Mickelson Thomas souhaite un climat sécuritaire apaisé pour une reprise effective des activités physiques et sportives dans le pays

Le National s’est entretenu avec cet amant des sports, connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche, et l’a questionné sur la paralysie des activités sportives dans le pays.

Le National : Bonjour Mickelson THOMAS. Nous attendons encore un de vos billets dans la même veine que celui écrit quelques semaines. Vous adorez faire rêver et choquer en même temps. Pourquoi écrivez-vous ainsi ? Est-ce un nouveau style d’écriture où vous utilisez le rêve pour mieux asseoir et faire passer vos idées et vos positions sur la pratique du sport en Haïti ?

Mickelson Thomas : Nous remercions la rédaction Le National de nous donner l’opportunité de parler à nouveau de Sport. J’écris pour deux raisons fondamentales :

  1. Qu’au même titre que la promotion de la paix, du tourisme et de la culture, celle de la jeunesse et des sports fasse partie des priorités gouvernementales pour initier les changements commandés impérieusement par les glissements et dissymétries, que nous prendrions un temps énorme à énumérer, constatés à presque tous les niveaux. Je suis convaincu que c’est par la prise en compte, entre autres, de ces deux (2) secteurs, nettement moins corrompus (je peux me tromper, mais ce serait de bonne foi) et plus fédérateurs, qu’un changement positif se matérialisera. Un pays avec une histoire si puissante, une culture si riche et une jeunesse si dynamique ne peut et ne doit indéfiniment pas rester à la remorque de la croissance régionale avec une telle récurrence de troubles et turbulences socio-politiques.
  2. Que les organisations de Jeunesse et les associations sportives investissent et s’approprient l’espace médiatique délaissé à des politiques et des élites non pénétrées de leurs attentes et préoccupations avérées - pardon - légitimes. L’état de dénuement et de déliquescence dans lequel se trouve notre Jeunesse montre clairement que les « leaders » politiques n’ont que très rarement été interpellés par la voie des marches populaires et des manifestations. Ils seront peut-être conditionnés à prendre des positions différentes, mais non équivoques, sur des problématiques posées de manière originale, positive et constructive ; et non à se dérober à leurs responsabilités, encore moins à prétendre réfléchir pour une Jeunesse qu’ils cesseront de voir comme un réservoir à voter pour un billet de mille (1 000,00) gourdes, mais plutôt comme un secteur à éduquer, un public cible vers lequel doivent s’orienter des politiques pérennes de renforcement de capacités, afin que celle-là devienne le pourvoyeur de talents multifacettes dont le potentiel amènera des retombées socio-économiques durables pour le pays.

Enfin, c’eût été prétentieux de revendiquer avoir inventé un nouveau style d’écriture journalistique, sinon que nous avons interpellé quelque forme d’utopie pour donner matière à réflexion aux lecteurs et amants du sport. En effet, l’humble espoir nourri par cette démarche étant de susciter des débats d’idées constructifs autour de la problématique de l’organisation du Sport en Haïti.

Aussi, vais-je profiter de cette tribune pour annoncer la sortie prochaine de trois articles. La première pour expliquer ma position sur l’article du mois dernier. Et deux autres articles sur l’exode de nos sportifs en république voisine et comment y mettre un « Holà ».

Référence article publié le 6 octobre 2022 : https://opengouv.ht/vie-publique/du-talent-au-professionnalisme-foot-il-perdre-espoir/

Le National : Mickelson Thomas, pensez-vous qu’il soit normal de parler de sport en cette période de crise politique aussi aiguë ?

Mickelson Thomas : Je pourrais vous répondre par une métaphore : « Pensez-vous qu’il soit normal de parler de paix en temps de guerre ? ». Une autre question me vient aussi à l’esprit : « Les footballeurs amputés ont-ils bien fait de se qualifier pour la Coupe du monde et d’aller y défendre les couleurs haïtiennes, suscitant au passage la fierté de milliers de compatriotes par leurs exploits qui se sont malheureusement arrêtés aux portes des demi-finales ? » Enfin : « Auriez-vous le courage de dire aux milliers de personnes qui s’engouent pour les exercices en plein air, en salle, ou à la maison avec, à la clé, l’espoir d’une réduction du stress que procure ce quotidien difficile, de ne pas faire du sport, encore moins de ne pas en parler sous prétexte que le pays se meurt ? »

D’aucuns pensent que le sport ne devrait pas supplanter la réalité quotidienne ardue. Allant même plus loin, certains vont jusqu’à nier au Sport la velléité d’interférer dans la politique. Cependant, pour d’autres, la force du sport, c’est de pouvoir continuer à se pratiquer malgré les conflits, voire même, de les mitiger.

Quelles que puissent être les issues de ce débat séculaire sur les rapports entre Politique et Sport, parler de ce dernier, sans toutefois faire référence à la première, ne veut nullement dire que l’on soit inconscient ou insensible aux déboires auxquels font face les familles haïtiennes.

C’est d’autant plus difficile de s’y soustraire qu’Haïti présente cette triste particularité de voir les soubresauts politiques rythmer, de manière discrétionnaire et abusive, le fonctionnement au quotidien des activités éducatives, socio-culturelles, sportives et économiques ; alors que dans certains pays les divergences de vues politiques, les violences, les catastrophes environnementales, voire les guerres, n’empêchent pas systématiquement aux enfants d’aller à l’école ou aux sportifs de s’entrainer et de participer à des compétitions.

Ayant récemment vibré aux rythmes des exploits des grenadiers amputés, nos propos doivent être appréhendés et compris sous le prisme des réflexions d’un citoyen tiraillé de préoccupations légitimes autant devant l’état de délabrement de son pays que l’amour indéfectible qu’il voue au Sport. Cette dernière inclination personnelle mérite d’être respectée au même titre que le droit d’un citoyen ne voulant pas participer à une grève.

Aussi, loin de nous l’idée de nier les trépidations socio-politiques que le pays expérimente au quotidien, mais sinon d’essayer d’élever et d’ériger le Sport, par sa capacité fédératrice, en instrument de lutte contre toutes formes et manifestations de violences.

Parfois certes, l’issue d’un évènement sportif devient anecdotique par rapport à un drame ou une tragédie qui commande le recueillement ou une prise de conscience immédiats. Tout en admettant que le sport ne saurait être l’alpha et l’oméga des relations humaines et sociales, comment nier, toutefois, certains rapprochements qu’il a accomplis, là où les plus grands artifices et stratégies diplomatiques ont échoué.

En effet, n’a-t-on pas réussi à détendre l’atmosphère entre les États-Unis et l’Iran le temps d’un match de football en 1998 ; particulièrement durant cette séquence inoubliable où les Iraniens ont offert des fleurs blanches aux Américains ? Clin d’œil du destin, les deux équipes sont encore dans la même poule pour la Coupe du monde football au Qatar dans quelques jours. L’image d’un Nelson Mandela, lors de la Coupe du monde de Rugby de 1995, remettant le trophée à l’équipe d’Afrique du Sud de rugby rappelle aussi un grand moment de fraternité symbolique plus fort que l’apartheid ; sans avoir réussi, certes, à panser toutes les plaies liées à la ségrégation raciale en Afrique du Sud. Récemment, le Russe Andrey Rublev n’a-t-il pas remporté le tournoi de tennis de Marseille en février dernier, en double, avec un homologue ukrainien Denys Molchanov.

Aussi, à un moment où le pays est en passe de basculer dans des affrontements fratricides aux conséquences irréversibles pour les générations futures, comment ne pas s’inspirer de tels exemples, à forte portée symbolique, pour montrer que le Sport, en tant qu’outil de développement, peut et doit être aussi exploité en vecteur de dialogue et d’éducation civique porteurs de valeurs amicales, fraternelles et citoyennes ?

 Au même titre que des voix s’élèvent pour réclamer qu’un climat sécuritaire s’installe en faveur d’une reprise des activités scolaires, je me sentirais fort aise de joindre la mienne à celles de ceux qui souhaiteraient la reprise ipso facto des activités sportives et de loisirs dans le pays. Au nom de quels principes plus supérieurs à ceux que nous venons de citer peut-ont interdire à un citoyen, amant du sport, d’en parler, l’espace d’un cillement et d’en jouir, en tout temps ?

Indéniablement, il est imposé de comprendre, sinon de constater, que le juste équilibre, voire la neutralité, à trouver dans le positionnement à avoir aux rapports entre Politique et Sport, est souvent difficile à trouver. 

Le National : En 2018, vous nous aviez gratifiés d’un article dans la même veine que celui qui écrit il y a de cela un mois sur l’éventualité qu’Haïti puisse un jour organiser une Coupe du monde conjointement avec la République dominicaine, Cuba et la Jamaïque. Référence article publié en 2018 : https://www.maxglyron.com/contributions/haiti-pays-organisateur-de-la-coupe-du-monde-de-football-2038-entre-fierte-et-euphorie-un-devoir-de-memoire/. Le développement des infrastructures est-il pour vous le facteur primordial de développement du sport dans le pays?

Mickelson Thomas : Non, il n’y a pas que ça. L’implémentation d’un programme national d’éducation physique et sportive de base sans lequel le développement du talent sportif est fortement limité couplée à l’élaboration et d’une politique de développement d’infrastructures sportives intégrées pourra grandement définir un avenir radieux pour le Sport dans ce pays. Des partenaires financiers crédibles qui sont au fait de l’importance inépuisable de la Jeunesse et des retombées substantielles que peuvent générer des investissements dans les disciplines sportives au profit de la jeunesse attendant des signaux « forts » de l’État haïtien, à travers le MJSAC et le mouvement sportif, pour prendre le train en marche.  

Le National : Un peu d’actualité. Vous soutenez quelle équipe pour la Coupe du monde? Quels sont les favoris pour la victoire finale?

Mickelson Thomas : À défaut d’Haïti, absente, je soutiens le beau jeu. C’est très difficile de pronostiquer Antoine. La France, tenante du titre, a eu trop de blessés et particulièrement Kanté pour espérer garder son titre. Aussi, quintuple champion du monde, le Brésil, avec Neymar en très grande forme et pour la première fois bien entouré avec un Vinicius Jr qui sera pour moi la révélation de cette coupe du monde, a-t-il les faveurs des pronostics pour remporter la Coupe du monde 2022.

Cependant, cela va se tenir, pour la Seleçao, dans un mouchoir de poche avec un possible quart de finale contre l’Allemagne et une probable demi explosive contre l’Argentine. L’Espagne, l’Angleterre et le Portugal seront de sérieux outsiders. Finalement, j’ai un petit coup de cœur pour le Mexique et le Sénégal.

Le National : Votre dernier mot M. Mickelson THOMAS ?

Mickelson Thomas : Que le Sport casse cette dynamique d’impuissance collective et cette spirale de violences qui nous paralysent et qu’il soit le miroir des promesses de compromis fédérateurs pour des lendemains meilleurs pour la Jeunesse. Merci.

 

Propos recueillis par :

 Marcel Antoine

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