Les expressions de la musique haïtienne dans le prisme de la culture de masse: dilemmes éthiques et perspectives

La musique renvoie  aÌ€  une transversalité de genre et de dimensions; elle est , en ce sens,  un fort médium qui puisse influencer et façonner les comportements au-delaÌ€  de plusieurs groupes humains. Toute musique repose sur une base partagée, que ce soit à travers la langue, aÌ€ travers certains codes musicaux ou certains agencements de sons »(Chauvin, 2010 : 18) cité par DUCREPIN (2023).Nous abordons donc la musique  ou les musiques dans une  association aÌ€ la culture.

De nos jours, de genres musicaux attirent l’attention de plus d’un par la vulgarisation d’aspects dégradants de la culture.En effet, le style Rabòday est la cible la plus indiquée après avoir passé en revue les textes obscènes, grivois et misogynes  du chanteur populaire de Compas en l’occurrence l’artiste populaire Coupé Cloué (Gesner Henry) de l’Ensemble Select entre autres . Tout laisse croire que ces musiques devront être censurées par les responsables de l’État. Ce qui est une pratique courante  des autorités aÌ€ défaut de la promotion de politique culturelle explicite ou non, axée sur la valorisation de la culture populaire authentique, créatrice et universaliste. Le noeud gordien se situe-t-il du côté des artistes ou des groupes sinon de la perspective de la culture de masse?

 La récurrence d’un certain nombre de réflexes et de comportements qui s’étalent et se reproduisent à travers plusieurs générations est préoccupante.Le fil conducteur des scènes ,mots et images se trouve relié  à des aspects dégradants de la culture filtrée dans la culture de masse.Dans cette lignée, la tendance à la dévalorisation de la femme notamment est flagrante et instituée par/de  surcroit. En effet, dans le cas de la culture de masse qui est une expression équivoque, on  fait référence aux produits de l’industrie culturelle consommés par des gens de l’élite culturelle ou non. Ce qui désigne aussi le type de comportement social, des manières de vivre et de penser générées par les “mass-medias” spécialement à travers la télévision, le cinéma, la radio, les revues illustrées et la publicité( Ander-Egg,1983:25).

La culture de masse se considère apocalyptique ( vulgarise et dégrade la culture elle-même) et sert d’épiphanie aux bases pour l’élévation de la culture collective et de masse (ibid, p 26).Ce qui est de l’ordre de la guerre subliminale appelée aussi par Vance Parckard “manipulation des profondeurs . Il s’agit aussi de l’aliénation structurelle. La culture de masse n’est pas la culture populaire non plus la culture du peuple pour mieux situer les lecteurs et lectrices.La culture populaire selon Dumazedier est  assimilée  à une culture ayant un caractère universel destiné à tous et qui ne doit pas être le patrimoine d’une classe dominante.C’est aussi celle adaptée au niveau des milieux populaires.La troisième caractéristique considère la promotion de la culture dans les milieux les plus défavorisés des immigrants et sous-prolétaires (ibid, p 27).

Les considérations les plus importantes faites de l’orientation sexiste  dominante dans la musique haïtienne sont notées  à travers la nouvelle pratique de musique dite Raboday. N’ y a- t- il pas lieu de repérer ces noyaux dans la charpente même de tous les genres à un degré ou un autre, du subtile au plus visible et expressif. L’analyse des textes et contenus sont aussi de matériaux utilisés dans le cadre de méthodologie de recherche spécifique pour comprendre des genres musicaux associés au problème de genre. Il s’agit de démarche par parties qui révèle du fonctionnalisme. Les conclusions sont généralement les mêmes en culpabilisant les gens et interpellant le système social  dans la construction du phénomène. Il se serait dessiné une forme de pathologie dans les expressions de la musique haïtienne. Ce qui ferait une mauvaise audience de la culture haïtienne dans son versant de culture de masse en lieu et place de l’affirmation de la culture populaire. Bien souvent la culture populaire se trouve déformée dans le prisme de la culture de masse et on ne doit pas confondre culture du peuple et culture populaire. La culture du peuple est l’expression de domination et la culture populaire, l’expression de résistance et d’action ofensive (ibid, p 28).

Tout se joue de la perspective du sous-développement et des mass medias notamment à l’ère du multimédia et par l’enchevêtrement des genres suivant l’approche de la recherche-création , il y a lieu de réunir une forme  de visualité à trois langages :l’image,la musique et des mots (Bien-Aimé, 2020:20).Et, à ceux-là vient s’ajouter la vidéo clip.Pour se situer dans l’optique de Jacques Ranciere, il a été rappelé que :”les mots ne sont pas apposés aux images; les mots sont des images”.Les mots sont comme témoins du langage dicible, la musique et l’image pour interpeller l’irrepresente de nos scènes quotidiennes. Le son comme mode d’expression est le propre de la musique.Quand le son musical est exprimé en boucle dans une temporalité quelconque, l’image, même mentale, ne peut se manifester que par une présence visible d’un signe.”(Bien Aimé, 2020, pp 22-25).Pour lui,” l’image,la musique, les mots sont souvent traités dans leur enclos respectif”

D’ la nécessité de promouvoir des pratiques de créativité aÌ€ travers des politiques culturelles  axées sur les valeurs d’universalité et l’affirmation de la culture populaire.Ainsi d’autres créneaux d’analyse pourront être explorés dans une logique de structure .

 

Hancy PIERRE, professeur  aÌ€ l’Université

 

Repères bibliographiques

 

-BIEN AIME Kesler (2020), Jazz-Imaj.Une autre pensivité photographique, Editorial Bukante, Port-au-Prince .

-PIERRE Hancy (2016). « Pratiques de loisirs chez les jeunes dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince après 1986 : entre contrôle social et contestation. » Cahiers du CEPODE. No 6, avril 2016, Édition du  CEPODE.

-ANDER-EGG Ezequiel (1984), metodologia y practica de animacion sociocultural, Humanitas, Buenos Aires.

JASMIN Frandy (2020),Musique haïtienne : Éléments des chansons rabòday

suscitant l’émotion lors de l’écoute des femmes haïtiennes. Cas des femmes âgées de 15 à 30 ans du quartier Caridad,Faculté des Sciences Humaines, Université d’État d’Haiti.Non publié.

 DUCREPIN Sindy (2023) . “Le corps de la femme dans les chansons Rabòday en Haïti : Usages et enjeux", Faculté des Sciences Humaines, Université d’État d’Haïti. Non publié.

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES