HAÏTI-RISQUE SISMIQUE

Le Bureau des Mines et de l’Énergie tire la sonnette d’alarme encore une fois

Dans son neuvième numéro publié pour ce mois d'août 2023, le Bureau des mines et de l’énergie ( BME) attire l’attention de l’opinion publique sur les risques sismiques en Haïti tant négligés par les autorités concernées qui devraient mener des campagnes de sensibilisation et prendre des mesures stratégiques et préventives afin de réduire les pertes en vie humaine et en matérielles en cas d'éventuelles catastrophes ( tremblement de terre ) en Haïti. 

 

Selon l'Ingénieur et Géologue, Claude Preptit, il est observé depuis quelques décennies qu’un nombre sans cesse accru de séismes affecte diverses régions du globe. Haïti n’est nullement épargnée par ces événements aux conséquences désastreuses, informe l’Ingénieur Preptit. Durant les vingt dernières années, le pays est entré dans une période de bouleversements de ses structures potentiellement sismiques, entraînant parfois des secousses majeures pareilles à celles survenues les 12 janvier 2010 et 14 août 2021, a-t-il laissé comprendre. Selon le spécialiste, en espace d’une décennie, une moyenne mensuelle d’une centaine de secousses mineures à faibles est enregistrée durant cette période. Depuis la catastrophe du 12 janvier 2010, les Haïtiens se sont réveillés après avoir vécu une longue période d’accalmie et se sont rendu compte que le risque sismique en Haïti n’est pas tout à fait nul, dit-il. Un tel constat se révèle important, car une appréciation réaliste de ce problème montre que sa solution est une condition impérative à tout développement durable de notre pays,  a-t-il tenu à soutenir.

 

« Depuis des temps immémoriaux, le concept de catastrophe est associé dans l’esprit de l’homme à celui de forces naturelles et de fatalité. Et pourtant, une analyse quelque peu attentive des événements naturels et des mécanismes dont ils résultent met souvent en cause la responsabilité humaine dans la manifestation des conséquences anthropiques de la catastrophe. En effet, les désastres résultent en grande partie de graves erreurs dans les constructions de bâtiments et dans l’aménagement du territoire », a fait savoir l’Ingénieur et Géologue Claude Preptit.

 

Risque sismique en Haïti : l’ensemble du territoire haïtien est exposé au risque sismique. L’Ile d’Haïti est située à la frontière des plaques tectoniques Amérique du Nord et Caraïbes. Ces plaques se déplacent l’une par rapport à l’autre à une vitesse d’environ 2 cm par an (Calais et al.). Ces déplacements s’accommodent par des mouvements sismiques sur des failles actives relativement bien connues et cartographiées, à savoir :  la faille septentrionale qui longe la côte Nord d’Haïti depuis Môle Saint-Nicolas, canal de la Tortue, Cap-Haïtien, puis s’engage à terre dans la vallée du Cibao en République dominicaine. Les mesures géodésiques GPS les plus récentes indiquent que cette faille accumule des contraintes élastiques à la vitesse de 12 mm/an, impliquant un potentiel pour un séisme de magnitude 7,5 (Calais, Manaker et al. 2008), ont souligné les membres du Bureau des Mines et de l’Énergie, d'une part. 

 

Et la faille de la Presqu’île du Sud (Enriquillo/Plantain Garden) qui passe par Tiburon, Miragoane et Pétion-Ville, puis continue vers l’Est le long de la bordure Sud de la plaine du Cul-de-Sac jusqu’au lac Enriquillo en République dominicaine. Les mesures géodésiques GPS les plus récentes indiquent que cette faille accumule des contraintes élastiques à la vitesse de 6 mm/an, impliquant un potentiel sismique de magnitude 7,2 (Calais, Manaker et al. 2008), ont-ils précisé, d'autre part.

 

« En matière de Gestion des Risques de Désastres (GRD), le risque sismique se définit par le croisement entre la menace sismique appelée encore aléa, d’une part, et la vulnérabilité des enjeux, d’autre part. » En conséquence, ce risque s’évalue, dans un premier temps, par une bonne connaissance de la menace qui est la probabilité d’occurrence d’un séisme en un lieu, un temps et pour une intensité donnés. Dans un second temps, le risque est apprécié par une aussi bonne connaissance de la vulnérabilité qui exprime la gravité des conséquences du séisme supposé pouvoir se produire sur les principales structures existantes dans la région. Le croisement de ces deux types d’évaluation permet de définir si le risque est très faible, faible, moyen, élevé ou très élevé.

 

D’après le Bureau des mines et de l’énergie ( BME), l’épicentre du séisme dévastateur du 12 janvier 2010 était situé au Nord du système de failles de la presqu’île du Sud sur une faille baptisée « Faille de Léogane », jusqu’alors méconnue. Depuis lors, la cartographie des failles secondaires actives à travers le pays est devenue un impératif, car elles se sont révélées aussi dangereuses que les failles majeures jusqu’alors identifiées, poursuit le BME. « La cartographie de certaines de ces failles, réalisée entre 2017 et 2019 sous l’égide du PNUD dans le cadre du Projet de cartographie multirisque des départements de la Grande Anse, des Nippes, du Sud et du Nord Ouest, permet aujourd’hui d’avoir une connaissance plus poussée des failles actives majeures et secondaires qui parcourent le pays », explique le Bureau des Mines et de l’Énergie qui du même coup a spécifié que les tremblements de terre peuvent avoir des conséquences sur la vie humaine, l’économie et l’environnement. 

 

Les enjeux humains : le tremblement de terre est le risque naturel majeur le plus meurtrier, tant par ses effets directs (chutes d’objets, effondrements de bâtiments, incendies, etc.) que par les phénomènes qu’il peut engendrer (mouvements de terrain, tsunamis. Outre les victimes possibles, un très grand nombre de personnes peuvent se retrouver blessées, déplacées ou sans abris.

 

Les enjeux économiques : si les impacts sociaux, psychologiques et politiques d’une catastrophe sismique sont difficiles à mesurer, les enjeux économiques, locaux et nationaux peuvent, en revanche, être appréhendés. Un tremblement de terre et ses éventuels phénomènes connexes peuvent engendrer la destruction, la détérioration ou l’endommagement des habitations, des usines, des ouvrages (ponts, routes, voies ferrées, etc.), ainsi que la rupture des conduites de gaz qui peut provoquer des incendies ou des explosions. Une telle rupture est la plus grave des conséquences indirectes d’un séisme.

 

Les enjeux environnementaux : un tremblement de terre peut se traduire en surface par des modifications relativement modérées du paysage, mais qui peuvent dans les cas extrêmes occasionner un changement total de paysage. L’évaluation des enjeux sert à identifier les zones où les aléas sismiques doivent être caractérisés. Elle permet d’identifier les bâtiments particuliers tels que les hôpitaux, établissements scolaires, commissariats 

de police, mairies, délégations, bâtiments administratifs, centres d’opération d’urgence (COU),infrastructures (réseaux routiers, électriques, eau potable, communications)

 

Selon le Bureau des Mines et de l’Énergie, en termes de sismicité instrumentale, c’est seulement après le séisme de janvier 2010 que des réseaux de surveillance sismique ont pu s’installer en Haïti. Ces réseaux sont constitués, d’une part, de stations sismiques large bande de type Vsat (6) installées sur le territoire national et gérées par l’Unité Technique de Sismologie (UTS) du Bureau des Mines et de l’Énergie (BME) et, d’autre part, de stations sismologiques “citoyennes” Raspberry Shake (RS) (20) à transmission par internet à temps réel hébergées par des volontaires répartis sur l’ensemble du territoire national. « Ce réseau appelé Ayiti-séismes (unice.fr) est géré par le laboratoire URGéo de la Faculté des Sciences de l’UEH, le laboratoire Géoazur de l’Université Côte d’Azur (France), le laboratoire de Géologie de l’École normale supérieure (Paris, France) et le Centre Sismologique euro-méditerranéenne (CSEM/EMSC), dans le cadre du projet S2RHAI financé par le CNRS et l’IRD. Le site Ayiti-séismes, actuellement hébergé à Géoazur, a commencé à opérer à partir d’août 2019. »

 

Vladimir Predvil 

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