2024: une année diplomatique en trois temps !

Douze mois se sont écoulés dans l’histoire politique d’Haïti et dans l’évolution des relations internationales, marquant ainsi le 220e anniversaire de la proclamation de l’indépendance de la nation qui a imposé un nouvel ordre mondial en 1804, contre la colonisation, l’esclavage et le racisme sur tous les fronts, en assurant la promotion des doits, de la dignité et de la liberté de tous les peuples sur la planète.

De janvier à décembre 2024, à quelques heures du 1er janvier 2024, le pays de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines a connu plusieurs chefs de l’État en dehors du Premier ministre Ariel Henry depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. On retiendra les neuf membres du Conseil présidentiel de Transition (CPT), depuis sa formation le 12 avril 2024, les personnalités suivantes: Edgard Leblanc Fils, Lesly Voltaire, Fritz Jean, Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire, Régine Abraham et Frinel Joseph. Quatre chefs de gouvernement se sont succédé : Ariel Henry, Michel Patrick Boisvert, Garry Conille et Alix Didier Fils-Aimé, parallèlement la mise en oeuvre de la feuille de route de la diplomatie haïtienne, l’un des secteurs les plus stratégiques dans la gouvernance et la destinée de la nation a été dirigée par trois ministres des Affaires étrangères et des Cultes: Jean Victor Généus, Dominique Dupuy, Jean Victor Harvel Jean-Baptiste, ces derniers se sont fait assister par trois titulaires à la tête de la direction générale du ministère des Affaires étrangères, des diplomates de carrière qui respondent au nom d’Azad Belfort, Antoine Joseph et Christian Toussaint.

Durant les quatre trimestres de l’année 2024, on retiendra principalement trois temps diplomatiques répartis ainsi: 1-Le temps politique dominé par les changements de pouvoir, suivis par les prises de positions officielles, les décisions diplomatiques et les discours géopolitiques; 2-Le temps diplomatique a été notamment divisé par les trois styles de leadership des trois ministres et les impacts de leurs décisions ou positions sur la scène internationale, et de leur perception sur le plan local ; 3- Le temps géopolitique s’est défini par les jeux d’intérêt des institutions internationales et des prises de position des ambassades et diplomates étrangers en Haïti, autour de la situation d’Haïti, dans une approche croisée ou comparée avec d’autres États dans le monde.

Dr Ariel Henry a occupé la fonction de Premier ministre et de chef de l’Exécutif haïtien depuis le 20 juillet 2021 jusqu’au 24 avril 2024, en cédant sa place à son ancien ministre de l’Économie et des Finances Michel Patrick Boisvert, pour assurer l’intérim au sein du gouvernement, douze jours après l’installation du Conseil présidentiel de Transition (CPT), le 12 avril 2024.

Dans les semaines qui suivaient, le Dr Garry Conille allait faire son retour sur la scène politique haïtienne, en prenant fonction le 3 juin 2024 comme Premier ministre et ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales. Moins de cinq mois après, c’est au tour de l’entrepreneur Alix Didier Fils-Aimé de recevoir les bénédictions du CPT, par son installation le 10 novembre 2024 comme Premier ministre.

De la primature, à travers la feuille de route du gouvernement, jusqu’au conseil présidentiel de Transition, à partir de la vision géostratégique définie par la présidence, le leadership et l’agenda diplomatique de la nation haïtienne allaient prendre forme suivant les directives et consignes formulées par ces deux principales branches qui coiffent l’Exécutif haïtien.

Dans le même temps, trois diplomates et anciens ambassadeurs d’Haïti se sont succédé à la tête de la diplomatie haïtienne. On peut citer le passage du ministre Jean Victor Geneus (25 novembre 2021 au 13 juin 2024), de l’ancienne ambassadrice à l’UNESCO madame Dominique Dupuy (13 juin 2024 au 19 novembre 2024 ), et de l’actuel ministre en poste Jean Victor Harvel Jean-Baptiste, qui a pris ses fonctions le 19 novembre 2024.

Dans la foulée des changements politiques dans l’administration publique haïtienne, l’année diplomatique 2024 a été marquée également par le passage des trois professionnels hautement qualifiés et expérimentés au poste de directeur général. Depuis son retour au poste, avec sa deuxième installation le 12 janvier 2022, l’ancien directeur des Institutions internationales Congrès et conférences Azad Belfort, allait céder la place le lundi 5 août à Joseph Antoine, ancien directeur des ressources humaines. Trois mois plus tard, après sa nomination lors du Conseil des ministres du 21 novembre 2024, le diplomate de carrière et professeur d’université Christian Toussaint allait prendre ses fonctions comme nouveau directeur général du MAE, le 23 novembre 2024.

Durant le temps politique dans l’histoire et l’évolution de l’institution diplomatique en 2024, on retiendra les principaux faits marquants: Janvier 2024: L’entente entre les autorités haïtienne et vénézuélienne sur le remboursement de la dette de PetroCaribe, à hauteur de 500 millions, pour l’annulation de la balance, selon la ministre des Finances Ketleene Florestal. Entre fin février et 1er mars 2024 : L’accord signé entre Haïti et le Kenya pour l’envoi des policiers kenyans en Haïti, à l’initiative du président du Kenya, William Ruto, au cours de la visite du Premier ministre haïtien Ariel Henry à Nairobi. Entre escale et incapacité de retour en mars dans la capitale haïtienne: au retour du Kenya, l’aventure politique et diplomatique du Premier ministre Ariel Henry allait s’interrompre ou se dévier vers l’impossible atterrissage en République dominicaine, Porto-Rico comme alternative avant les États-Unis.

Discours mémorable prononcé par le président du CPT à la tribune de l’ONU, qui inspire et invite les Haïtiens à garder la tête haute même dans ce contexte difficile. Deux têtes du gouvernement haïtien, le Premier ministre Dr Conille et la chancelière madame Dupuy, allaient précéder deux des sept têtes de la présidence tournante, Leblanc et Voltaire pour préparer l’arrivée et l’agenda de ces derniers à l’ONU, avant les coups de tête protocolaires ou tête à tête politiques et diplomatiques manquées, pour porter le conseiller présidentiel Lesly Voltaire à annoncer que des têtes vont tomber, avant même le retour de la délégation haïtienne à Port-au-Prince. Chose dite, chose faite !

Discret et moins visible, mais tout en étant actif sur les dossiers et les différents fronts pour assister son chef de gouvernement de l’époque, le ministre Jean Victor Généus a été moins présent dans les médias et sur les réseaux sociaux durant les six premiers mois de l’année, avant de passer le leadership à l’ancien chef de poste de la représentation d’Haïti auprès de l’UNESCO.

Dominique Dupuy, dans sa double fonction de ministre des Affaires étrangères et des Cultes, et ministre des Haïtiens vivants à l’Étranger, aura marqué son bref passage en devenant l’une des figures emblématiques du gouvernement du Dr Garry Conille. Entre ses actifs et passifs, on retiendra ses positions officielles en faveur d’Haïti lors des rencontres internationales, notamment à l’occasion de la 6e conférence sur la Diaspora africaine, en plaidant pour la mémoire, la justice et la réparation, et ses démarches de soutien pour les forces de sécurité haïtienne en septembre au Brésil; son engagement dans le mémorandum d’entente signé entre le ministère des Affaires étrangères et la conférence des recteurs et présidents des universités haïtiennes (CORPUHA) le 4 septembre ; sa vision d’encourager plus d’équité et de représentativité des femmes et des jeunes dans la machine diplomatique ; sa décision de partir à la recherche de l’originale de l’acte de l’indépendance d’Haïti dans les archives de Londres, en Angleterre ; son option à élargir le cadre de coopération dans la formation supérieure et diplomatique au risque d’interférence d’autres acteurs dans la carrière diplomatique ; les confusions qui découlent au-delà des discours patriotiques dans la gestion de la crise de la déportation massive des Haïtiens de la République dominicaine, entre une ministre de la diaspora et le protocole diplomate en position de faiblesse, quand son pays marginalisé sur la scène mondiale n’a d’autres choix que de négocier.

Défaites en cascade du Premier ministre Garry Conille, face à son incapacité à matérialiser les promesses d’assistance de l’internationale, pour aider le pays à surmonter la crise sécuritaire et sociale du pays, dans sa tentative de résistance pour un remaniement et d’exigence faite au CPT concernant les trois membres indexés dans l’affaire de la Banque Nationale de Crédit, jusqu’à sauver son gouvernement avant la publication de l’arrêté du 11 novembre 2024, nommant un nouveau Premier ministre.

Diplomate de carrière, l’ancien directeur de cabinet du CPT, ancien ambassadeur représentant d’Haïti à l’OEA, ancien chargé d’affaires au Chili, ancien inspecteur général de la Police nationale d’Haïti et entre autres, le nouveau ministre des Affaires étrangères et des Cultes, Jean Victor Harvel Jean-Baptiste allait rejoindre le nouveau gouvernement, en assurant la passation le 16 novembre avec l’ancienne ministre Dominique Dupuy. Dans les directives diplomatiques formulées par le nouveau premier ministre au nouveau chancelier, on peut lire: "Le rôle de notre diplomatie, aujourd’hui plus que jamais, est primordial pour consolider la souveraineté de l’État et conclure des partenariats stratégiques avec nos alliés. ", pour reprendre un extrait de son discours d’installation prononcé le mardi 19 novembre 2024.

De la parole aux actes, après les traditionnelles salutations du corps diplomatique suivi par le discours du nouveau ministre des Affaires étrangères et des Cultes, ce dernier allait installer un autre diplomate de carrière, Christian Toussaint au poste de directeur général le 22 novembre 2024. Plusieurs rencontres allaient se tenir dans les heurs et les jours qui suivent avec des diplomates accrédités en Haïti, représentant la Colombie, le royaume d’Espagne, le Chili, les États-Unis, la représentante du secrétaire général de l’ONU en Haïti, l’ambassadeur de Chine (Taïwan) en Haïti.

Dans le temps diplomatique de la République d’Haïti durant l’année 2024, on retiendra les trois styles de leaders associés au profil respectif des trois diplomates Généus, Dupuy et Jean-Baptiste.

Dans les heures qui suivent l’installation du ministre Harvel Jean-Baptiste, ce dernier allait tout mettre en œuvre pour contribuer à l’amélioration des relations avec le plus proche pays voisin d’Haïti, la République dominicaine. À travers ses échanges avec son homologue dominicain, les deux diplomates entendent reprendre rapidement le dialogue, ceci dans l’intérêt des deux peuples.

Dans les jours qui suivent le ministre Jean-Baptiste, en dehors de la traditionnelle cérémonie de salutation du corps diplomatique, le diplomate allait rencontrer plusieurs de ses interlocuteurs en poste en Haïti, avant de partir en direction de Washington, aux États-Unis, pour ensuite se rendre à Tokyo au Japon, au début de décembre 2024, suite aux instructions du président du Conseil de Transition, Leslie Voltaire et du chef du gouvernement,Alix Didier Fils-Aimé.

Dans le cadre de la 8e réunion ministérielle Japon-Caricom, tenue à Tokyo, le ministre Jean-Baptiste avait été représenter Haïti, lors des différentes séances de travail et des rencontres bilatérales stratégiques, qui visent à renforcer les liens et la coopération du Japon avec les Etats de la région.

De sa participation au marché binational d’artisanat et d’art entre la Colombie et Haïti, en passant par les différentes rencontres et réunions de travail avec ses vis-à-vis, le ministre Jean Victor Harvel Jean-Baptiste a bouclé l’année diplomatique avec un agenda assez chargé. Parmi les diplomates rencontrés, on peut citer notamment: l’ambassadeur du Chili en Haïti, Manuel Rioseco Vicencio ; l’ambassadeur d’Espagne en Haïti, Marco Antonio Panin Toledano ; l’ambassadeur de Taiwan en Haïti, Chen-Hao Hu ; l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, Dennis H. Hanking ; la représentante du secrétaire général des Nations-Unis en Haïti, Maria Isabel Salvador, et sans oublier l’ambassadeur du Japon en Haïti, Nishiuchi Kazuhiko.

Durant la deuxième semaine de décembre 2024, l’actualité diplomatique d’Haïti a été marquée en particulier le 14 décembre, par le message du président Leslie Voltaire, à l’occasion de la création de l’alliance bolivarienne pour les peuples de l’Amérique -Traité de commerce des peuples (ALBA-TCP). Le premier des Haïtiens allait solliciter les pays membres de cette organisation à apporter leur soutien à Haïti, pris dans les engrenages de l’insécurité depuis plusieurs années.

Dans le troisième temps géopolitique de l’année 2024 pour Haïti, il y a lieu de prendre en compte les nombreuses visites et voyages des émissaires, des envoyés spéciaux, des délégations en Haïti durant les douze derniers mois. Les réunions tenues par les principales organisations multilatérales telles la CARICOM, l’ONU et l’OEA sur le dossier Haïti fourniront assez de pistes complémentaires. La dimension des enjeux géopolitiques en lien avec Haïti sera également revisitée à l’aune des publications des rapports et des déclarations autour de l’origine de la majorité des armes et des munitions utilisées par les groupes terroristes en Haïti, les attaques de ces derniers contre des lignes aériennes jusqu’à la fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince. Les questions liées à la migration haïtienne entre les déportations massives des ressortissants haïtiens de la République dominicaine, les migrants haïtiens évoluant aux États-Unis ou traversant les frontières de plusieurs pays voisins, en dehors des accusations par le futur locataire de la Maison Blanche pourraient compléter la liste. Aux chercheurs et professionnels, étudiants et activistes sur les dossiers des relations internationales et de la géopolitique, il leur reviendra de prendre le temps de comparer l’assistance accordée par certains voisins à Haïti, comparable à d’autres pays éloignés comme l’Ukraine, Israël ou Taïwan, entre autres, pour mieux tirer certaines conclusions géopolitiques.

Dans le bilan de la diplomatie haïtienne en 2024, en dehors des promotions, des rotations et des rappels, on retiendra plusieurs activités organisées au sein des missions diplomatiques et postes consulaires d’Haïti à travers le monde. En France, notamment à l’ambassade d’Haïti à Paris, au Brésil, à Cuba, en Belgique, à Washington, au Mexique, au Japon, et au Canada. Plusieurs réunions et des séances de formations au bénéfice des diplomates et cadres haïtiens ont été réalisées en 2024, notamment dans le cadre du renforcement de la coopération entre Haïti et le Bureau international des Expositions (BIE), en France et à Antigua, en prélude à l’organisation de l’exposition universelle Osaka 2025.

Des rapports de plusieurs réunions internationales, bilatérales et multilatérales disponibles sur internet peuvent offrir d’autres regards croisés sur les contributions, les interventions, les représentations, et les négociations dans lesquelles Haïti a pris part, dans ce contexte de mondialisation, à un niveau ou à un autre, comme à l’occasion du dernier Sommet de la Francophonie qui s’est tenu en France.

Dans les colonnes de Le National, des archives pourraient fournir d’autres pistes pour compléter le bilan diplomatique de 2024. On retiendra en particulier plusieurs autres activités organisées au sein des universités et centres de formation supérieure dans les relations internationales, comme l’Académie diplomatique et consulaire, l’Académie diplomatique Jean Price Mars du ministère des Affaires étrangères, le CEDI, l’Université d’État d’Haïti, entre autres. L’année a été aussi marquée par le décès de l’ancien secrétaire d’État et diplomate de carrière Henri Robert Sterlin, parmi d’autres figures. Plusieurs rencontres pour sensibiliser le public haïtien sur les enjeux de la diplomatie et des relations internationales ont été tenues dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux, comme le nouveau rendez-vous de l’analyste Daly Valet. La publication et surtout la promotion en 2024 de l’ouvrage de Maryse Saint-Pierre Cyprien, sous le titre : “Hugo Chavez et Petrocaribe, le Pétrole arme d’État et de coopération Sud-Sud, figure parmi les meilleures contributions scientifiques dans le domaine diplomatique pour cette année 2024.

A suivre….

 

Dominique Domerçant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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