Sans un centime de l’État, la population de Bayonnais pose la première pierre d’un sous-commissariat évalué à environ 60 millions de gourdes

L’organisation « Bayonnais Debout ! » a procédé, le jeudi 26 janvier 2023, à la pose de la première pierre d’un sous-commissariat à Petite Rivière de Bayonnais (3e section communale des Gonaïves), plus précisément dans la localité de Clavin. Ce chantier, dont le coût global s’élève à environ 60 millions de gourdes (plus de 300 mille dollars américains), ne bénéficie à présent d’aucun centime de l’État haïtien.

Laissée-pour-compte, la population de Bayonnais s’organise afin de doter cette section communale des services de base. En effet, la structure apolitique et non confessionnelle « Bayonnais Debout ! », composée d’une quinzaine de citoyens, a pris l’initiative de lancer un projet de construction d’un sous-commissariat à Bayonnais. Ce projet sera financé par les Bayonnaisiens. 

Selon le révérend Actionnel Fleurisma, président de la Commission finance de cette structure, ce projet résulte d’un double constat : d’une part, l’insécurité gagne du terrain de façon progressive à Bayonnais et il y a des policiers qui, depuis plusieurs années, reçoivent des salaires au nom de cette zone, mais ils n’ont jamais fourni de services à cause de l’absence du sous-commissariat, d’autre part. « Le 1er novembre dernier, monsieur Touta Louis, ainsi connu, a été décapité pendant qu’il prenait sa douche en plein air et jusqu’à date, l’on n’a procédé à aucune arrestation à cause de la non-existence d’une force légale dans la communauté. Conscients et interpelés par cette situation qui est une menace pour tous les citoyens vivant à Bayonnais, certains notables de la zone ont pris l’initiative de doter Bayonnais d’un sous-commissariat, ce qui a trouvé la bénédiction de toutes les autorités compétentes de la ville des Gonaïves », corrobore une note acheminée à la rédaction du journal Le National. 

Pour mener à bien ce projet, M. Fleurisma, président de l’Organisation de la force chrétienne de Bayonnais (OFCB), souligne que les responsables de « Bayonnais Debout ! » ont invité les habitants de la communauté à se joindre à l’organisation pour participer à la construction du sous-commissariat. « Étant donné que c’est un projet, poursuit la note, qui va coûter plusieurs millions de gourdes, ce que l’on saura après la finition des travaux de la commission logistique (plus de 50 000 000 gourdes ou 300 000 $ US), nous vous demandons de nous faire un don afin de construire ce sous-commissariat pour Bayonnais à Bayonnais.» 

Après cet appel à levée de fonds, Actionnel Fleurisma, qui invite les citoyens de Bayonnais à honorer leurs promesses de dons, révèle qu’avec un minimum de 50 gourdes par participant, l’organisation a collecté, du 8 novembre 2022 au 26 janvier 2023, plus de cinq millions de gourdes.

Cette initiative vise à permettre aux policiers de s’abriter afin de sécuriser les paysans de la section contre les cas d’assassinats dont ils ne cessent d’être victimes, précise Actionnel Fleurisma qui insiste pour que les délais des travaux soient respectés. «Depuis plus de trois décennies, l’insécurité et l’impunité s’installent à Bayonnais. Il faut faire vite avec ce chantier afin d’aider à endiguer ces phénomènes au sein de la société bayonnaisienne», préconise-t-il tout en confirmant que les travaux de construction débuteront dans deux semaines.

Selon les détails fournis par Jameson Alexis, l’architecte du projet, le bâtiment est conçu sur un terrain de superficie d’environ 1480 m². Il mesurera environ 580 m² allant sur deux niveaux : le rez-de-chaussée (niveau 1) qui comprendra les bureaux et trois cellules de garde à vue et l’étage (niveau 2) comprenant essentiellement le dortoir pour les policiers qui y seront affectés. « Chaque cellule, ajoute-t-il, pourra recevoir en moyenne 8 à 10 personnes. »

Par ailleurs, ce projet soulève une tempête d’injures et de désaccords chez certains citoyens. « Il ne revient ni au secteur privé, ni aux notables, ni à la population en général de construire un sous-commissariat. C’est l’État haïtien qui doit prendre une telle initiative », commentent des internautes, natifs de Bayonnais, vivant en terre étrangère. Face à ce déferlement de différends, Actionnel Fleurisma, qui affirme que « Bayonnais Debout ! » n’entend pas faire marche arrière, rétorque : «De quel État parlent-ils ? Si celui-ci existait réellement et/ou remplissait ses missions classiques, nos milliers de jeunes, parmi lesquels ceux qui voient mal ce projet, ne chercheraient pas à fuir le pays à cause de la pauvreté, de l’insécurité et du chômage.»

Plusieurs personnalités politiques, telles Wallace Manassé, coordonnateur du Conseil d’administration de la section communale (CASEC) de Bayonnais, et Donald Diogène, président par intérim de la Commission communale des Gonaïves, ont pris part à la cérémonie. Dans leur discours, M. Manassé et M. Diogène n’ont cessé de faire l’éloge de la population bayonnaisienne qui, estiment-ils, est un modèle à suivre en ce qui a trait au vivre-ensemble et au développement communautaire. 

Quant à eux, Me Sérard Gazius, commissaire du gouvernement des Gonaïves, et l’inspecteur divisionnaire Ronald Jeudi, commissaire municipal des Gonaïves, n’ont pas répondu à l’appel. « À cause d’une opération de la Police nationale d’Haïti (PNH) tournée au fiasco au cours de laquelle six policiers ont été abattus et deux autres blessés à Liancourt (département de l’Artibonite) par les membres du gang « Grand Grif », basés à Savien, Me Gazius et M. Jeudi ne pouvaient pas être présents, malheureusement », explique Me Jaccène Jacques, bâtonnier de l’Ordre des avocats des Gonaïves et membre de «Bayonnais Debout!», ayant présidé la cérémonie de pose de pierre de cet immeuble. 

Depuis environ 15 ans, les Bayonnaisiens procèdent par la « logique participative » pour résoudre les problèmes auxquels cette communauté fait face. À ce titre, en 2019, ils se sont dotés d’un pont en béton sur la Ravine-à-Couleuvre. Le coût de ce projet, démarré en 2018, s’est élevé à 17 millions de gourdes. En 2006, ils ont construit un autre pont sur la rivière « Grand-passe ». Sans un centime de l’État haïtien, les fonds de ces deux projets provenaient des habitants de Bayonnais et des amis étrangers. 

 

Wilner Jean

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