmatique de l'Alliance politique africaine (APA).

Devenue Union africaine en 2002, la date du 25 mai 1963 rappelle la création de l'organisation de l'Union africaine (OUA), et depuis, elle est retenue pour célébrer la journée mondiale de l'Afrique dans le monde. Plusieurs initiatives retenues depuis environ trois décennies en Haïti,  en majorité artistiques, culturelles, éducatives,  touristiques, scientifiques, religieuses, diplomatiques entre autres,  en dehors de la reconversion de l'institut d'Études et de Recherches africaines en Haïti (IERAH), confirment cette volonté manifeste justifiée, et l'obligation pour la République d'Haïti de nouer des liens plus solides, solidaires et stratégiques avec les 54 États qui partagent des liens profonds et communs, et des réalités similaires dans plusieurs cas. 

Du Comité national haïtien de Commémoration de la Journée mondiale de l'Afrique,  en passant par le Bureau national d'Ethnologie, le groupe socioculturel Boulevard Liaison, le ministère de la Culture en 2011, les couloirs diplomatiques officiels,  le Cercle Intelligence diplomatique (CID), le Bureau de l'organisation des Jeunes pour les Nations Unies d'Afrique en Haïti (BOJNUAH), et récemment la Chaire de l'UNESCO en Histoire et Patrimoine, on ne peut que saluer les apports de ces rares acteurs et  opérateurs qui continuent d'alimenter les débats dans l'objectif  de rapprocher Haïti de l'Afrique,  vice versa. Pourquoi et comment ?

D'abord, la République d'Haïti se confirme comme  la meilleure souche de représentation de la diaspora africaine sur le continent Amérique,  tant sur le plan anthropologique, culturel, historique,  institutionnel, économique entres autres, en dehors des influences, des souffrances, des modèles de résistance partagés. Haïti et l'Afrique représentent les deux faces d'une même médaille. Et dire qu'ils partagent leurs espaces dans une forme de prolongement depuis plusieurs siècles, et notamment au niveau de l'esclavage,  des exploitations, des expérimentations de toutes sortes, de la migration et bientôt des retards à considérer face à l'influence de l'intelligence artificielle dans les relations humaines,  les organisations de travail,  l'économie mondiale et la modernité. 

Dans le nouvel ordre multipolaire qui se défini actuellement, avant la pandémie de 2020, et avec la guerre entre la Russie et l'Ukraine,  entre le regroupement des BRICS (Brésil,  Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et les puissances occidentales avec les États-Unis, l'Union européenne, la France et le Japon, elles sont nombreuses les visites et les signatures d'accord, les rencontres bilatérales et les réunions multilatérales organisées successivement, en parallèle et en réplique avec des responsables des principaux États africains et leurs organisations régionales. Pourquoi ?

Dans toutes ces réunions internationales, ces sommets États-Unis Afrique,  Chine Afrique,  Russie Afrique,  France Afrique, entre autres, on retient pratiquement le même fil conducteur mettant en avant la promotion des intérêts géostratégiques et des rapprochements géostratégiques, sur fond d'opération de séduction.  C'est le temps de la semence des puissances  industrielles qui souhaitent profiter des ressources naturelles abondantes de l'Afrique.  Une belle occasion pour ces dernières de se positionner sur les différents marchés, et profiter des différentes crises politiques et économiques, sécuritaires, migratoires et humanitaires, entre autres qui offrent des mines d'opportunités qualitatives et quantitatives aux multinationales occidentales et leurs concurrents issus des BRICS qui se bousculent. 

Derrière les kilomètres qui séparent Haïti du continent mère, le besoin persistant pour un retour à la source ne sommeille pas pour autant. Haïti doit arrêter de voir l'Afrique comme un simple espace pour se rappeler des ancêtres qu'ils ont en commun. Même s'ils partageant les mêmes sorts et souffrances, les mêmes réalités et opportunités,  les mêmes combats et les mêmes histoires, en dehors héritages identitaires et culturels, Haïti devrait de servir du français qu'il partage avec  un grand nombre d'États africains, pour se rapprocher  de meilleures références et opportunités que l'Afrique unie et indivisible pourrait lui offrir. Il aurait beaucoup plus à gagner en faisant le premier pas.

Diplomatie culturelle oblige, la présence des différents boursiers haïtiens et des ressortissants haïtiens sur l'ancien continent, autant que le séjour en Haïti d'un grand nombre de ressortissants des pays africains à travers les institutions internationales offrent de nombreuses perspectives formelles et informelles, institutionnelles et culturelles pour un véritable rapprochement intelligent,  profitable et durable entre Haïti et l'Afrique.  

Défendre la place de l'Afrique en Haïti s'impose comme un passage obligé pour la survie même d'Haïti. En sachant que ce dernier pourrait miser sur l'appui solidaire sans racisme des représentants Afrique lors des grandes réunions internationales.  Haïti doit pouvoir profiter des voix du bloc des pays africains ou de ses frères se sang francophones, comme le dernier ambassadeur d'Haïti auprès de l'Union africaine, Ady Jean Gardy, le formulait dans ses interventions. 

Des universités  haïtiennes, parmi les plus importantes du pays, disposent des ressources assez expérimentées sur le continent africain. Quelle coopération existe-t-il en 2023 entre des universités haïtiennes avec des universités basées sur le continent africain ?  54 pays ? De nombreux artistes haïtiens,  et des chercheurs continuent de séjourner sur la terre de leurs ancêtres qui ont traversé la Porte du non-retour et séjourné sur l'île de Goré, pour ne plus jamais revenir, cherchent à créer des passerelles entre ces deux terres sœurs. À quand l'inscription dans le curriculum haïtien des chapitres sur l'histoire, la culture, l'économie ou les opportunités relatives aux pays qui composent l'Afrique ? Quel agenda possible entre Haïti et ? À quand un Sommet Haïti Afrique pour discuter des vrais défis, enjeux, illusions, handicaps, ¹similitudes,   limites et opportunités entre Haïti et l'Afrique ?

 

Dominique Domerçant

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