Justice: Vers la journée des œuvres artistiques marginalisées !

Dans l’histoire de l’art, dans toutes les catégories confondues, dans pratiquement toutes les expositions permanentes, temporaires ou itinérantes organisées dans tous les musées dans le monde, il existera toujours une œuvre d’art, une pièce importante exposée, mais pas toujours comprise, qui mériterait certainement que le public porte au moins un regard dans ce coin, à défaut de lancer des débats sur la représentation, les expressions, le support,  l’auteur ou le contexte dans lequel cette œuvre a été créée et pourquoi elle est encore et toujours exposée.

Dans une exposition réalisée dans une galerie d’art. Rares sont  les vernissages qui offraient l’occasion de voir toutes les pièces exposées trouver un acheteur. Même avec l’acquisition de certaines de ces œuvres,  bon nombre d’entre elles sont mises dans un coin, sont marginalisées dans les salles les moins visitées ou les dépôts. Et si on organisait une journée internationale pour apprécier les œuvres marginalisées pendant longtemps ?

Du neuf, ces œuvres artistiques anciennes et marginalisées redeviennent, lorsque l’esprit un peu plus reposé et en décalage avec la mode, la foule et l’influence des médias pas toujours objective. Quel tableau mis de côté, qui, des années après, a fini par faire impact sur tes émotions et ta passion de la peinture ? Quelles sont les compositions musicales que tu as découvertes tardivement dans un ancien album ?

Devant un iceberg, on ne voit pas toujours ce qui se cache dans le fond, c’est pratiquement la même représentation dans chaque projet artistique et culturel. On s’accroche souvent aux chansons, aux peintures, aux tableaux, aux poèmes les plus cités et publiés sur les supports de promotion, les affiches ou cartons d’invitation sans prendre le temps de découvrir parfois d’autres œuvres plus inspirantes, influentes et imposantes.

Dans un temps presque lointain, lors des manifestations culturelles baptisées: “Vendredi littéraire", organisées pendant longtemps à Delmas, il était possible de découvrir certains poèmes ignorés, des textes oubliés, des créations inconnues pourtant qui traînaient dans des pages, des ouvrages, des paysages marginalisés.

Dans les bâtiments des grandes institutions ou les résidences des grands collectionneurs, ou les locaux les plus prestigieux et les plus riches, comme les châteaux, les palais, les musées, les banques, on retient un grand nombre des oeuvres picturales parfois uniques et très précieuses, qui sont victimes de la trop grande diversité en qualité et quantité des oeuvres exposées dans ces lieux magnifiques. Il nous faut véritablement cette journée qui invitera les responsables à se souvenir de ces pièces, à la population de se rappeler de ces créateurs après tant de sacrifices et aux publics curieux de s’affranchir de sujets souvent importés ou imposés par les médias ?    

Dans pratiquement chaque album de musique sorti, derrière les tubes qui marchent, qui font danser, qui font vibrer, qui font débat sur tous les toits, il existe toujours des pièces connues comme des perles ou parfois piètres, qui échappent à l’attention du plus grand nombre. Pourquoi et comment maximiser l’audition de ces œuvres musicales, quand les animateurs ou le public, les passionnés se laissent entraîner dans la voie des autres ? Et pourtant, ces chansons oubliées, marginalisées, méprisées et souvent ignorées portaient bien des messages importants ?

Dans chaque album, dans chaque groupe musical en Haïti, comme dans toute l’histoire contemporaine de la musique, on pourrait réaliser pour chaque artiste solo, ou chaque groupe un album constitué de la compilation de toutes les pièces, les chansons, les compositions qui ne sont jamais ou très peu diffusées dans les médias. Qui a déjà écouté toutes les pièces de tous les albums des groupes Zekle, Mizik Mizik, Boukan Ginen, Boukman Eksperyans, Sweet-Micky, Tabou Combo,  Tropicana, Carimi, Emposib, Kreyòl-la ?

Des groupes musicaux dans le temps comme Zin, Tabou Combo, System Band, Riske, Original Rap Staff (ORS), King Posse,  dans les années 90, comme Zenglen, Barikad, avaient eu la chance de voir la majorité des pièces qui composaient leur album, bénéficier d’une attention et d’un accueil favorable du public. N’est-ce pas une façon intelligente d’exiger plus de qualité dans les offres culturelles de nos créateurs ?    

Durant cette journée nationale, qui n’est pas une journée de rétrospective sur les oeuvres d’art, mais une journée dédiée à la découverte des oeuvres pendant longtemps marginalisées, oubliées, méprisées, ignorées dans la programmation des médias, dans la sélection des animateurs, dans les combinaisons des DJ, les festivals littéraires, les expositions rétrospectives, les journées du carnaval, et toutes les activités qui participent à l'écriture de l’histoire de l’art, tout en enrichissant le patrimoine national et universel.

Demandons justice, pour ces oeuvres artistiques qui sont pratiquement emprisonnées entre les quatre murs de l’oubli, de l'ignorance, de l'indifférence et de la marginalisation du public, trop accrochés à la mode et l’influence des médias qui ne rendent pas toujours justice à l’ensemble du travail des créateurs de l’esprit, des producteurs artistiques, et des groupes qui cherchent à diversifier la qualité dans les offres culturelles proposées.

Du temps pour changer les décors, changer l’ambiance, chanter et danser  des chansons qui ne sont pas sur la liste de la grande foule ou des masses média. On ne saurait ignorer l’apport significatif des chauffeurs de Tap-tap, des autobus qui assurent le trajet (Port-au-Prince/ Carrefour Feuille) et le trajet interdépartemental dans le temps, même sans le respect des droits d’auteur, dans la promotion de toutes les pièces, à la sortie d’un album Compas, dans les années 80, 90 et début 2000.

Découvrir toutes les créations artistiques marginalisées, ignorées ou oubliées, à travers la synergie de tous les maillons de la chaîne, des opérateurs spécialité, n’est-ce pas un bel exercice culturel innovant, une belle célébration de la créativité marginalisée, un beau festival de la mémoire perdue, une vraie journée nationale/internationale pour découvrir les perles rares du patrimoine national haïtien.

 

Dominique Domerçant  

Credit Photo: Ayibopost

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