Charles Homère Gelin : l’art dans la peau

Poète, chanteur, diseur, dramaturge, Charles Homère Gelin a plusieurs cordes à son arc. Il écrit des poèmes, compose des chansons évangéliques tout en aidant les jeunes dans les institutions classiques où il dispense des cours de communication française à mettre en évidence leurs talents dans le domaine des arts de la scène. L’art pour Charles Homère Gelin est un cocon familier où il éprouve un immense plaisir à se retrouver et à se cacher pour se soustraire des futilités et des turbulences de ce bas monde. Un cocon familier qui lui permet aussi de refaire un monde qu’il n’avait pas créé. L’entretien qu’il a accordé au journal Le National nous invite à revenir sur le parcours accompli de cet artiste qui veut occuper une place à part dans le monde de l’art en Haïti. Entretien

Le National : Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs du journal Le National ?

Charles Homère Gelin : Je suis Charles-Homère Gelin, fils de la cité de Valparaiso. Je suis juriste, journaliste, professeur de communication française et d’introduction en droit. Je suis Chanteur, diseur, metteur en scène enfin un amoureux fou de la culture.

 

LN : Nous savons que vous êtes un artiste à multiples chapeaux : vous êtes poète, chanteur, dramaturge et metteur en scène. Comment faites-vous pour arriver à concilier tout cela ?

CHG : Au début, quand j’étais plus jeune, la poésie était une activité qui m’avait comblé de plaisirs. C’était un plaisir de taquiner la muse , de jongler avec les vers. C’était une entreprise amusante . Mais, au fil du temps, j’ai fini par découvrir d’autres qualités en moi pour m’aider à accoucher le meilleur de mes sentiments les plus profonds. Être chanteur, dramaturge et metteur en scène sont aussi des traits artistiques qui m’ont permis de voir le monde et le recréer. Pour moi ce n’est rien, car la création est faite grâce à l’essence poétique qui est en moi. Je chante et mets en musique mes poèmes comme l’avait fait Ferrat dans les poèmes d’Aragon je m’expérimente dans mes créations dramatiques et le reste c’est le choix de tout individu qui se laisse aller là où personne ne croit pouvoir y arriver. La poésie c’est ce qui me permet de m’exprimer quand mes luttes n’ont aucune importance quand tout me parait noir, quand vivre est synonyme de résignation comme c’est le cas dans l’Haïti d’aujourd’hui. Dans ce cas, j’écris pour que mes larmes puissent se défouler et jaillir dans l’encre de ma plume et peuvent aussi déverser sur la page blanche tous mes ressentis, mes frustrations et mes peurs. Alors parmi tous ces talents, le côté poète mène la danse, car il me permet de les mettre en pratique.

 

LN : Parlez-nous de vos poèmes. Quelles sont les sources de votre inspiration ?

CHG : Je m’inspire de mes relations, mes vécus et surtout de la situation du pays. À chaque fois qu’une situation change mon humeur, je deviens triste. Dans ce cas la plume m’appelle. La page blanche m’interpelle. ?  Avec les caprices de mon cerveau qui à ce moment ne veut rien faire qu’écrire, je me laisse toujours influencer. Je peux même dire que mes poésies sont des appels au secours parce que j’ai toujours eu peur de ma jeunesse.

Ma poésie est ma force quand j’arrive à me libérer de mes frustrations, mes indécis et mes envies de m’oublier dans un coin. Je me rappelle de ce jour où mes larmes étaient en fête, où elles giclaient à flots sur mes joues humides , dans cet état où je n’étais personne pour personne ces paroles me venaient à l’esprit : « J’ai monté vers la lumière, pour éclairer l’avenir

Je l’ai fait pour effacer les impasses qui me dépassent jusqu’à en finir

J’ai monté sur le dos d’une poussière sensible 

Conduite par la peur de vivre dans le vide ». 

Ce vide qui empêche à beaucoup d’autres jeunes comme moi de s’activer sans avoir à se salir. De se donner sans avoir à se perdre. De se projeter sans se soucier des retouches.    Et je crois que malgré les retombées de la société mes textes ont de grandes valeurs.

 

LN : Qui sont les auteurs haïtiens et étrangers qui vous ont inspiré ?

CHG : Je n’aime pas vraiment parler de préférence parce que j’aime tous les auteurs haïtiens, mais si on me l’oblige je dirais que c’est Massilon Coicou, Oswald Durand, Dr Fresnel Larosilière avec son fameux texte intitulé : «  Nègre ». Quant à Franckétienne c’est un amour. Sur le plan international, je suis amoureux de tous les dramaturges français du 17e siècle parmi lesquels Corneille qui a fait du courage, de l’honneur et de la magnanimité les épines dorsales de son oeuvre Comment oublier ce slameur qui me séduit par l’éclat de son talent . Il s’agit de « Grand Corps Malade » ?

 

LN : Pouvez-vous partager avec les lecteurs du journal l’un de vos poèmes ?

CHG : Oui, il y a ce texte qui me vient à l’esprit à chaque fois que ça va mal en Haïti. Là-dedans, j’ai laissé resonner la voix de la jeunesse haïtienne qui mérite tout mon respect. Le « je » utilisé c’est surtout pour donner vie au texte et lui permettre de s’exposer dans un moi qui n’est pas égoïste. Son titre est « J’ai caressé la morte »

 

Dans un sombre corps à corps

Mon corps transpire de rage

Mon coeur bat au rythme d’un tambour

Mon âme crie au secours

Mon attention tourne vers cette poussière enterrée

Cette sueur triste qui se cherche dans mes pensées

Et ces ossements bien arrangés qui fredonnent le kitanago du vagabond pêcheur

Pendant que moi, je caresse la morte

 

Je suis bandé

Prêt à tout pénétrer

La sensation danse dans les coins de mon engin

Mais la vie me dit de ne rien regarder

En cet instant

J’ai touché le fond, Traversé le plafond

J’ai manipulé le son à l’instar de ses mouvements,

j’ai fait couler le sang dans un verre vaginalisé.

Pour que tout soit parfait, j’ai bien caressé la morte

Je l’ai fait nu comme le demande, le protocole.

 

Soudain, il y a eu ce bruit de pèlerins innocents

Dans une prière adressée aux seins,

animée par les jambes, agenouillée par les mots doux d’une malediction sanctifiée de dos

Voilée de profil

 

J’ai caressé la morte

J’ai caressé les cris insensés de sa bouche condensée, son destin volatilisé, sa conscience kidnappée.

J’ai caressé la morte

Je l’ai fait pour la gloire

En plein cimetière

Dans une cérémonie amère, mais douce comme le miel.

Je l’ai fait pour moi-même,

Pour tous ceux qui se laissent torturer par l’inconnu dans un vide infini.

Je l’ai fait à Titanyen, à Cite Soleil, Pernier, Shada, Nan Palan, Djerilon,, Raboto, Canaan, en privé comme en public.

Je l’ai fait à chaque fois que mes larmes veulent éjaculer Ses frustrations

 

J’ai caressé la morte dans une mort incroyable.

J’ai caressé la morte dans une mort interminable

J’ai caressé la morte dans une mort abominable

J’ai caressé la morte dans une mort insociable

J’ai caressé la morte dans une mort immortelle.

J’ai caressé la morte et elle me caresse en retour.

 

LN : Vous êtes aussi un artiste chrétien. Vous chantez des chansons de louange et d’adoration. Que pouvez-vous dire de cet aspect de votre carrière artistique ?

CHG : Je suis chrétien depuis mes premiers jours sur cette terre. Avec Dieu, j’ai appris beaucoup de choses. J’ai réalisé beaucoup de choses également. Chanter est un prétexte pour rendre gloire à mon divin Père qui est dans les cieux et qui habite dans son éternité. Le louer est aussi un honneur. Mes expériences avec lui me permettent de me voir autrement, d’être simple avec lui er me laisser travailler par lui comme l’argile entre les doigts du potier. J’ai écrit et chanté, en plus des chansons à caractère sociales, quatre chansons évangéliques : "Ma Confiance " une adaptation de la chanson "Al Final"  de Lilly Goldman, "Mon Espérance"   une autre adaptation de la version de Phil Wickham « My Living Hope », Sans oublier « Papa pitye » qui sortira le 2 décembre et « Banm limyè w la ». Si la poésie est en moi c’est grâce à lui, si je suis vivant aujourd’hui c’est aussi une manifestation de sa bonté envers moi.. Donc ma carrière comme artiste évangélique vient tout juste de commencer.

 

LN : Que représentent la poésie et la musique pour vous ?

CHG : Elles représentent ma vie. Deux arts qui cohabitent harmonieusement en moi et qui m’aident à me créer et me recréer. Les deux forment une passionnante sensation qui palpite dans toutes les fibres de mon âme et je les aime.

 

LN : Avez-vous des recueils de poèmes et un album en préparation ?

CHG : Je travaille actuellement sur la sortie de mon premier recueil

de poèmes . Il contiendra 50 textes et j’espère qu’après sa vente signature, il y aura , à coup sûr la publication de pleins d’autres recueils..Car j’écris tous les jours , il y a plein d’autres textes sur mon ordinateur portable. Ce qui m’amène à dire que les textes sont là. Ils fleuriront et apparaîtront dans d’autres florilèges. Pour la musique, la chanson "Banm limyè w la"  a été publiée dans le but d’annoncer mon premier album. Je ne peux partager aucune information supplémentaire avec vous pour le moment en ce qui concerne l’enregistrement de nouvelles chansons et la date de la sortie de l’album . Mais bientôt les infos seront disponibles.

 

Le National : Un dernier mot

Charles Homère Gelin : Merci au  journal Le National de m’avoir accordé cette opportunité de m’adresser à mes lecteurs et mes fans , bref à un public plus large. Que Dieu vous protège et protège notre Haïti, notre pays tant aimé, mais souventes fois meurtri.

 

Propos recueillis par : Schultz Laurent Junior

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