Une trêve fragile entre les gangs rivaux de Port-au-Prince suscite des interrogations

Après des mois de violences incessantes ayant entraîné la mort et le déplacement massif de milliers de citoyens, les bandes armées opérant dans la région métropolitaine de Port-au-Prince ont récemment convenu d'un cessez-le-feu. Ces groupes autrefois en guerre sans merci pour la conquête de territoire ont maintenant prôné la paix.

 

Dans le bidonville de Cité Soleil, le groupe dirigé par le chef de gang connu sous le nom de «Isca», membre de la coalition de gangs baptisée G9, s'est entendu avec celui dirigé par «Ti Gabriel », appartenant au regroupement de bandits appelé Gpep, pour déposer les armes. Cette trêve permet aux habitants des quartiers tels que Belekou, Boston, Tènwa, Booklyn, Bwa Nèf et Pwojè Douya, entre autres, de respirer un peu.

 

Au Bel-Air, quartier situé à proximité du Palais national, qui a été le théâtre d'affrontements entre bandes armées ces derniers mois, le « calme » est enfin revenu. Les habitants qui avaient fui leurs domiciles en raison de la situation sont maintenant appelés par les bandits à regagner leurs demeures.

 

Cependant, cette initiative des bandits suscite de nombreuses questions. Certains citoyens y voient une manœuvre politique visant à faciliter la tenue d'élections, tandis que d'autres soulignent que cette démarche a été entamée peu après la visite du Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

 

En effet, le 1er juillet dernier, le chef de l'ONU a effectué une visite en Haïti, au cours de laquelle il s'est entretenu avec le Premier ministre, Ariel Henry et de nombreux acteurs locaux représentant divers horizons. Lors d'une conférence de presse avant son départ, M. Guterres a réitéré sa demande d'envoi d'une force militaire robuste dans le pays afin de rétablir la sécurité sur le territoire.

 

Ainsi, certains estiment que cette apparente paix entre les groupes armés rivaux ne serait qu'un subterfuge visant à détourner l'attention internationale du pays. Il convient de rappeler que la situation sécuritaire chaotique prévalant en Haïti est abordée lors de pratiquement toutes les rencontres internationales, et la communauté internationale est de plus en plus alarmée par l'insécurité croissante.

 

Pour Pierre Espérance du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), c'est une bonne initiative qui garantit un peu de répit à la population opprimée, victime de massacres et de viols collectifs. Cependant, il rappelle que ce n'est pas la première fois que les bandits parlent de paix, mais qu'après un certain temps, ils recommencent à terroriser les citoyens pacifiques.

 

«Il ne peut vraiment y avoir de paix réelle tant que les bandits restent armés. Ils parlent de paix alors que des zones comme Canaan restent encore impraticables. Lorsque les gangs intégreront un programme de désarmement, je pourrai croire en la paix dont ils parlent»,soutient-il.

 

Par ailleurs, le défenseur des droits humains déclare que le semblant d'unité des gangs armés est orchestré par d'anciens dirigeants du parti haïtien Tèt Kale (PHTK), qui ont occupé des postes importants dans le pays. Ils ont, dit-il, utilisé leurs liens avec les gangs pour rendre le pays instable, dans le but de dissimuler des affaires de corruption les concernant, telles que celle du fonds Petro Caribe. Selon Pierre Espérance, cette soi-disant paix vise à détourner l'attention des projecteurs qui sont braqués sur eux.

 

Cependant, il est important de noter que d'autres groupes armés, notamment celui dirigé par Vitelhomme Inoncent, opèrent dans plusieurs localités de la commune de Pétion-Ville et de Tabarre, intensifient leurs exactions contre la population civile.

 

 

 

Esdra Jeudy 

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