Malgré les opérations annoncées par la Force de Répression des Gangs (FRG) et la Police nationale d’Haïti, l’insécurité continue d’asphyxier la vie quotidienne dans la capitale et au-delà. Les habitants peinent à vaquer à leurs occupations alors que des groupes armés tiennent toujours plusieurs quartiers et axes stratégiques.
En effet, des opérations conjointes ont été menées récemment dans l’Ouest et l’Artibonite, notamment à proximité de l’hôpital Bernard Mevs, où la police affirme avoir levé plusieurs barricades et dégagé des voies principales. Sur le terrain cependant, peu de changements tangibles se font sentir : Tabarre, Pernier, Pacot, Turgeau, Pernier, Torcel, Kenscoff, ainsi que des localités de l’Artibonite et du Centre comme Lascahobas et Mirebalais, restent sous la coupe de groupes armés qui imposent des règlements de fait.
Par ailleurs, Perchée autrefois comme refuge, Kenscoff illustre le basculement de la crise : la commune est désormais affectée par des groupes armés qui y déploient la violence pillages, viols, exécutions sommaires et dont les actions perturbent les activités agricoles et les circuits commerciaux. Les interventions policières, quand elles ont lieu, sont souvent jugées trop sporadiques ou trop lourdes, alimentant la défiance de la population.
Une stratégie de sécurité encore embryonnaire
La FRG, annoncée comme la réponse nationale à la montée des gangs après la dissolution la précédente mission multinationale d’appui à la sécurité, a pour mandat de sécuriser les infrastructures : aéroports, ports, hôpitaux, écoles, et d’assurer la liberté de circulation pour l’aide humanitaire et de renforcer les capacités de la PNH et des Forces armées d’Haïti. Malgré ces objectifs affichés, les opérations peinent à produire un impact durable : barricades repoussent, itinéraires sont continuellement rétablis puis obstrués à nouveau, et les commerçants ferment boutique par crainte des exactions.
À Doha, lors du Deuxième Sommet mondial pour le développement social, le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, a renouvelé son appel à la communauté internationale pour un appui conséquent à la FRG, approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Au-delà de la demande de renforts, M. Saint-Cyr a plaidé pour la création d’un institut national de planification sécuritaire, un organe dédié à la coordination des politiques de sécurité, à la formation des forces et à l’élaboration d’une stratégie à long terme pour restaurer l’ordre et préparer des conditions favorables aux élections.
« Rendre opérationnelle la Force de Répression des Gangs dans les meilleurs délais, tout en tirant les leçons de l’expérience antérieure, est essentiel », a déclaré le président de la transition, appelant les partenaires étrangers à des contributions effectives.
Tout compte fait, beaucoup estiment qu’il faudra davantage que des structures pour ramener l’ordre, des moyens concrets et un calendrier clair d’actions sont attendus. Aussi, pour certains, sans un appui international soutenu, capacités opérationnelles réelles et engagement tangible sur le terrain, les familles haïtiennes risquent de rester prises au piège d’une violence qui entrave le quotidien, l’économie et la perspective d’élections libres.
Vladimir Predvil
