Haïti: 3e rencontre internationale pour sortir le pays de la crise, vraiment?

Une 3e réunion internationale sur Haïti, réunissant plusieurs partenaires internationaux, dont le Canada, a été organisée par la France le 21 avril dernier.

 

Les discussions ont porté sur l’importance de trouver un «accord fondamental» dans le but de sortir Haïti de la crise politique, économique et sécuritaire. Ainsi qu’un calendrier visant à organiser les élections pour mettre fin à la transition dans le pays sans gouvernement depuis l’assassinat du président en juillet 2021.

 

Entre temps, la guerre des gangs ne fait que s’intensifier, perpétuant la précarité socio-économique  et l’insécurité alimentaire partout dans le pays.

Freiner la crise migratoire

Resterons-nous témoins des conditions de vie inhumaines des Haïtiens ad vitam aeternam ? De leur constante migration périlleuse?

On se prépare à accueillir un nombre illimité de réfugiés ukrainiens en raison d’une guerre atroce insensée. On comprend.

On s’efforce de secourir les Afghans. Jusqu’à date on a accueilli un peu plus de 12 000 réfugiés afghans sur les 40 000 attendus. Il s’agit notamment d’interprètes afghans et de leurs familles. On comprend.

On peut certainement collaborer avec Haïti afin de réinstaurer la démocratie en mode haïtien, de freiner les déplacements forcés de la population haïtienne, d’assurer le respect des droits humains.

Le temps d’agir

Rappelons qu’en octobre 2021, un groupe de citoyens torontois préoccupés par la crise haïtienne a contacté le ministère de l’Immigration au sujet de la migration massive haïtienne.

 

Dans sa lettre-réponse venue tardivement, le ministre Sean Fraser a réitéré que «le Canada dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour réagir rapidement à des situations d’urgence individuelles par l’entremise du Programme de protection d’urgence».

Le ministre a également souligné que «le Canada envisage des plans aux fins de faire la promotion d’une collaboration internationale pour renforcer les systèmes de gestion de la migration et de protection des réfugiés».

Il est aujourd’hui plus que temps de passer à l’action pour freiner les déplacements forcés des Haïtiens causés par un vacuum de gouvernance en Haïti… Ne laissant aucun autre choix au peuple privé de revenus, vivant dans la précarité alimentaire, pris en otage par les gangs armés, que de migrer pour survivre.

Collaborer autrement pour Haïti

 

Le Nouvelliste de Port-au-Prince rapporte que l’ambassadeur du Canada en Haïti, Sébastien Carrière, a réaffirmé l’engagement de la communauté internationale. Il s’est fendu d’un énième appel aux acteurs internationaux à trouver une solution haïtienne à la crise haïtienne.

Rappelons que le gouvernement canadien a répondu à la crise haïtienne par la tenue d’une réunion internationale présidée par Mélanie Joly le 21 janvier dernier. On nous a appris que le Canada investira 50,4 millions $ pour soutenir «la sécurité, la santé, la croissance économique et les besoins humanitaires» des Haïtiens.

Faudrait d’abord qu’il y ait un gouvernement élu par le peuple… Sinon qui est responsable de gérer tout ça?

La situation d’extrême urgence stagnante en Haïti exige d’emprunter d’autres voies qu’un don colossal, pour offrir de «l’aide humanitaire» devant appuyer le soi-disant «développement international».

Crise de confiance en Haïti

«Le dialogue en Haïti se heurte à une crise de confiance», a exprimé l’ambassadeur de France en Haïti, Fabrice Mauriès, le 21 avril dernier.

«Les acteurs politiques souhaitent dialoguer. La raison pour laquelle cela n’aboutit pas, c’est qu’il y a une crise de confiance. Un manque de confiance dans le but de ce dialogue», selon M. Mauriès. «Je crois que tout le monde est persuadé que le partenaire a une arrière-pensée ou à des arrière-pensées qu’il ne souhaite pas mettre sur la table, ou qu’il ne souhaite pas que ce soit l’objet de la négociation.»

Or la confiance ne se bâtit-elle pas par le respect d’autrui, la construction du vivre et travailler ensemble pour le bien commun?

La situation humanitaire et sanitaire est périlleuse en Haïti. Photo: Nicolas Guyonnet/MSF à l’hôpital de Tabarre, Port-au-Prince.

 

Inclusion haïtienne

Ceci m’amène à vous repartager l’expérience-terrain de la Fédération canadienne des municipalités menée de façon exemplaire auprès de communes haïtiennes dans la région des Palmes entre 2011-2019.

Une initiative de coopération municipale exercée dans un climat de transparence et de confiance basé sur la collaboration intercommunale haïtienne.

 

Citons la création du Comité inter-régional des citoyen.es en 2018 servant d’interface entre les mairies et les communautés, incluant la participation des citoyen.es aux réunions avec les autorités locales, aux séances de reddition des comptes. Du jamais vu en Haïti!

 

Ainsi que le programme de formation des élues haïtiennes (2018-2019) offert par et pour les Haïtiennes afin de favoriser la parité en politique locale.

Une démonstration de collaboration constructive possible Nord-Sud accentuant l’inclusion essentielle du fonctionnement haïtien au sein de projets visant la saine gouvernance locale.

Dépasser le paternalisme

La communauté internationale, selon les discussions du 21 avril dernier, espère qu’un Conseil électoral provisoire sera mis en place dès que possible. Qu’attendons-nous pour inciter les Haïtiens à y arriver?

Il est temps et possible de collaborer avec Haïti autrement, sans paternalisme:

Contribuer à établir-garantir la paix civile; traiter la situation d’insécurité à sa source (les gangs armées seraient maintenant organisées en «fédération»!).

Dialoguer directement avec le Conseil national de transition incluant les représentants des divers Accords et le chef intérimaire du gouvernement provisoire haïtien, Ariel Henry, dans le but de réaliser une feuille de route visant la mise en œuvre des élections selon un calendrier-plan d’action concret.

Proposer un soutien technique tout au long du processus, si jugé utile.

Travailler de concert avec nos homologues institutionnels haïtiens dans leurs efforts spécifiques orientés vers la démocratisation et la protection des droits humains.

Dépassons les réunions internationales, les dons colossaux, initions une nouvelle démarche transparente de collaboration entre pairs, avançons vers le potentiel d’un futur positif.

Visons la paix et des élections démocratiques en Haïti en 2022.

AnnikChalifour

Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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