Une ville sans musée est une ville sans mémoire, sans miroir et sans modernité !

Des cartels communaux et des  conseils d'administration intérimaires de la ville  viennent et repartent sans souvent laisser des traces dans l’histoire et la modernité de la ville. Rares sont les maires qui arrivent à dégager une vision et à réaménager quelques coins de la ville ou restaurer des sites,  plus ou moins importants et attractifs en dehors de la place publique principale de la commune, souvent placée en face du bâtiment principal de la mairie.

 

 

Dans la foulée du temps politique et administratif qui passe, c'est la mémoire de la ville qui se détériore pourtant à grands pas.  

 

 

Dans le silence complice ou l'insuffisance des ressources disponibles ou mobilisées par des dirigeants,  entre l'inconscience et l'ignorance de certains notables sur la mort lente des sacrifices consentis durant toute leur vie, et l'inaction et la passivité du plus grand nombre des habitants, c'est l'héritage collectif de la ville qui diminue jusqu'à disparaître avec le renouvellement des générations. Quelle administration communale va arrêter cette hémorragie identifiée et culturelle  ?

 

 

Dans chaque famille qui occupe depuis des siècles et des générations une partie du territoire de la commune,  il y a ce besoin  manifeste de s'identifier et de s'affirmer comme les plus dignes filles et fils de la ville. Même avec un certain nombre de réalisations retenues de leurs grands-parents au bénéfice de la collectivité,  il y a l'absence presque totale des documents,  des archives,  des images, des témoignages,  des symboles, des fragments et des objets témoins pouvant illustrer ces pages d'histoire  uniques et utiles, pour les besoins d'enseignement, de recherche et de repères.

 

 

Dans l'histoire particulière de ces fières familles, des plus anciennes aux plus récentes qui viennent s'établir ou de passage dans ces communes des plus éloignées aux plus influentes, comme les chefs lieux de chaque département notamment,  il y a  l'absence  totale d'une culture de la mémoire qui appauvrit les activités économiques de la ville. Qui va rappeler aux jeunes que la richesse institutionnelle des grandes familles se renforce et se renouvelle par le transfert des valeurs, des compétences et des secrets des grands-parents aux enfants et aux petits enfants ?

 

 

De la nécessité d'inscrire cette urgence institutionnelle et ce devoir communal de développer une nouvelle forme d'intelligence collective et culturelle chez les notables, les professionnels, les professeurs et les élèves sur l'utilité et l'importance  de conserver, de protéger,  de numériser les informations et les images, à partir d'un téléphone portable de nos jours, afin de mieux  valoriser les documentations archives  officielles, religieuses et éducatives, économiques et juridiques, médicales et authentiques dans chaque famille, de chaque administration dans la ville.

 

De l'importance d'inscrire des activités sur la généalogie dans l'agenda de chaque ville, une des activités complémentaires que la mairie, que chaque mairie se donnerait pour obligation de développer dans son agenda culturel, citoyen et communal.  Quelles sont les activités intelligentes et instructives communes qui rassemblent dans une sortie les membres d'une même famille en dehors d'une cérémonie religieuse ou funéraire, une fête, une visite ou un voyage ? Pourquoi encourager les visites en famille dans les futurs musées communaux qui doivent voir le jour bientôt en Haïti  ?

 

 

Défendre la mémoire de la ville est une des plus nobles obligations que les autorités communales, départementales et nationales  devraient inscrire dans leur mission et priorité.  Quel ancien chef de l'état, ministre, sénateur, député ou ambassadeur d'Haïti  ne partagent pas des liens ancestraux et familiaux avec une de nos villes de province souvent les plus oubliées sur la carte géographique et dans l'actualité  ? 

 

 

De la nécessité pour les jeunes et les organisations socioculturelles de la ville, d'encourager l'aménagement d'un musée communal, selon la taille de chaque ville, son économie, sa position géographique, son histoire et son patrimoine.

 

 

Des bénéficiaires de ces infrastructures culturelles, hautement politiques et économiques,  on peut compter les opérateurs du transport qui vont assurer le trajet entre les écoles de la ville et le musée.  Les professionnels de la restauration qui vont nourrir ces dizaines et centaines d'élèves,  de parents et des visiteurs lors des visites en semaine ou en week-end.  Les artisans, les artistes, les techniciens des ateliers de productions de toutes sortes, et les professionnels de l'imprimerie,  du design et des arts graphiques vont largement profiter des retombées économiques des activités et produits dérivés proposés par le musée.  Qui sont les prochains techniciens en menuiserie, génie civil, électricité, des  décorateurs et  informaticiens et webmasters qui seront mobilisés derrière chaque projet d’exposition et d'animation  ?

 

 

Dans une ville qui ne dispose pas d'une bibliothèque,  des archives ou d'un centre de documentation, il est pratiquement impossible pour les enfants et les descendants des familles de plus en plus mobiles, qui migrent entre les villes, les régions et les pays de véritablement transmettre des valeurs et le sentiment d'appartenance à la terre commune qui devraient servie pourtant de ciment entre les générations. 

 

 

Dans un musée communal, un musée de la ville, un musée dédié à l'histoire de chaque commune, c'est pratiquement toutes les formes de mémoire de la population et de l'espace physique, qui seront racontées tant à travers les objets exposés,  les supports imprimés et les communications des jeunes filles et garçons, formés et retenus pour devenir des guides, des animateurs et des prometteurs de l'histoire et de la richesse de la commune,  à travers ces nouveaux centres d'interprétation et petits musées communaux. Musée de la ville. 

 

 

Devant l'établissement et l'aménagement de chaque musée communal, les familles et d'autres visiteurs dans la ville disposeront d'un véritable miroir pour regarder à la fois le passé  comme un héritage collectif tangible, le présent comme un privilège de jouir des atouts, de la beauté et des opportunités de la ville. Ainsi, il pourront mieux  voir le futur en face, par rapport à ce que chaque citoyen et citoyenne va nouvellement apporter comme contribution pour l'avenir. 

 

 

Défendre la modernité de la ville passe par une reconnaissance historique du passé de la commune et la représentation économique du présent. Un musée n'est ni un tombeau de la ville, encore moins un cimetière des objets des anciens. C'est un espace vivant et vibrant qui éduque et inspire.

 

 

D'une pierre plusieurs corps,  un musée rapproche et rassemble les matériaux humains et naturels qui constituent la ville, reconstitue et réconcilie les mémoires variantes et vivantes qui participent à la construction de l'identité collective de cette entité  territoriale, politique, économique, culturelle, touristique et religieuse qu'est la ville.

 

 

Défendre la place d'un musée dans la ville, c'est poser la base d'une des plus importantes institutions culturelles, économiques, intelligentes,  scientifiques et éducatives pouvant participer au rayonnement de la communauté et à la rentabilité de toutes les formes d'activités humaines qui se développent, évoluent, donc, qui ont certainement une histoire à raconter,  dans l'espace-temps enveloppant la commune, la complémentarité et la transversalité de la mémoire collective.  Notre bien commun,  le patrimoine authentique de chaque ville en Haïti, qui mérite au moins d'un musée, comme espace de mémoire. Un musée comme miroir. 

 

Dominique Domerçant

 

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